En Algérie, les partis pro-pouvoir en ordre de bataille pour la nouvelle Constitution

© AFP 2023 RYAD KRAMDILe drapeau de l'Algérie
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En Algérie, le FLN et le RND ont été autorisés à tenir leurs congrès en période de pandémie. Ces partis politiques, qui ont toujours été proches du pouvoir, devraient mobiliser leurs bases militantes pour faire campagne en faveur d’amendement constitutionnel engagé par le Président Tebboune, qui joue avec eux un délicat numéro d’équilibriste.

En cette fin du mois de mai 2020, Le Front de libération national (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND) ont eu droit à un traitement de faveur en ces temps de pandémie de coronavirus.

Alors que toute forme de rassemblement est totalement interdite, les autorités ont accordé à ces partis politiques une autorisation pour renouveler leurs instances dirigeantes. Ainsi, le RND a-t-il tenu un congrès extraordinaire les 28 et 29 mai et, les 30 et 31 mai, ce fut au tour du FLN d’organiser une session de son Comité central. Interrogé par Sputnik sur l’urgence d’une telle rencontre, Abdelhamid Si Affif, député et membre du Comité central du FLN, a précisé que «l’inertie avait trop duré» et qu’il était donc «nécessaire de relancer très vite le parti».

«Le FLN ne pouvait rester éternellement dans cette situation, d’autant plus que la date du congrès expirait le 30 mai. D’où la décision de réunir le Comité central pour régler ce problème de vide en élisant un nouveau secrétaire général et d’adopter une résolution afin de proroger de six mois la tenue du prochain congrès», indique-t-il à Sputnik.

Au terme de ces rencontres politiques, Tayeb Zitouni, ancien maire d’Alger, a pris la direction du RND et le député Baadji Abou El Fadhel a été propulsé à la tête du FLN. Il faut dire que l’année 2019 a été particulièrement houleuse pour ces deux partis politiques.

2019, année catastrophique

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Le FLN –qui était alors dirigé par l’homme d’affaires Mohamed Djemai– et le RND –gouverné par l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia– étaient les chefs de file d’une vaste alliance politique qui avait tenté le forcing pour faire élire Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. Pris de court par la force et l’étendue du Hirak, les deux formations ont dû faire profil bas face à la colère citoyenne et à l’emprisonnement de membres de leur direction, à commencer par Djemai et Ouyahia, tous deux poursuivis pour des affaires de corruption.

Mauvaise pioche

Les deux partis sont majoritaires à l’Assemblée populaire nationale issue des dernières élections de 2017, mais sans que cela se traduise pour autant au niveau de l’actuel gouvernement. Cela tient, d’une part à la connotation présidentielle du régime politique algérien, mais aussi au fait que l’actuel gouvernement algérien, majoritairement composé d’indépendants, est le résultat du scrutin présidentiel du 12 décembre 2020, organisé dans le sillage du Hirak, un mouvement de contestation populaire inédit contre tous les symboles du système politique algérien.

Lors de la campagne pour ce scrutin présidentiel, le FLN et le RND ont misé sur le mauvais candidat: Azzedine Mihoubi, alors secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique, qui avait également le soutien d’une partie de l’armée. Contre toute attente, c’est Abdelmadjid Tebboune, lui-même militant du FLN, qui avait remporté la mise. L’actuel Président de la République est donc arrivé au pouvoir sans l’aide des deux grosses machines politiques que sont le Front de libération national et le Rassemblement national démocratique.

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En conséquence, Abdelmadjid Tebboune ne leur doit rien. Pourquoi alors vouloir les relancer à ce moment précis? La raison principale est que le Président algérien ne dispose d’aucun véritable relais au sein de la société, alors qu’il s’apprête à faire adopter un amendement à la Constitution par voie référendaire. Certes, il contrôle l’armée, les services de sécurité et les médias, mais il lui manque l’appui de partis politiques et du mouvement associatif. Son objectif est donc de tenter de contrecarrer un «front du refus» en cas de rejet du projet constitutionnel par le Hirak.

Tayeb Zitouni, le nouveau secrétaire général du RND, a annoncé à Sputnik que sa formation est «aujourd’hui prête à jouer pleinement son rôle» en s’engageant dans la campagne pour l’amendement constitutionnel.

«Notre parti a été créé lors d’une crise sécuritaire majeure [en 1997, ndlr] pour sauver l’ordre républicain et la dimension démocratique du pays. Malheureusement, durant une certaine période, il a été détourné de ses objectifs. Mais il est de retour pour jouer pleinement sa mission. Il n’a aucun complexe à défendre les institutions de la République», souligne Tayeb Zitouni au micro de Sputnik.

Même son de cloche au FLN, comme l’annonce Abdelhamid Si Affif: «Le FLN reste une force de mobilisation importante à travers toute l’Algérie. Nous avons une nouvelle direction politique, il est évident que nous n’allons pas rester inertes. Nous allons donner notre point de vue et notre vision sur cette Constitution.»

Distanciation politique

Néanmoins, la démarche du Président Tebboune est plutôt complexe, puisque tout en ayant besoin de ces deux appareils politiques, il tient cependant à conserver ses distances vis-à-vis d’eux. Il en a donné la preuve lors de la rencontre du FLN, lorsque la direction de ce parti l’a félicité en mettant en avant sa qualité de «membre du Comité central». La présidence de la République a réagi sur-le-champ en précisant que le Chef de l’État avait «gelé son adhésion» à cette formation.

Abdelmadjid Tebboune ne souhaite pas rééditer l’expérience de son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika, qui a exigé dès 2005 d’être nommé «président d’honneur» puis «président» du Front de libération nationale. «Le Président Tebboune a été honnête, il s’est présenté à la Présidentielle en candidat libre et il a ensuite dit qu’il n’appartenait à aucun parti politique», dit à ce sujet Tayeb Zitouni.

«Nous ne sommes nullement dérangés par la précision du Président lorsqu’il a annoncé officiellement qu’il n’est pas concerné par ce qui se passe au FLN. Cela permettra au parti de subir moins de pression. D’ailleurs, le Président avait dit lors de la campagne électorale qu’il n’était le candidat d’aucun parti, même si c’est aussi grâce à la base militante du FLN qu’il a réussi à obtenir ce score à l’élection présidentielle», ajoute pour sa part Abdelhamid Si Affif.

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Même si la possibilité d’une alliance FLN-RND semble pour l’instant peu probable, les deux partis devront travailler de concert pour mobiliser leurs bases militantes en faveur du projet de révision constitutionnelle. Un projet qui devrait, selon son principal initiateur, être finalisé à la fin du mois de juin.

Le projet de révision constitutionnelle proposé, le 7 mai dernier par la présidence de la République instaure plusieurs réformes, notamment la création du poste du vice-président de la République, qui sera désigné par le Président lui-même, la possibilité d’envoi de troupes militaires à l’étranger, ainsi que le renforcement des prérogatives du Chef du gouvernement.

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