L’Arabie saoudite, «en très mauvaise posture» avec Trump, tente de séduire Hollywood

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Tandis que l’Arabie saoudite est pointée du doigt pour son rôle dans la chute des prix du pétrole et pourrait même perdre l’assistance militaire américaine, elle tente de s’implanter à Hollywood, frappée par la crise du coronavirus. Analyse de Pierre Conesa, auteur et ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, pour le Désordre mondial.

Le gouvernement américain a déclaré qu’il retirerait ses troupes et ses missiles Patriot du sol saoudien. Faut-il lier cette annonce à la frustration que Donald Trump a exprimée à propos de la position de l’Arabie saoudite sur le marché pétrolier?
 

En effet, Riyad a jusqu’à présent refusé de réduire sa production de pétrole et d’augmenter les prix, qui crèvent le plancher et menacent le secteur énergétique américain. S’agit-il simplement d’un bluff de la part de Donald Trump ou d’un changement de politique envers le Royaume?
 Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense et auteur de «Docteur Saoud et Mister Djihad, la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite» (Éd. Robert Laffont), explique la position de faiblesse actuelle du Royaume vis-à-vis de toute décision américaine:

«L’Arabie saoudite, notamment Mohammed ben Salmane [MBS, nldr], est en très mauvaise posture. Rappelez-vous que l’on est quelques mois après l’assassinat et le charcutage de Khashoggi, qui a fait un scandale international extraordinaire, une période pendant laquelle MBS a pu compter sur l’appui de Trump […] Donc on voit effectivement mal MBS râler quand on le critique. Ça donne à Trump une espèce de virginité qu’il n’a jamais eue et MBS est obligé de se taire.»

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Malgré ces tensions avec les États-Unis, l’Arabie saoudite tente néanmoins de s’implanter à Hollywood via son fonds souverain, à commencer notamment par des participations dans Live Nation (producteur de concerts) et la Walt Disney Co, ainsi qu’une offre pour Warner Music Group. Riyad profite ainsi de l’impact massif de la crise sanitaire sur le financement de ce secteur clé du soft Power américain. Mais quel intérêt pour le Royaume? Pour l’auteur de «Hollywar: Hollywood, arme de propagande massive» (Éd. Robert Laffont), la réponse tombe sous le sens:

«J’espère qu’ils ont lu mon bouquin, c’est-à-dire qu’ils ont compris cette formidable capacité de cette machine de production propagandiste à créer du mythe. Vous savez, l’Arabe, dans la mythologie hollywoodienne, est passé du cheikh vivant dans le désert, entouré d’un harem avec un grand caractère noble, au terroriste. On a basculé directement de l’un à l’autre.»

Est-ce que ces investissements étrangers pourraient rencontrer plus de succès que les tentatives d’attirer les entreprises étrangères en Arabie saoudite par le biais d’initiatives telles que «Saudi Vision 2030», le projet du prince héritier visant à diversifier son économie? D’après Conesa:

«Comment voulez-vous attirer des PME de haute technologie dans un pays où il n’y a pas de Code du commerce? C’est-à-dire qu’avec le sponsoring local, vous vous trouvez entre les mains d’un homme qui va vous prendre 51% du capital que vous investissez et qui va être jugé par un tribunal coranique si vous avez un différend avec lui. Tous ces plans sont totalement irrationnels, mais ils permettent de faire tenir tranquilles les hommes d’affaires.»
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