Avec une forte pénétration mobile, la prostitution 2.0 tisse sa toile au Cameroun

© Photo Pixabay / TeroVesalainenUn ordinateur (image d'illustration)
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La prostitution en ligne connaît une explosion au Cameroun. Avec la démocratisation des smartphones et l’expansion du digital, les travailleuses du sexe ont pris d’assaut les réseaux sociaux. À travers des groupes privés créés pour recruter les clients potentiels, elles vendent leurs charmes. Une pratique pourtant interdite par le législateur.

En parcourant son fil d’actualité sur les réseaux sociaux au Cameroun, il est devenu fréquent de tomber sur des annonces proposant d’intégrer des groupes dédiés au commerce du sexe. Des annonces du genre circulent également dans les applications de messageries instantanées comme WhatsApp ou Telegram… Les plateformes de vente de sexe en ligne connaissent une explosion dans le pays.

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Usant parfois de faux profils sur Facebook ou Twitter, de jeunes prostituées, communément appelées «les vendeuses de piments» en argot camerounais, emploient des techniques de webmarketing pour attirer la clientèle. Nicole, 23 ans, étudiante à l’université de Yaoundé 1, y a trouvé le moyen, dit-elle «de vendre ses charmes pour gagner sa vie».  Après plusieurs tentatives, elle a accepté de nous abandonner quelques confidences.

«Je suis ce qu’on va appeler une "pute de luxe". Avec mon statut d’étudiante, je ne pouvais pas aller dans la rue ni fréquenter des maisons closes. Alors que grâce à Internet, il suffit d’avoir un téléphone et une connexion pour trouver des clients», confie-t-elle, hésitante.

Des prostituées comme Nicole, il y en a beaucoup. Amateurs ou professionnelles, elles se dissimulent souvent derrière des pseudonymes pour mieux exercer. Le phénomène est passé à la vitesse de croisière avec la multiplication des réseaux sociaux. Des proxénètes d’un autre genre y opèrent au quotidien au moyen de plateformes digitales.

Généralement, l’accès à leur groupe fermé sur Facebook ou sur WhatsApp est conditionné à paiement.

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Promoteur d’un site de sexe en ligne, Big Joe (pseudonyme) dit être intransigeant sur les modalités d’intégration.

«Si tu veux intégrer l’un de mes groupes WhatsApp qui comptent des centaines de  membres, tu dois d’abord payer les frais d’inscription qui sont de 5.000 francs CFA (7 euros). Une fois dans le groupe, tu peux choisir des filles. J’ai également créé d’autres comptes sur Telegram pour intégrer un maximum de filles et clients et j’ai mes commissions sur chaque prestation», révèle le proxénète 2.0 à Sputnik.

Les offres vont du simple effeuillage par vidéoconférence interposée à des rapports sexuels proprement dits, souvent chez le client ou dans un lieu choisi pour la circonstance. «Les tarifs varient en fonction de la demande», renseigne-t-il. Dans sa large gamme, Big Joe, le facilitateur comme il se fait appeler, a de quoi intéresser tout le monde et ses prix, confie-t-il, «peuvent aller jusqu’à 300.000 francs CFA (461 euros) en fonction de l’offre choisie et de la durée de la prestation».

«La majorité des clients préfère des rencontres physiques. Ils viennent de partout. Des transporteurs, travailleurs en mission, touristes…», affirme-t-il.

Un chômage déguisé

Avec la forte pénétration des smartphones, l’offre en matière de prestations sexuelles en ligne a atteint son pic. Il est plus facile pour une travailleuse du sexe ou un client de trouver satisfaction sans devoir essuyer le regard de l’autre dans des lieux plus classiques. Interrogé par Sputnik sur ses motivations, un habitué qui a préféré l’anonymat avoue.

«Pour moi, c’est plus discret de solliciter des services sexuels sur les réseaux sociaux. Je n’ai plus à écumer les trottoirs pour satisfaire mes besoins. Depuis mon domicile, je passe ma commande en quelques clics», confesse-t-il.

«C’est effectivement l’une des raisons pour lesquelles ce type d’activité prospère», ajoute Daniel Nzebou, psychosociologue au micro de Sputnik. Pour cet expert, l’apparition des téléphones intelligents et des réseaux sociaux a modifié les comportements et les manières d’agir.

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«Pour ce qui est de la prostitution en ligne, il faut savoir que les principaux facteurs sont la pauvreté et le sous-emploi. Cette situation entraîne une perte d’espoir et une baisse de l’estime de soi. Et comme on peut se prostituer sur les réseaux sociaux sans être stigmatisé, sans être forcément vu, beaucoup s’y adonnent pour gagner leur vie et s’affirmer en société», analyse-t-il.

Mais attention à l’arnaque! avertit le spécialiste qui pense que la forte demande amène certains à se faire passer pour des prostituées seulement pour escroquer en ligne. 

«Derrière certains comptes se cachent des hommes. Ils vous enverront des images qui ne sont pas d’eux et exigeront des paiements avant prestation. D’autres sont de fausses prostituées qui vous feront miroiter mille plaisirs et qui disparaîtront une fois qu’elles auront pris votre argent. Mais la véritable explication reste l’instabilité de l’environnement socioéconomique», argue-t-il.

Si le commerce du sexe connaît une certaine expansion grâce à la transformation digitale des modes de vie à l’échelle locale, Me Leonce Uriel Mba, avocat interrogé par Sputnik, tient à rappeler que «la pratique de la prostitution, quand bien même elle prend naissance en ligne, est sévèrement condamnée par la loi». En droit positif camerounais, «l’infraction dite de "proxénétisme" est aussi prévue et réprimée par les dispositions de la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal en son article 294 alinéa premier».

«Les mis en cause peuvent écoper de six mois à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 20.000 à un million de francs CFA (jusqu’à 1.500 euros)…», prévient-il.

Malgré tout, l’e-commerce du sexe prospère. À l’ère du numérique, et en dépit des interdits, le phénomène tend à se populariser. Les «vendeuses de piment» ont trouvé un nouveau circuit de distribution au Cameroun: les réseaux sociaux, plus discrets et aussi plus rentables pour elles.

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