«Tourisme sexuel» visant les enfants en Indonésie: quand le mal vient de l’étranger

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Un Français soupçonné d’abus sexuels sur 300 mineurs a été arrêté en Indonésie début juillet. Une nouvelle affaire qui reflète une triste réalité dans les pays d’Asie du Sud-Est, l’exploitation des enfants dans le cadre du tourisme sexuel. Le directeur adjoint d’ECPAT France, un réseau qui lutte contre ce fléau, fait le point pour Sputnik.

Les autorités indonésiennes ont annoncé l’arrestation d’un français de 65 ans, accusé d’abus sexuels sur plus de 300 mineurs. Selon le chef de la police indonésienne, il attirait les enfants dans sa chambre d’hôtel en leur proposant de gagner de l’argent en tant que modèle. Il risquait une lourde peine de prison, la castration chimique –autorisée dans le pays pour les délinquants sexuels depuis 2016– et même la peine capitale. Mais le prévenu a été retrouvé mort dans sa cellule avant qu’un jugement soit rendu, la piste du suicide étant privilégiée.

Un nouveau cas qui s’ajoute à une longue liste (bien plus longue en réalité), puisque les prédateurs sexuels ont fait de l’Indonésie une destination phare. Selon l’ECPAT (End child prostitution, child pornography and trafficking of children for sexual purposes), un réseau mondial qui lutte pour mettre fin à la prostitution infantile, à la pédopornographie et au trafic d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle, ce ne sont pas moins de 70.000 enfants qui en sont victimes chaque année dans le pays. Et 43,5% d’entre eux ont moins de 14 ans, selon l’Institut de femmes de Java Ouest (The Woman’s Institute), une zone connue pour le trafic de femmes et d’enfants.

«Il ne s’agit pas de prendre des vacances pour avoir des rapports sexuels, mais dans le cas présent, d’agresser sexuellement et/ou de violer des enfants en dehors des frontières. Il est question de violations des droits de l’enfant, et même de crimes. De plus, le phénomène dont il est question n’implique pas uniquement les touristes, mais également d’autres profils de voyageurs, comme des voyageurs d’affaires, des expatriés et autres», explique à Sputnik Joaquim Nogueira, directeur adjoint d’ECPAT France.

Différentes régions d’Asie du Sud-Est sont connues pour être des destinations de tourisme sexuel. Au début des années 2000, des agences de voyages américaines comme G&F Tours ou Philippines Adventure Tours, s’étaient spécialisées dans ce secteur sordide et proposaient de découvrir les pratiques sexuelles d’un autre pays. L’une d’elles, Big Apple Oriental Tours, a même été fermée en 2004, soupçonnée d’organiser des voyages sexuels avec de très jeunes filles.

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Un retraité français soupçonné d'abus sexuels sur plus de 300 mineures arrêté en Indonésie
Si le terme de «tourisme sexuel» est couramment utilisé, l’ECPAT le réfute, notamment quand des enfants sont impliqués, estimant que d’une certaine manière, il légitimerait le phénomène. En ce sens, l’association préconise l’utilisation du terme «exploitation sexuelle dans le cadre des voyages et du tourisme» (ESEVT).

L’exploitation sexuelle des enfants s’effectue en Indonésie par le biais des réseaux pédocriminels australiens, européens et américains, qui ont été signalés par de nombreuses ONG. À Bali notamment, elle se cache notamment sous le prétexte de placer des enfants défavorisés en famille d’accueil.

Pourquoi l’Asie du Sud-Est?

Parmi les nombreux facteurs qui attirent ces prédateurs sexuels, figure la pauvreté dans ces régions: elle perturbe la protection des plus fragiles, notamment les femmes contraintes à toutes les extrémités pour survivre et les enfants, susceptibles d’être confiés à des tiers malveillants.

En expliquant l’ampleur du phénomène en Asie du Sud-Est, M. Nogueira rappelle que la région est d’abord très touristique et facile d’accès, car relativement peu chère pour des touristes. Une sorte de «position économique supérieure» à celle des communautés locales se crée alors, ce qui renforce le sentiment de supériorité chez ces prédateurs. De plus, commettre un délit en dehors des frontières et un éventuel laxisme de la législation locale renforce le sentiment d’impunité de ces «touristes».

«Le non-signalement des faits dans les pays concernés, la corruption, mais encore la difficulté à recueillir des preuves encouragent les auteurs à passer à l’acte; lorsqu’une enquête est diligentée à l’étranger, bien souvent les auteurs sont, malheureusement, déjà très loin. Toutefois, la coopération internationale et les signalements de citoyens rendent possible leur poursuite», ajoute-t-il.

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Un pédophile purge 0,07% de sa peine de 1.000 ans de prison avant sa libération aux USA
En France, c’est l’Office Central de répression des violences aux personnes (OCRVP) qui s’occupe de traquer les pédocriminels agissant à l’étranger. Il constate que les signalements émanant de ces pays sont en nette augmentation depuis plusieurs années. Même si la distance accroît le sentiment d’impunité, une fois rentré sur le sol français, tout auteur d’actes répréhensibles à l’étranger est condamnable. À titre d’exemple, en avril 2019, l’OCRVP avait arrêté un Français soupçonné d’avoir violé 50 garçons en Thaïlande. Alors qu’il avait été pris en flagrant délit puis relâché par les autorités thaïlandaises, il avait eu la surprise de se faire interpeller dès son arrivée en France.

Joaquim Nogueira a d’ailleurs tenu à saluer le travail de l’OCVRP, «tant par sa qualité que par l’énergie mise en œuvre à la vue de leurs moyens.»

Internet, vecteur de l’exploitation

Le développement d’Internet a permis le développement de différentes formes d’abus sexuels, en premier lieu par l’augmentation du nombre d’images pédopornographiques qui circulent sur le Net. En 2019, la France détenait d’ailleurs la troisième place sur le podium des pays hébergeurs de ces images, dont 19 millions sont échangées chaque jour dans le monde. Un chiffre plus que préoccupant «avec d’une part, l’âge des victimes qui baisse et d’autre part le niveau de violence qui augmente», s’inquiète Heidei de Pauw directrice de l’association Child Focus, pour la RTBF.

YouTube et l’application TikTok sont également dans le viseur des pédocriminels. Les jeunes s’y filmant en train de danser et de mimer les paroles de leurs chansons préférées voient la présence grandissante d’hommes âgés qui souhaiteraient rentrer en contact avec eux.

Si les autorités et différentes ONG continuent la lutte contre le trafic d’enfants et les réseaux pédophiles, il en va de la responsabilité de chacun de procéder à un signalement lorsqu’il y a une suspicion, insiste l’ECPAT:

«En cas de doute, il est impératif de signaler! Le signalement protège des vies, ce n’est pas de la délation», conclut Joaquim Nogueira.
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