Coup de tonnerre pour la blockchain TON

© AP Photo / Andrew HarnikLe siège de la SEC (Security and Exchange Commission), gendarme de la Bourse américaine, à Washington
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Désireux de profiter du mouvement des cryptomonnaies ébauché depuis plus d’une dizaine d’années et fort de sa notoriété sulfureuse, l’entrepreneur russe Pavel Dourov s’est immiscé dans ce courant rémunérateur. Toutefois, son ambition de lancer sa propre devise numérique s’est écrasée sur le principe d’extraterritorialité du droit américain.

Bénéficiant d’un gain de popularité croissant depuis la crise financière de 2008, les cryptomonnaies ont essaimé, au grand dam des institutions bancaires, et ont amélioré crescendo la capacité et la sécurité des échanges (moins, en revanche, leur vélocité en raison d’une architecture privilégiant les deux points précédents). Ces devises numériques reposent sur la technique dite chaîne de blocs (blockchain), laquelle permet une amélioration continue de l’intégrité des échanges comme de leur infalsifiabilité en tant que registre.

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Cependant, elles pâtissent d’une défiance plus ou moins prononcée de la part des acteurs du secteur bancaire et des gouvernants pour des raisons parfois objectives (importante volatilité des cours, moindre garantie contre les escroqueries, augmentation du financement de la criminalité mondiale), mais en passant sous silence certaines qualités indéniables (forte sécurisation des transactions, absence ou faibles frais bancaires, facilité des échanges avec des tiers).

Ces monnaies virtuelles reposent sur la confiance de leurs adeptes, à défaut d’un organisme de régulation. Or, toute la difficulté pour la nouvelle génération de cryptomonnaies est d’émerger au côté des poids lourds que sont le Bitcoin, l’Ether ou le Litecoin.

Mais à part quelques spécialistes et détenteurs de ces devises numériques, qui a jamais entendu le nom de EOS ou de Chainlink?

Libra est en ce sens une exception, mais parce que derrière le consortium ayant appuyé son lancement se trouvent plusieurs sociétés reconnues du secteur du numérique et de la finance, à commencer par le groupe Facebook.

La grande ambition du fondateur de Telegram

Alors pourquoi TON (abréviation de Telegram Open Network) et sa cryptomonnaie Gram sont-ils condamnés à échouer en dépit d’un plan de lancement solide et d’une technologie aboutie?

Envisagé par Nikolaï et surtout son frère Pavel Dourov, le fondateur du réseau social Vkontakte (numéro un en Russie) et de la messagerie Telegram, le Gram devait apporter plusieurs bienfaits. Les principaux d’entre eux se situaient sur les plans de la rapidité et de l’échelle des traitements en appliquant la technique de séparation des bases de données (sharding, ou distribution par jeu de données).

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La plate-forme TON devait assurer l’architecture de la diffusion des Grams en se basant sur le P2P (réseau de pair à pair), d’où une décentralisation des échanges dans le double souci d’augmenter l’anonymat et la résilience du réseau.

Par ailleurs, autour du Gram devait évoluer toute une galaxie d’applications, dont certaines uniquement en infonébullisation (favorisant la connectique de proximité).

Et enfin, dans le but de ne pas asphyxier l’écosystème, le TON avait prévu d’accepter les transactions en Grams bien évidemment, mais aussi d’autres cryptomonnaies.

Dès lors, et au regard d’un tel déploiement technique, pourquoi en parler au passé alors que le projet est élaboré depuis 2017 et était en passe d’être activé publiquement dans le courant de l’année 2020?

Parce qu’une décision de justice vient de reconnaître l’enregistrement de la cryptomonnaie en tant que contrat d’investissement.

À l’origine de cette demande, la puissante SEC (Securities and Exchange Commission), considérée comme le gendarme de la Bourse outre-Atlantique. Elle avait déjà obtenu satisfaction par la justice américaine le 11 octobre 2019 avant de recevoir confirmation de cette première décision le 24 mars 2020.

Gram dynamité par le principe d’extraterritorialité du droit américain

Car pour la SEC, le Gram, lors de sa diffusion, aurait été un acte juridique d’ordre financier mais non enregistré légalement sur le territoire américain et, par conséquent, susceptible de ne pas offrir suffisamment de garanties au citoyen américain. La seconde raison, implicite mais corrélée à la première, insiste sur le fait que tout ressortissant américain aurait pu se procurer des Grams où qu’il puisse se trouver dans le monde (ce qui rappelle certaines mesures d’extraterritorialité comme les lois Foreign Corrupt Practices Act de 1977 ou celle dite Sarbanes-Oxley de 2002).

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Au final, le 22 mai 2020, le groupe Telegram s’est décidé à retirer toute demande d’appel quant à la décision du juge américain. Ce qui ne manquera pas de poser de menues complications au sujet du remboursement des investisseurs puisque TON avait déjà levé 1,7 milliard de dollars en prévision de l’offre initiale de lancement.

Certes, le magistrat évoque le fait que les Gram collectés auraient été un contrat d’investissement masqué (par le fameux test d’Howey) mais il a «étiré» cette démonstration au monde entier, imposant de jure un principe d’extraterritorialité qui constitue une sérieuse alarme pour les futurs développeurs et utilisateurs de cryptomonnaies.

Ainsi comme Pavel Dourov le précise sur le site officiel, non sans une pointe d’amertume:

«Malheureusement, le juge américain a raison sur une chose: nous, les gens en dehors des États-Unis, pouvons voter pour nos Présidents et élire nos Parlements, mais nous dépendons toujours des États-Unis en matière de finances et de technologies (heureusement pas du café) . Les États-Unis peuvent utiliser leur contrôle sur le dollar et le système financier international pour fermer toute banque ou tout compte bancaire dans le monde… Alors oui, il est vrai que d'autres pays n'ont pas la pleine souveraineté sur ce qu'il faut autoriser sur leur territoire.»
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