Lutte contre le Covid-19: le soft power chinois rafle la mise sur le continent africain

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Le sommet extraordinaire Chine-Afrique sur la solidarité contre le Covid-19 est avant tout une démonstration de force sanitaire de Pékin face aux États-Unis de Donald Trump, estime un géopoliticien au micro de Sputnik. Pourtant, en matière de santé, le soutien de la Chine aux pays africains n’est pas nouveau, puisqu’il remonte aux années 1950.

«Solidarité, amitié et confiance mutuelle». Tout droit sortis du lexique du parti communiste chinois, les mots-clés de ce sommet extraordinaire Chine-Afrique sur le coronavirus, qui s’est tenu jeudi 17 juin, décrivent à eux seuls l’engagement de Pékin dans la lutte contre cette pandémie.

La rencontre par visioconférence, qui a rassemblé le Président Xi Jinping et des dirigeants africains, a été proposée conjointement par la Chine, l’Afrique du Sud, qui exerce la présidence tournante de l’Union africaine (UA), et le Sénégal, pays qui co-préside le Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA).

​Cette «diplomatie sanitaire» a été développée à une très large échelle dès que le SARS-CoV-2 a commencé à s’étendre à l’ensemble de la planète. La «Route de la soie de la santé», nouveau concept du soft power chinois, s’est mis en branle dès que les autorités de ce pays ont vu les premiers signes d’atténuation du Covid-19 dans la région de Wuhan, foyer originel de la maladie.

Diplomatie sanitaire, vecteur d’influence

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Interrogé par Sputnik, le professeur Yahia Zoubir est directeur de recherche en géopolitique à la Kedge Business School (Marseille, France) et chercheur-résident au Brookings Doha Center (Qatar). Il estime que l’offensive de la Chine en Afrique a été marquée par des gestes concrets en matière de lutte contre la pandémie.

«Pékin veut montrer qu’elle a été à la hauteur et qu’elle est présente durant cette période difficile, dans ce continent qu’elle considère être l’une de ses principales zones d’influence. La Chine a envoyé en Afrique des équipes médicales, des médicaments et des équipements de protection et de réanimation, en plus de donations financières.

Il faut également noter l’engagement important des entreprises et du peuple chinois en matière de soutien aux pays africains», souligne ce spécialiste de la Chine.

Une tradition historique remise au goût du jour

Yahia Zoubir, qui réalise une étude sur l’aide fournie par la Chine aux États de la zone Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA), indique que ce soutien a été «considérable».

«Pékin a [également] soutenu tous les pays arabes, sans exception. Même l’Arabie saoudite, dont les principaux partenaires sont les États-Unis, a bénéficié de cette aide chinoise».

Selon lui, ces opérations sanitaires internationales sont une tradition qui remonte au milieu du XXe siècle.

«La politique sanitaire chinoise en Afrique remonte aux années 1950, avec l’envoi de médicaments. La première mission de médecins chinois sur le continent africain a eu lieu en Algérie en 1963, après la visite du Premier ministre chinois Zhou Enlai à Alger. Ensuite des équipes médicales ont été dépêchées dans d’autres pays et y sont restées, pour certaines, de façon permanente», dit-il.

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La Chine, qui se dit engagée dans une démarche de solidarité internationale multilatérale, compte aussi sur le soutien des pays africains dans le conflit qui l’oppose à l’Amérique de Donald Trump.

«Il ne faut pas perdre de vue que tout ceci entre dans le cadre de cette rivalité sino-américaine, car la Chine devient un adversaire conséquent des États-Unis. Washington veut empêcher cette montée en puissance de la Chine par tous les moyens, quitte à inventer des accusations sur une prétendue fuite du coronavirus d’un laboratoire secret de Wuhan.
Actuellement, toute la politique de l’administration Trump consiste à contrecarrer la puissance chinoise. Voilà pourquoi la Chine s’appuie aussi sur le partenariat avec les pays africains», ajoute le professeur Yahia Zoubir.

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Dans les prochains mois, la question de l’accessibilité au vaccin anti-Covid-19 pourrait être une nouvelle source de conflit. Des centres de recherches et des laboratoires se livrent actuellement une véritable compétition.

La guerre du vaccin

Les États les plus riches imposent des restrictions pour faire en sorte que leur population bénéficie en priorité d’une éventuelle protection vaccinale. Chercheur en biomédecine dans une université suisse, le docteur Asma Mechakra rappelle le précédent en la matière suite à la découverte des premières molécules contre le VIH.

«Lorsqu’il a été mis sur le marché, ce traitement était trop cher, il n’était pas accessible aux patients des pays africains. Il a fallu attendre la déclaration de Doha en 2001, organisée sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé, qui a permis aux pays en situation d’urgence d’avoir un droit d’accès aux brevets», indique-t-elle à Sputnik.

Une situation similaire semble se profiler avec la pandémie du Covid-19.

«Il y a effectivement des craintes justifiées quant à l’accès prioritaire des pays riches au vaccin, au détriment des pays pauvres. Certains États dépensent des sommes colossales pour avoir accès à des doses vaccinales qui sont en développement.
L’Allemagne envisage d’investir plus de 300 millions d’euros dans CureVac, une entreprise locale pour se protéger des commandes extérieures. Sanofi est tenue de servir les États-Unis en priorité et en Australie, les autorités ont bloqué un laboratoire afin qu’il n’exporte pas de doses avant l’immunisation totale de sa population», ajoute Asma Mechakra.

Au milieu de cette frénésie mondiale, le Président Xi Jinping a coupé court à toute surenchère lors du sommet extraordinaire Chine-Afrique sur la solidarité contre le Covid-19: «Nous promettons qu’une fois les études et le développement du vaccin chinois contre le Covid-19 terminés et son utilisation débutée, les pays africains seront parmi les premiers à en bénéficier».

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