L’Égypte a besoin d’armes, la France répondra-t-elle présente?

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Les ambitions turques en Libye feront-elles oublier à l’Égypte et la France leurs différends? Fâché depuis 2019 et la leçon de droits de l’homme d’Emmanuel Macron au Président al-Sissi, Le Caire se tournerait à nouveau vers la France… et ses armes. L’ennemi de mon ennemi sera-t-il mon ami?

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Des armes françaises pour affronter la Turquie? Après les mesures d’intimidation à répétition de la Turquie en Méditerranée orientale, Égyptiens et Français seraient sur le point de raccrocher les wagons. Fâché depuis la leçon d’Emmanuel Macron à son homologue égyptien al-Sissi sur les droits de l’homme en janvier 2019, Le Caire rouvrirait ses différents canaux avec Paris et de vieux dossiers, tels que l’armement des navires BPC Mistral, vendus à l’été 2015. L’achat de nouvelles corvettes Gowind serait également à nouveau sur la table, comme le relate La Tribune.

Les récents accrochages entre les marines française et turque en Méditerranée orientale ont certainement pesé décisivement dans ce rapprochement. Après une première intimidation fin mai par deux bâtiments de guerre turcs à l’encontre du Forbin, frégate de la Marine nationale qui veillait au respect de l’embargo onusien sur les livraisons d’armes à la Libye, l’empêchant de contrôler un cargo suspect, ce fut au tour de la frégate Le Courbet, quelques jours plus tard, d’être la cible d’une manœuvre turque «extrêmement agressive». Cette dernière empêcha une nouvelle fois un bâtiment français d’arraisonner le fameux cargo.

«Acte de guerre», la menace turque aurait dû automatiquement déclencher le feu français, expliquait un militaire à Valeurs actuelles, qui avait révélé l’affaire. L’évènement ne provoquera qu’une grosse colère de Florence Parly lors d’une visioconférence des ministres de la Défense de l’Otan le 17 juin dernier. De «fausses affirmations», balaiera de son côté Ankara, exigeant des excuses «inconditionnelles» de la France.

Regain de tensions avec la Turquie, dénominateur commun

Le cargo débarquera, selon le renseignement français, sa cargaison d’armement américain dans le port libyen de Misrata. Des chars M60 et des missiles sol-air Hawk à destination du gouvernement d’union nationale (GNA), contribuant à faire pencher la balance en faveur du poulain d’Ankara. Sur le terrain, le maréchal Haftar, soutenu par l’Égypte, subit défaite sur défaite. En conséquence, le Président égyptien a brandi le 20 juin la menace d’une «intervention directe» chez son voisin libyen si un cessez-le-feu n’entrait pas rapidement en vigueur, risquant par là même une confrontation avec la Turquie. Une ligne rouge que Le Caire n’a pas encore franchie.

En cas d’escalade en Libye, bien qu’elle soit décemment équipée, l’armée égyptienne aurait en face d’elle un adversaire de taille.

«Vu le rapport de forces, il est évident que si l’Égypte entre en conflit avec la Turquie, elle va avoir besoin d’aide», confie au micro de Sputnik Xavier Moreau.

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Le fondateur du think tank Stratpol évoque notamment le cas des drones turcs, qui ont réalisé un véritable carton tant en Syrie qu’en Libye. Le Bayraktar TB2 est un drone au rayon d’action réduit (moins de 150 km), mais qui aurait, début mars, détruit une centaine de chars et abattu trois avions de l’armée syrienne dans le nord du pays. En Libye, ils n’ont fait qu’une bouchée des systèmes de défense antiaérienne Pansir-S1 confiés aux forces d’Haftar par les Émiratis. Or, comme le souligne Xavier Moreau, les Égyptiens manquent justement d’équipements antiaériens.

Bras de fer turco-égyptien dans la poudrière libyenne

Une occasion pour les industriels hexagonaux de l’armement, à l’exemple de MBDA avec son missile sol-air Mistral? Xavier Moreau s’interroge. La version la plus récente de ce missile de défense, le Mistral 3, vient en tout cas de prouver son efficacité contre les drones. En novembre dernier, un missile a abattu l’un de ces avions sans pilote à 7 km.

Les Égyptiens boudaient le made in France depuis plus d’un an, au profit notamment des Allemands (corvettes Meko A200 achetées à ThyssenKrupp Marine Systems) et plus particulièrement des Italiens (frégates FREMM à Fincantieri, hélicoptères AW149 et radars RAT-31 DL à Leonardo). Ce sont les Français Naval Group et Airbus Helicopters qui en ont pâti.

Mais Le Caire n’apprécie guère que l’industrie italienne soit le premier fournisseur européen d’armements à la Turquie. Ainsi, alors que l’Égypte devrait honorer certains contrats avec les industriels italiens (celui des deux frégates), d’autres seraient en revanche en perte de vitesse, comme celui des chasseurs Typhoon, concurrents directs du Rafale, selon les informations de La Tribune.

Le journal économique y voit là une «carte à jouer» pour la France, évoquant notamment «des sources concordantes» quant à une nouvelle commande de l’avion de combat de Dassault qui serait dans les tuyaux. Toujours selon les sources de La Tribune, la question de l’armement des porte-hélicoptères Mistral (MBDA) et des deux corvettes Gowind restées en option pourrait être évoquée dans les années qui viennent.

Derrière al-Sissi, les parrains saoudiens et émiratis

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Pour autant, la question du financement de futurs achats d’armement par l’Égypte se pose. Contacté par Sputnik, un ancien haut gradé, ne souhaitant pas polémiquer sur le sujet, souligne néanmoins la problématique du paiement des précédents contrats. C’est en effet l’Arabie saoudite qui avait sorti le chéquier pour régler les dernières grosses commandes effectuées par Le Caire auprès d’industriels français. Riyad a réglé la moitié de la note des Rafale, l’autre étant prise en charge grâce à un prêt accordé par les banques françaises et garanti par l’État français.

Même cas de figure lorsqu’il fallut trouver dans l’urgence un repreneur pour les deux BPC Mistral, que la France refusait de livrer à la Russie, cédant au chantage de la Pologne et des États-Unis. Là encore, le royaume wahhabite avait promis de payer pour l’Égypte.

Un parrainage qui devrait grandement favoriser les choses. Riyad ne cache pas son animosité à l’encontre d’Ankara dans les crises syrienne et libyenne. Aux yeux de Xavier Moreau, l’Égypte est en quelque sorte «l’infanterie» des Saoudiens dans la région, un «proxy».

Pour autant, ces tensions en Libye ne sont pas les seules raisons pour l’Égypte d’acquérir de l’armement. al-Sissi est aussi embourbé dans des combats dans le Sinaï contre des Bédouins affiliés à l’État islamique*, et la situation est tendue avec l'Éthiopie. La température qui monte en Égypte, une opportunité pour les industriels français… si l’exécutif français opte de nouveau pour une posture plus pragmatique.

*l’État islamique est une organisation terroriste interdite en Russie.

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