Mort de George Floyd: des célébrités marocaines tombent dans l’antiracisme raciste

© AP Photo / Ringo H.W. ChiuUn portrait mural de George Floyd à Los Angeles (archive photo)
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Au Maroc, des artistes ont affiché récemment leur soutien au mouvement «Black lives matter», né à la suite de l’affaire George Floyd, aux États-Unis. Les uns ont été applaudis pour leur geste. Les autres ont fait l’objet de vives critiques. Voici pourquoi.

L’onde de choc de l’affaire George Floyd est arrivée jusqu’au Maroc. Ici, comme dans d’autres pays arabes, l’indignation contre la bavure policière meurtrière contre l’Afro-Américain de 46 ans a été exprimée uniquement sur les réseaux sociaux. Certains indignés virtuels se sont limités à reprendre le hashtag #BlackLivesMatter (les vies noires comptent). D’autres sont allés plus loin, parfois beaucoup trop loin. C’est le cas de certaines célébrités marocaines.

Pour dénoncer le racisme, une chanteuse, une actrice et un rappeur ont posté des messages jugés racistes par beaucoup d’internautes. Pensant bien faire, Asma Lamnawar et Mariam Hussein se sont affichées sur le réseau social Instagram, le visage grimé en noir. Si certains y ont vu un acte de solidarité, d’autres, beaucoup plus nombreux, ont crié au racisme. Leur blackface («grimage en Noir») a choqué même certains des plus grands fans des chansons de la première et des rôles marquants de la seconde. Le ton religieux donné au post de cette dernière n’y a rien changé.

Mariam Hussein a accompagné sa photo blackface de deux hadiths attribués au prophète de l’islam Mahomet qui prônent l'égalité entre les humains.

Asma Lamnawar avait repris sur sa story cette photo retouchée qui a été jugée raciste.

De son côté, Muslim est resté dans son répertoire rap. Sauf qu’il n’a rien trouvé de mieux à en tirer que «nigga» (nègre). Un mot qu’il a utilisé, lui aussi sur Instagram. Il s’en est servi pour légender une vidéo où il chante Nothing to lose du célèbre rappeur américain Tupac.

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All my niggaz in the pen here we go again ✊🏿🖤 @muslimprodofficial @thecaballero.ma #muslimprod #noracism

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Le rappeur Muslim a agrémenté sa vidéo par une légende reprenant ce couplet: «All my niggaz in the pen here we go again» (Tous mes nègres en prison, ça recommence).

L’artiste marocain ne semble guère se soucier des salves de critiques qu’il continue d’encaisser. Muslim persiste et signe et utilise toujours le n-word comme hashtag sur ses stories. En revanche, Asma Lamnawar et Mariam Hussain se sont hâtées de supprimer leur publication controversée.

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Tentant de faire oublier son indélicatesse, commise de bonne foi, Lamnawar a publié une autre photo d’elle, cette fois-ci en noir et blanc. Sur ce cliché, sous le mot «Afrique» indiqué comme localisation, on peut lire: «Black skin is not a crime» (La peau noire n'est pas un crime).

«Racisme maquillé»?

Les trois publications ont déclenché une vague d’indignation qui continue de déferler sur les réseaux sociaux. Contactés par Sputnik, leurs auteurs se murent dans un silence gêné, voire versent dans le déni. Alors qu’ils tentent de se faire oublier, de nombreux commentateurs voient en leurs «malheureuses sorties» un «racisme maquillé».

«Un blackface pour dénoncer le racisme au Maroc... j’ai pas les mots», s’étonne cet internaute.

Même la nouvelle photo d’Asmaa Lamnawar a été jugée plus qu’indélicate, comme le montre

ce coup de gueule de la journaliste marocaine Salma Khouja.

«Je ne sais pas ce qui est le plus affligeant, la photo ou les 39.000 likes», s’indigne la jeune femme.

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Pour comprendre pourquoi le blackface choque autant, il faut remonter à l’origine de ces pratiques. Selon Eric Lott, historien de la culture et auteur d’un ouvrage sur le sujet (Love & Theft: Blackface Minstrelsy and the American Working Class), le blackface renvoie à une pratique théâtrale du début du XIXe siècle aux États-Unis: le minstrel show. Des spectacles comiques, musicaux et surtout racistes. Des acteurs blancs, le visage peint en noir, s’y moquaient des Noirs.

«Hommages maladroits»

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Mais les publications jugées racistes ayant enflammé les réseaux sociaux au Maroc et dans certains pays arabes ne choquent guère Khalid Mouna. Interrogé par Sputnik, le sociologue et anthropologue marocain explique que les «hommages maladroits» des trois célébrités sont dus à l’ignorance de leurs auteurs du sens même de ces actes. Mais un comportement jugé raciste, aux États-Unis et en Occident plus généralement, en raison d’un historique qui leur est propre devrait-il pour autant revêtir la même connotation raciste ailleurs, comme au Maroc? Le sociologue estime, en tout cas, que ce genre de publications est révélateur du «manque de sensibilisation antiraciste au Maroc».

Ignorance assumée

Si Muslim et Lamnawar font comme si de rien n’était, Mariam Hussain, elle, s’est indirectement excusée. Elle a republié sa photo originale sans grimage et a ensuite fait savoir qu’elle ignorait la symbolique du blackface.

Pourtant, avant d’avancer l’alibi de l’ignorance assumée, quelques heures plus tôt, un internaute l’avait invitée à revoir ses notions d’Histoire. L’actrice lui avait alors répondu avec assurance: «I don’t like stories or history. I’m a person who lives in present time. Past is past.» (Je n’aime pas les histoires ni l’Histoire. Je suis une personne qui vit au présent. Le passé c’est le passé). Par cette réplique, elle n’a fait que jeter davantage d’huile sur le feu... de la colère.

«Ce n’est pas de l’activisme, c’est du racisme»

Dans le monde arabe, d’autres célébrités sont elles aussi tombées, de bonne foi, dans l’antiracisme raciste. C’est le cas de la chanteuse libanaise Tania Saleh ou encore de l’actrice algérienne Souhila Ben Lachhab. Les deux jeunes femmes se sont maquillées le visage en noir. La première s’est montrée sous ce visage sur Instagram et la seconde sur Twitter. Dans les deux cas, leur blackface, qu’elles voulaient militant, a été jugé choquant par les internautes. «Ce n’est pas de l’activisme, c’est du racisme», résume une commentatrice.

Quand est-ce que les influenceuses du monde arabe comprendront que le blackface n’est pas une forme d’activisme mais plutôt de racisme?

L’analyste politique et activiste, Wardah Khalid, exprime elle aussi, dans un tweet, son indignation face à ce qu’elle appelle «la solidarité raciste».

Vous pouvez garder votre solidarité raciste pour vous. Ce n’est pas normal.

À l’opposé de ce bad buzz autour du mouvement «Black lives matter», de nombreuses autres célébrités marocaines et arabes militent avec sobriété. Cette publication du chanteur marocain Douzi est parlante: «We are all equal» (Nous sommes tous égaux).

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#blackouttuesday

Публикация от 𝐃 𝐎 𝐔 𝐙 𝐈 (@douziofficial)

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