Dépendance américaine de la Russie dans le domaine spatial: «finalement, c’est le pragmatisme qui prévaut»

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Le lancement par SpaceX de sa fusée Falcon 9, qui emporte la capsule Crew Dragon, a marqué la première fois qu’une entreprise privée –et non un gouvernement ou la NASA– a envoyé des astronautes dans l’espace. Décryptage de l’aventure d’Elon Musk par Marc German, spécialiste de l’industrie de la défense, au micro de Rachel Marsden.

Dans la conquête spatiale, le tir de la fusée Falcon 9 le 30 mai est un événement historique: cela a été la première fois qu’une entreprise privée a envoyé des astronautes vers la station spatiale internationale. Et d’une certaine manière, ils peuvent remercier la Russie.


En effet, la NASA, le programme spatial du gouvernement américain, dépend depuis 2011 de la Russie pour amener ses astronautes jusqu’à la station spatiale internationale via le système de lancement russe, Soyouz. Pour trouver une alternative, les Américains se sont tournés en 2014 vers deux sociétés privées: Boeing, un prestataire majeur du secteur de la Défense, et SpaceX, fondé par le PDG de Tesla, Elon Musk. Six ans plus tard, la capsule Crew Dragon de SpaceX est prête, propulsée par sa fusée Falcon 9, avec deux astronautes de la NASA à bord. Mais qu’est-ce que cela signifie pour la coopération américano-russe dans l’un des domaines qui semblait jusqu’alors fonctionner plutôt bien?
 
Marc German, spécialiste en intelligence compétitive, diplomatie d’entreprise, industrie de la défense, technologies émergentes et cyberdéfense, explique que le fondateur de SpaceX mettrait ses pas dans ceux de l’ingénieur allemand visionnaire qui a permis à la NASA de conquérir l’espace. Responsable des programmes des missiles balistiques V2 de l’Allemagne nazie, il fut récupéré par les Américains après la Seconde Guerre mondiale lors de l’Opération Paperclip:

«Les succès de la NASA étaient incarnés par un homme visionnaire qui s’appelait Wernher von Braun et tous les progrès spatiaux américains étaient dépendants de la vision de cet homme. À la tête de SpaceX, vous avez un homme visionnaire qui se projette sur Mars. Ça paraît complètement fou.»

German explique comment le start-up SpaceX a réussi à battre son concurrent, le géant Boeing, dans la course à la fusée: 

«Boeing a rencontré quelques difficultés. Il faut savoir que Boeing est une grosse machine, une grosse entreprise. SpaceX, c’est un start-up avec tout le dynamisme que l’on attache généralement à cette notion. Les difficultés techniques de Boeing sont à mettre en relation avec le coût du programme de Boeing, qui est plus cher que la solution SpaceX.»

Marc German décrit l’approche de SpaceX et de Musk et les risques qu’il a pris:

«Elon Musk a fait appel à des professionnels et des compétences complémentaires qui avaient une forte personnalité. Il a additionné les talents. Il faut quand même se rappeler que les premiers essais ont été des échecs et qu’il a fallu la volonté d’un entrepreneur un peu fou pour perdurer. Et finalement, le dernier test avant un arrêt définitif du programme a été un succès.» 

 SpaceX Crew Dragon  - Sputnik Afrique
La capsule Crew Dragon de SpaceX amarrée, les astronautes US rentrent dans l’ISS - vidéos
Mais comment expliquer que jusqu’ici, malgré leur rhétorique politique agressive vis-à-vis de la Russie, les États-Unis se contentaient de se dépendre de Moscou pour envoyer ses astronautes sur la station spatiale internationale? Pour Marc German, il n’y a pas de mystère: 

«Les États-Unis et leurs dirigeants ont toujours montré beaucoup de pragmatisme. Dans un autre domaine, la logistique transport cargo, lors d’opérations extérieures, les Américains n’hésitent pas à utiliser la capacité de transport cargo des Russes, qui possèdent par exemple la plus grande flotte d’Antonov 124 pour déplacer des équipements lourds vers des théâtres d’opérations, alors que stratégiquement, les Américains peuvent être en compétition avec les intérêts russes sur ces mêmes théâtres d’opérations. Finalement, c’est le pragmatisme qui prévaut.» 

Et l’impact sur la Russie face à cette autonomie américaine? German réagit: 

«La Russie va perdre un client. Ça ne va pas modifier de façon phénoménale le programme spatial russe. Les Russes devaient s’attendre à perdre ce client, car il était convenu que les Américains avaient lancé par ailleurs des programmes pour se départir de cette solution russe.»
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