Palestiniens face à Israël: «lutte armée, négociation, aujourd’hui, ces deux stratégies ont échoué»

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Alors qu’Israël pourrait officiellement prendre possession de territoires en Cisjordanie, les autorités palestiniennes semblent ne pas pouvoir réagir. S’agit-il de la fin d’une époque pour les Palestiniens? C’est la question posée à Alain Gresh, spécialiste de la cause palestinienne, dans ce nouveau Désalliances l’Entretien.

Face aux pressions de Benjamin Netanyahou, qui souhaite annexer des territoires de Cisjordanie et au plan de Donald Trump, les autorités politiques palestiniennes semblent ne pouvoir apporter aucune réponse pour soutenir son peuple.

En effet, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (qui gère la Cisjordanie), a plus d’une fois menacé de démanteler celle-ci, de rompre la coordination sécuritaire avec Israël et de déchirer les accords internationaux tels que ceux d’Oslo. Mais comme d’habitude, rien n’a été vraiment mis à exécution. Quant au Hamas (qui contrôle la bande de Gaza), il n’a fait que de grandes déclarations.

Focus sur ces hommes et ces organisations à bout de souffle.

Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique et fondateur du journal en ligne Orient XXI, suit depuis des décennies le cas de la Palestine. Il a notamment publié de nombreux ouvrages sur le conflit israélo-palestinien. Il analyse pour Sputnik les différentes politiques palestiniennes, leurs faiblesses, leurs atouts et leur avenir.

La fin d’une époque

D’emblée, Alain Gresh affirme que les autorités et organisations représentant les Palestiniens, qu’ils soient en Cisjordanie, à Gaza ou ailleurs, sont dans l’impasse.

«Je crois qu’on assiste à la fin d’une période, d’une époque, qui a été marquée par –après 1967– la montée de l’OLP comme représentante du peuple palestinien, la lutte armée d’abord, après les négociations et qui a abouti aux Accords d’Oslo. […] Aujourd’hui, ces deux stratégies ont échoué.»

Pour dresser un constat global, Alain Gresh revient sur le temps long en rappelant qu’aussi bien Yasser Arafat et Mahmoud Abbas d’un côté que le Hamas de l’autre ne sont jamais parvenus à obtenir un État pour leur peuple. Les premiers ont tenté de négocier, sans succès, puisque plus de 25 ans après les Accords d’Oslo, Netanyahou pourrait intégrer des pans entiers de la Cisjordanie à Israël. Quant au Hamas, c’est une organisation terroriste pour de nombreuses puissances et Gaza vit sous embargo.

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La diplomatie ne donnant aucun résultat, Mahmoud Abbas a donc menacé de supprimer l’Autorité palestinienne (AP) le 19 mai dernier. Une idée reprise par la presse et dénoncée par Alain Gresh, qui explique que cette entité «s’occupe de la vie quotidienne des Palestiniens, de l’enseignement, de la santé, etc.».

Dénonçant le fait qu’aucune organisation palestinienne, dont l’AP, ne réfléchisse à développer une nouvelle stratégie après tant d’échecs, Alain Gresh rappelle que celle présidée par Abbas et qui dirige la Cisjordanie est loin d’être un modèle:

«L’AP est un système –qu’Arafat d’ailleurs a créé– qui repose sur une personne qui prend toutes les décisions et qui est aussi un système autoritaire. Et il faut rappeler qu’en 1993, quand les Accords d’Oslo sont mis en place, l’aide internationale –américaine et de l’Union européenne– c’est pour renforcer avant tout la sécurité, au détriment de la défense des droits humains, de la liberté, etc. On pousse l’AP à être une autorité plutôt de répression.»

Pour Alain Gresh, le renouvellement ne peut se faire qu’avec du temps et la démission ou la mort d’Abbas ne changera pas grand-chose.

Les soutiens à la cause palestinienne

Si la démographie palestinienne et la conscience politique de ce peuple sont importantes et représentent des atouts face à Israël, les organisations politiques palestiniennes ont deux grandes faiblesses: le pouvoir et la corruption d’une part, leur lutte fratricide de l’autre.

«Pour le Fatah comme pour le Hamas, le pouvoir politique en Cisjordanie et à Gaza, c’est une manière d’accumuler des ressources financières, répressives, etc. Et c’est pour cela qu’il n’arrive pas à s’entendre. Aujourd’hui, il n’y a pas tellement de différence de stratégie […], mais il y a une division, il s’est créé des intérêts aussi bien à Ramallah qu’à Gaza dont profitent le Fatah et le Hamas et aucun ne veut renoncer à ses intérêts.»

Si Alain Gresh passe en revue les principaux parrains des Palestiniens en mentionnant l’Iran, le Qatar et la Turquie et en expliquant pour la Jordanie, l’Égypte et l’Arabie saoudite, le soutien est plus ambigu, il considère surtout que sans l’aide de l’Union européenne, le sort des Palestiniens ne pourra s’améliorer:

«On dit souvent qu’Israël ne cède jamais aux pressions, c’est du baratin. Si l’UE décidait de prendre des sanctions réelles sur l’exportation des produits agricoles israéliens vers le marché européen, sur la coopération scientifique, sur le statut d’Israël auprès de l’UE, qui est quasiment celui d’un État membre.»

L’ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique et fondateur du journal en ligne Orient XXI n’oublie pas le rôle de la Russie, qui se refuse aussi à prendre clairement position:

«La Russie […] a des bonnes relations avec l’OLP, mais aussi avec le Fatah, avec le Hamas, etc., mais en même temps d’excellentes relations avec Netanyahou, des relations économiques très denses et il n’y a aucune forme de pression sur Israël. Tant qu’il n’y aura pas ces pressions, on n’avancera pas.»
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