Crainte d’une deuxième vague de Covid-19: et si le télétravail revenait en force?

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Le télétravail a globalement la cote auprès des Français. La crainte d’une deuxième vague de Covid-19 rend possible un nouvel appel de l’exécutif à privilégier le télétravail pour les salariés qui le peuvent. Guillaume Bigot, directeur général de l’IPAG Business School, livre son analyse du phénomène à Sputnik France.

Bientôt le retour en force du télétravail? Alors qu’un actif sur cinq a travaillé de son domicile durant le confinement, la multiplication des signaux inquiétants concernant une possible seconde vague de Covid-19 pose la question d’un éventuel nouvel appel de l’exécutif à inviter ceux qui le peuvent à travailler de chez eux.

Le télétravail, vecteur d’inégalités?

De nombreux Français plébiscitent ce mode de travail et y ont pris goût. Fin mai, l’institut OpinionWay réalisait un sondage pour le cabinet de conseil Empreinte Humaine. 85% des travailleurs interrogés souhaitaient garder la possibilité de télétravailler. Le 6 mai, c’est une étude d’opinion de CSA pour Malakoff Humanis qui soulignait que 60% des nouveaux télétravailleurs envisageaient de «demander à pratiquer le télétravail après le confinement, de manière régulière ou ponctuelle».

Une bonne idée?

«Pour beaucoup de salariés qui travaillent loin de leur domicile, le télétravail est une aubaine. Si vous êtes en mesure de faire votre travail à distance, il n’est pas plus mal d’éviter de perdre des heures dans les transports de manière quotidienne. Cela arrange certains salariés, qui le réclament et tant mieux», estime au micro de Sputnik Guillaume Bigot, directeur général de l’IPAG Business School et chroniqueur du CNews et Sud Radio.

Samir Ayoub, professeur à l’ESSCA School of Management, a récemment publié sur le site de La Tribune un article intitulé «La France post-COVID: pourquoi le télétravail ne marchera pas». Il y affirme que cette manière de travailler ne convient pas à la France, notamment pour des raisons historiques et culturelles.

«Nous souhaitons démontrer que la généralisation durable d’un tel dispositif ne pourra avoir lieu dans notre pays. En effet, au-delà des avantages avancés, tournant autour de l’équilibre de la vie privée/professionnelle, la liberté ou l’épanouissement personnel, le télétravail hors temps de crise se heurtera à des difficultés, trouvant leurs sources dans le droit, l’organisation sociale et l’héritage catholique de la France», explique le professeur.

Aurélie Dudezer, chercheur et professeur des universités en technologies collaboratives et transformation des pratiques de travail à Paris Saclay, pense quant à elle que le télétravail peut être un succès si l’on respecte certaines règles.

«L’humain est un être qui a besoin de sociabilité»

Comme elle l’a expliqué sur le site du HuffPost, «le télétravail, ça s’apprend»:

«Certains métiers s’y prêtent mieux que d’autres, et certaines attitudes, certains caractères plus autonomes, aussi. Si vous savez vous organiser seul et que vous en avez la possibilité, vous pouvez déjà savoir en grande partie si le télétravail est fait pour vous.»

Cette dernière pointe pourtant un risque d’isolement. «Il faut réussir à maintenir des liens de communication interstitielle, via des groupes WhatsApp par exemple ou des échanges téléphoniques», souligne-t-elle au HuffPost.

​Guillaume Bigot note également le danger de l’isolement:

«Nous ne pouvons pas passer au télétravail à temps plein. L’humain est un être qui a besoin de sociabilité, en particulier dans le travail, qui nécessite une certaine coordination. Vous avez un langage non verbal qui ne se voit pas quand vous êtes seul, même avec les outils de visioconférence.»

Chez les géants de la Tech tels que Google, Facebook ou encore Twitter, le télétravail était déjà régulièrement utilisé avant une crise du Covid-19, qui n’a fait que renforcer le phénomène.

Télétravail, un effet d’aubaine pour les entreprises?

À tel point que le 21 mai, Mark Zuckerberg, le tout-puissant patron de Facebook, a annoncé lors d’une visioconférence que la moitié des employés du réseau social pourrait télétravailler d’ici 5 à 10 ans. De quoi donner des idées à d’autres entreprises? C’est fort possible, estime Guillaume Bigot:

«Il existe également un effet d’aubaine pour les entreprises. Les plus grandes vont réagir rapidement en s’apercevant qu’elles pourront économiser de l’espace. Cet espace, elles pourront soit le louer en coworking, soit simplement liquider les mètres carrés. C’est un calcul classique d’optimisation sous contrainte: tout ce que l’on peut économiser, on va l’économiser.»

Au sein des entreprises, les employés ne sont pas tous logés à la même enseigne, comme l’expliquait déjà en avril 2019 Jérôme Benbihi, patron d’Adenis, opérateur télécom et spécialiste des solutions collaboratives pour les petites et moyennes entreprises:

«Ainsi parmi les cadres/managers, 32% ont la possibilité de travailler à distance, contre moins de 20% pour les non-cadres. L’accès est encore plus restreint pour les moins de 25 ans, qui indifféremment du poste qu’ils occupent, ne se le voient offrir que dans 14% des cas.»

L’inégalité prend également racine dans la nature de la profession exercée, comme le rappelle Guillaume Bigot:

«Certains jobs sont exclus du télétravail. Si vous êtes pompier ou bûcheron, vous ne pouvez pas télétravailler. Beaucoup de bobos télétravaillent, car ils exercent dans des métiers de service, dans la finance, etc. Pour eux, c’est facile.»

D’après le chroniqueur, la crise actuelle a un impact beaucoup plus fort sur les entreprises qui ne sont pas en mesure de mettre en place le télétravail.

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«Cette organisation du télétravail se fait dans une optique d’optimisation des coûts. Le monde d’après dont on parle beaucoup risque fort de ressembler au monde d’avant, voire pire. Plus vous avez une activité virtuelle et numérique, mieux vous allez vous porter. Vous aurez la possibilité de faire de l’ingénierie afin de réorganiser au mieux le travail selon les contraintes. Les entreprises qui ont une activité qui se prête au télétravail sont beaucoup moins gênées et impactées par le type de crise que nous vivons actuellement.»

En dehors de considérations purement financières ou sanitaires, Guillaume Bigot voit dans la généralisation du télétravail un phénomène lié à l’époque:

«Nous visons dans un monde où les gens ne veulent plus se voir, ne veulent plus se toucher.»
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