Pesticides dans les produits bio? «Encore des technocrates qui pensent d’abord rentabilité financière»

© Photo Pixabay / wuzefeÉpandage herbicide dans un champ
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Alors que le bio est plébiscité par de nombreux consommateurs français pour des raisons de bien-être et de santé, le Conseil européen agricole vient semer le trouble. Un texte proposé aux ministres de l’Agriculture des pays membres de l’UE prévoit que les produits contaminés par des pesticides, sous un certain seuil, conservent leur labellisation.

La filière agricole biologique française est-elle en danger? Le Conseil européen agricole a examiné un projet de modification du règlement européen sur l’agriculture biologique, entériné par la Commission européenne en 2014.

Ce texte présenté aux ministres de l’Agriculture des pays membres de l’UE porte sur les «modes de production, de transformation, de conservation et de commercialisation des produits agricoles issus de la filière biologique», indique Le Parisien. Il prévoit notamment que les productions potentiellement contaminées par des pesticides de synthèse ou chimiques pourraient néanmoins conserver leur label bio.

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En outre, «chaque État pourra décider de ce seuil. En conséquence, certains produits contenant des pesticides pourront être vendus en présentant le label bio, en vertu du principe de la libre circulation des marchandises en Europe», précise Le Parisien. À noter que les produits bio peuvent utiliser des pesticides naturels, mais doivent être exempts de pesticides dits de «synthèse» ou chimiques.

Les États décideront du seuil acceptable

Interrogé par Sputnik, François-Michel Lambert, député écologiste des Bouches-du-Rhône et coprésident de Liberté Écologie Fraternité (LEF), explique que «nous sommes submergés par les pesticides. Un champ d’agriculture bio subit les champs conventionnels qui sont à proximité et le producteur peut se retrouver avec un déclassement de sa propre production».

Le Conseil européen «fait des propositions, est-ce qu’elles sont acceptables? Elles sont en tout cas sur la table, mais je pense que le débat porte sur comment on peut accélérer le déploiement de l’agriculture biologique et même de garantir de grands espaces préservés pour que le consommateur ne soit pas trompé», souligne François-Michel Lambert.

Des garanties qui influencent les Français dans leur choix. Près de 9 Français sur 10 déclarent avoir consommé des produits biologiques et cette tendance prend de l’ampleur. Les ventes ont atteint près de 9,7 milliards d’euros en 2018, une hausse de 15,4% comparée à l’année précédente.

L’agriculture française pourrait en pâtir

En effet, au-delà des problématiques de santé, acheter cette catégorie de denrées est presque devenu un acte militant répondant à des considérations éthiques, environnementales et de santé. Pour le député écologiste, ce projet ne prend pas la mesure de ces enjeux sociétaux.

Le conseil européen «n’a pas du tout cette approche. On est encore chez les technocrates qui pensent d’abord rentabilité financière», regrette le coprésident de LEF.

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Comment expliquer ce parti-pris? «Je crains que ce soit, à la fois les lobbys qui [mettent en avant, nldr] le risque économique pour leur propre intérêt. Mais, ils rencontrent en face des hauts fonctionnaires et des politiques qui n’ont en tête que l’économie et non pas réussir à faire une transformation en profondeur», regrette François-Michel Lambert.

Des orientations qui pourraient s’avérer néfastes pour les agriculteurs français. En effet, les contrôles annuels dont font l’objet les exploitations agricoles biologiques auraient désormais lieu tous les deux ans. Un recul qui bénéficierait aux voisins européens, parfois moins respectueux des normes et qui pourraient être tentés de ne les respecter qu’un an sur deux.

«Aujourd’hui, nous n’avons pas la même approche. Pour certains pays, c’est d’abord un marché […] Il faudrait qu’au niveau de la PAC, on comprenne que ce n’est pas du business, mais davantage de préserver notre capital qui est la Terre et transformer en conséquence notre modèle de production et ainsi retrouver un capital soutenable, résilient au niveau des terres arables», conclut François-Michel Lambert.
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