Association à but non lucratif reconnue au Sénégal, l’Association pour la défense des droits à l’eau et à l’assainissement (Addea) est en état de léthargie avancée.
«Le Covid-19 a totalement déréglé notre fonctionnement. Nous recevions des subventions de la part de certaines organisations non gouvernementales (ONG) étrangères, mais la source s’est tarie brutalement. En particulier, notre principal partenaire espagnol –qui devait nous aider à finaliser des projets importants de puits et d’adductions d’eau dans des zones rurales déjà identifiées– a dû quitter le pays quand la pandémie s’est installée. Ce programme est à l’arrêt et je ne sais pas s’il pourra reprendre.»
Si aucun pays ne disparaîtra de la carte du monde à l’issue de la crise sanitaire qui bouleverse la planète depuis décembre 2019, des organisations de la société civile (OSC) africaine comme l’Addea ne peuvent en dire autant. Déstabilisées par le Covid-19 dans leur fonctionnement général, elles en subissent les contrecoups et sont contraintes de trouver des palliatifs pour subsister en attendant de pouvoir élaborer des stratégies de survie à long terme.
Dans une enquête réalisée auprès de 1.015 OSC dans 44 pays africains, Epic Africa et @African NGOs –deux entités panafricaines travaillant à la promotion des ONG sur le continent– estiment que la situation générale des OSC est critique.
«L’impact global immédiat de la pandémie a été rapide, général et déstabilisant. 98% des participants ont indiqué avoir été affectés négativement d’une ou de plusieurs façons. Seulement 2% ont indiqué un impact minime ou nul. La plupart des participants (84,48%) ont reconnu avoir été largement pris au dépourvu par les perturbations causées par le Covid-19. L’impact a été ressenti notamment au niveau des financements, des opérations et des activités», lit-on dans le rapport intitulé "L’impact de la Covid-19 sur les organisations de la société africaine: enjeux, réponses et opportunités" récemment publié.
𝗡𝗢𝗨𝗩𝗘𝗔𝗨 𝗥𝗔𝗣𝗣𝗢𝗥𝗧:@Epic_Africa_ et @AfricanNGOs ont publié un rapport sur l'impact de la #COVID19 sur les #OSCafricaines. +1000 répondants de 44 pays africains ont partagé sur les enjeux et les opportunités émergentes. Consultez le rapport ici: https://t.co/Ef5V7SVil3
— EPIC Africa (@EPIC_Africa_) July 2, 2020
C’est dans les opérations et programmes des organisations de la société civile africaine que les conséquences du coronavirus ont été les plus dramatiques, note l’enquête. Avec la mise en œuvre des mesures de confinement par les États, les restrictions sur les déplacements du personnel ont touché 73,97% des OSC et imposé des diminutions d’interactions directes avec les communautés à 79,35% d’entre elles. En conséquence, 69,34% des OSC ont dû procéder à des réductions ou annulations de leurs opérations quand, en parallèle, 31,54% devaient faire face à une hausse de la demande de services émanant des populations.
«Avant l’épidémie et le confinement qui a suivi […], nous étions sur le point de recevoir quelques bailleurs de fonds dans notre centre de transformation agroalimentaire et notre mini-laboratoire alimentaire, ainsi que d’acheter et d’établir un bureau officiel pour nos opérations. Nous avons dû geler ces projets, ce qui aurait été un investissement dans la croissance de l’organisation. Cela a eu un effet domino. Nous avons dû annuler les primes annuelles comme mesure de réduction des coûts et diminuer la production dans le centre de transformation alimentaire», se désole un responsable d’ONG cité dans l’enquête.
Announcement - the @AfricanNGOs & @EPIC_Africa_ report on "The Impact of #COVID19 on #AfricanCSOs - Challenges, Responses and Opportunities" will be released on Tuesday, 30 June 2020. It highlights the experiences of 1015 CSOs in 45 African countries. Stay tuned for more updates. pic.twitter.com/q7Ul6bq4z5
— AfricanNGOs (@africanngos) June 25, 2020
Financées de l’extérieur pour l’essentiel, les ONG africaines ne roulaient déjà pas sur l’or avant l’irruption du coronavirus sur le continent. Selon Epic Africa et @African NGOs, «près de 50% des participants ayant un budget annuel moyen inférieur à 100.000 dollars (environ 55 millions de francs CFA), la perte de financement pourrait avoir des conséquences dévastatrices» sur leurs projets et programmes et sur l’attitude de leurs partenaires.
Entre réduction des coûts de fonctionnement, développements de projets moins onéreux, adoption de méthodes de travail plus conformes au contexte sanitaire, etc., les OSC semblent condamnées à réinventer leur avenir. Mais pour l’heure, il s’agit tout d’abord de s’adapter à la situation. Ainsi, si 75,36% d’entre elles n’envisageaient point de faire du télétravail avant le Covid-19, aujourd’hui 67,83% ont dû recourir à ce système, avec les désagréments liés à l’impréparation face à ce nouveau dispositif. C’est le temps des ruptures.
«Jusqu’à présent, nous avons reporté la mise en œuvre de certaines activités et élaboré un plan d’intervention Covid-19 complet pour lequel nous recherchons des fonds supplémentaires. Nos donateurs sont pour la plupart favorables à une réorientation du financement vers nos activités en réponse à Covid-19 à court/moyen terme. Mais si la crise se poursuit au-delà de juin ou juillet, nous devrions commencer à mettre en œuvre des mesures de réduction des coûts», explique un autre responsable d’ONG concerné par l’enquête.
Roukiattou du @spong_burkina interpelle au nom de 10 collectifs d'OSC africaines le @9thwwf : il faut un sommet de Chefs d'État, un respect des engagements et des résultats concrets du FME pour l'eau et l'assainissement en Afrique! pic.twitter.com/SKs08auhGS
— Coalition Eau (@CoalitionEau) June 21, 2019
Les OSC ayant réussi à tirer leur épingle du jeu ne sont pas légion. Ce sont surtout celles appartenant aux 25% d’ONG qui ont pu intégrer des coalitions ou établir des partenariats avec d’autres ONG africaines étrangères «afin de mieux coordonner les actions spécifiques au Covid-19 dans leur secteur». Ce qui a fait défaut, c’est le soutien des pouvoirs publics «pour atténuer l’impact de la pandémie sur leurs opérations ou leurs activités».
«Il est temps pour les OSC africaines de s’interroger sur la pérennité de leurs modèles et d’apporter des changements nécessaires ainsi que de hiérarchiser les activités dans le but d’optimiser leurs opérations futures», conseille une participante à l’enquête d’Epic Africa.