Quasiment tous les pays du monde ont subi un coup dur en matière d’économie après ces quelques mois passés en contexte pandémique. L’Afrique a été moins touchée et plus tard, mais certaines régions de ce continent vivent depuis de longues années une crise économique continue. Le Sahel et les pays comme le Tchad qui, depuis 2014, doivent faire face aux attaques dévastatrices de Boko Haram et qui dépendent terriblement de chaque changement minime de prix du pétrole.
Le Tchad frappé de plein fouet depuis 2014
Au début de l’année 2020, le Tchad a commencé enfin à avoir une croissance positive après une plongée de six ans, pour en arriver mi-mars à un arrêt économique à cause de la pandémie, ce qui a détruit, sans surprise, l’équilibre fragile. Jareth Beain, Président du Cercle de réflexion et d’orientation sur la soutenabilité de l’économie tchadienne (CROSET) et directeur de publication de la revue Tchad Éco, explique en détails ce qui a mené vers la réalité économique actuelle.
«Depuis 2014 c’est Boko Haram, qui tout au long de la frontière bloque toute activité économique avec le Cameroun, le Nigeria et le Niger. Le Tchad n’exporte pas et n’importe pas sur cette frontière. De plus, il y avait un afflux des réfugiés venant des pays voisins sur le territoire national, et le Tchad a été obligé de les prendre en charge. En 2016, la croissance économique était négative de 3,7% et le Tchad a commencé à reprendre progressivement à partir de 2019 pour arriver aux bons indicateurs en 2020, mais le Covid-19 a tout bouleversé.»
Le secteur informel de l’économie
Les marchés tchadiens sont de nouveau ouverts, et les commerçants essayent de s’adapter au plus vite aux nouvelles consignes sanitaires, comme le port de masques et de gants tout le long de la journée ainsi que la limitation du nombre de personnes pouvant se trouver en même temps dans leurs boutiques. Deux mois d’arrêt commercial ont coûté très cher aux vendeurs journaliers, qui ne reçoivent aucun soutien. Jareth Beain précise:
«Au niveau micro l’économie tchadienne est majoritairement dominée par le secteur informel, il s’agit des achats et ventes journaliers. Avec la fermeture des marchés, il y a eu des véritables crises sociales, les gens n’arrivaient pas à s’en sortir, et d’un autre côté, il y a eu le chômage lié à la fermeture des restaurants et des bars, des compagnies des transports etc. À cause de tous ces effets négatifs le gouvernement a pris des mesures pour la réouverture progressive de toutes ces activités».
Presque la moitié du budget national vient de la vente de pétrole
Les prix du pétrole se sont effondrés sur le marché international depuis le début de la pandémie et les restrictions de voyage imposées à travers le monde ont provoqué la chute de la demande. Au niveau macroéconomique, le Tchad a été davantage frappé car, pour le moment, la diversification n’est pas d’actualité et le budget est dépendant du prix du baril, éclaire le président du CROSET.
«Comme c’est un pays qui exploite son pétrole, avec la baisse du prix du pétrole, le budget du Tchad qui a été élaboré avec le scénario initial de 60,5 dollar le baril, et le prix a chuté jusqu’à moins de 30 dollar donc cela a affecté négativement les recettes pétrolières qui sont évaluées à hauteur de 43,92% du total du budget de l’État.»
Un autre facteur crucial c’est la baisse des recettes fiscales. La plupart des entreprises qui paient des impôts n’ont pas pu effectuer de paiement durant cette période d’arrêt de l’activité économique.
Parallèlement, la réorientation vers les urgences sanitaires a mis en péril la mise en œuvre du plan national de développement du Tchad, qui avançait doucement depuis 2017.
Un scénario vainqueur pour le Sahel grâce au Covid-19
Pendant que le monde espère une reprise rapide des activités pétrolières, le Tchad reste sur la voie de diversification de son économie qui est majoritairement dominée par le secteur de l’or noir. Cependant, le contexte pandémique pourrait jouer un rôle positif pour le pays et la région, explique Jareth Beain.
«Le Tchad et la sous-région sahélienne pourrait profiter de cette solidarité internationale pour lever les fonds nécessaires en vue de financer son développement. Mais aussi, le Covid-19 est une opportunité pour les pays de la région sahélienne de renforcer d’avantage leur solidarité entre les États, qui pourrait donner une forte chance de vaincre le terrorisme qui bloque le décollage du Sahel.»