Nouvel épisode de «je t’aime moi non plus» entre Alger et Paris

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L’Algérie a décidé de rappeler «immédiatement» son ambassadeur à Paris pour consultation en signe de protestation à la suite de la diffusion, sur les chaînes du service public France 5 et LCP, de deux documentaires sur le Hirak. Alger dénonce «des attaques contre le peuple algérien et ses institutions».

Il a suffi d’un rien pour que les relations entre Paris et Alger s’enflamment. Cette fois-ci, ce sont deux documentaires sur le Hirak diffusés durant la soirée du mardi 26 mai par France 5 et LCP qui ont mis le feu aux poudres. Visiblement, c’est «Algérie mon amour», un film du journaliste franco-algérien Mustapha Kessous, qui a le plus fait grincer des dents sur la rive sud de la Méditerranée. La concomitance des deux programmes n’a fait, du reste, qu’accréditer la thèse de la malveillance, du sombre plan fomenté par les ennemis de l’Algérie.

Le documentaire, qui donne la parole à de jeunes Algériens engagés dans le Mouvement citoyen, a provoqué une vive polémique sur les réseaux sociaux.

Dénoncés par de nombreux hirakistes à cause de courtes scènes montrant les personnages en train de consommer de l’alcool et évoquer des questions d’ordre sexuel, le travail de Mustapha Kessous a été perçu comme un acte «visant à porter atteinte à l’image du Hirak». Il ressort des commentaires et autres réactions sur les réseaux sociaux que l’objet de l’indignation portait davantage sur une mise en scène «parachutée» et «tendancieuse», visant à dessiner les hirakistes sous les traits d’une jeunesse débridée, insouciante, dépourvue de conscience politique. En un mot, c’est tout «l’idéal du Hirak» qui était sacrifié, réduit à des clichés insipides.

Alger monte au créneau

Mais c’est la réaction, mercredi 27 mai, du gouvernement algérien qui a donné une tout autre tournure à cette polémique.

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Dans un communiqué de presse, repris par l’agence de presse officielle APS, le ministère des Affaires étrangères dénonce, sans plus de précisions, «les attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l'Armée nationale populaire».

«Le caractère récurrent de programmes diffusés par des chaînes de télévision publique françaises, dont les derniers en date sur France 5 et la Chaîne Parlementaire, le 26 mai 2020, en apparence spontanés et sous le prétexte de la liberté d’expression, sont en fait des attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l'ANP et sa composante, la digne héritière de l'Armée de libération nationale (ALN).»

Dans le même texte, on annonce que L'Algérie a décidé de rappeler «immédiatement» pour consultations son ambassadeur en France. Par ailleurs, aucune réaction d’une source officielle française n’a été enregistrée, le 28 mai, jusqu’à 11H GMT.

Le Hirak béni…

Mais il y a plus étrange encore. Dans un commentaire, l’agence de presse officielle APS écrit à propos des réactions sur les réseaux sociaux concernant «la dégradation de l’image» du Hirak: «Ce qui a amené ces observateurs à considérer ce documentaire comme un affront et un outrage à un mouvement béni qui a sauvé l’Algérie, préservé la République et ses institutions et permis de neutraliser des réseaux transversaux d’agents d’influence mobilisés pour la défense des intérêts français et qui ont même financé la campagne électorale d’un candidat à l’élection présidentielle du 12 décembre 2019.» Le Hirak, dont des dizaines d’animateurs ont été condamnés ces dernières semaines à de lourdes peines de prison est subitement devenu le «sauveur de l’Algérie».

Simple orage de printemps

Pour Hakim Boughrara, et professeur en science de l’information et analyste politique, ce énième épisode de tensions entre Paris et Alger ne saurait être qualifié de «crise politique».

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Dans une déclaration à Sputnik, il rappelle qu’un événement quasi identique s’était produit quand l’ambassadeur de France à Alger avait été convoqué par le ministère algérien des Affaires étrangères après l’intervention du chercheur Francis Ghilès lors d’un direct sur la chaîne d’information France 24.

«Le rappel par Alger de son ambassadeur à Paris n’a rien d’excessif. C’est un simple orage de printemps. Les tensions sont généralement d’ordre médiatique avec quelques réactions sur le plan diplomatique. Mais sur le plan officiel, Paris et Alger sont toujours d’accord. Il est impossible que les tensions provoquent une crise qui conduirait à l’expulsion d’un des ambassadeurs ou à la fermeture d’une ambassade», note Hakim Boughrara.

Selon lui, il faut attendre la visite officielle du Président Abdelmadjid Tebboune à Paris pour «qu’apparaisse au grand jour la nature des relations entre les deux pays». Rappelons qu’Abdelmadjid Tebboune avait été invité officiellement par Emmanuel Macron lors d’un entretien téléphonique qui a eu lieu le 19 mars dernier. Les deux chefs d’État avaient convenu de définir une date pour cette visite dès la fin de la crise sanitaire.

En attendant, El Mouradia semble savourer un rare moment de symbiose avec la rue algérienne. Celle-là même qui n’a eu de cesse de l’accuser de tenter, l’armée et le Covid-19 aidant, de porter un coup de grâce au Hirak. Vouée aux gémonies et unanimement honnie, la France aura tout de même été dans cette affaire, et presque à son insu, un facteur de réconciliation, sans doute très éphémère…

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