Un avocat marocain étrille le rapport d’Amnesty sur l’espionnage informatique et appelle à traduire l'ONG en justice

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Dans un entretien accordé à Sputnik, Me Mourad Al Ajouti, avocat marocain, a jugé que les accusations proférées par Amnesty International contre son pays étaient «farfelues», suggérant aux autorités de traduire en justice l’ONG pour diffamation. Il a par ailleurs évoqué les raisons ayant motivé cette attaque.

Le gouvernement marocain a mis au défi Amnesty International de présenter officiellement les preuves de ses accusations contenues dans son rapport du 22 juin. Ce dernier faisait état de l’utilisation par les services de renseignement du royaume chérifien du logiciel Pegasus, développé par l’entreprise israélienne NSO Group Technologies, pour espionner le journaliste Omar Radi et d’autres activistes des droits de l’Homme. À ce jour, l’ONG n’a pas encore répondu à la requête du chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani.

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Dans un entretien accordé à Sputnik, Me Mourad Al Ajouti, avocat au barreau de Casablanca et vice-président de l’association nationale Club des Avocats du Maroc, a expliqué les motivations politiques «inavouées» sous-tendant le rapport d’Amnesty International, affirmant que ce dernier «ne comportait aucune preuve formelle» capable d’inculper Rabat. Tout en rappelant que les services de renseignement marocains avaient alerté la population à deux reprises en 2019 contre les cyberattaques que pourraient subir leurs téléphones, Me Al Ajouti a affirmé qu’il était nécessaire de traduire l’ONG devant les tribunaux britanniques pour diffamation.

«Aucune preuve formelle de l’utilisation de ce logiciel»

«Si le rapport affirme que Pegasus est commercialisé par l’entreprise israélienne NSO Group Technologies [à des clients étatiques, ndlr], il n’apporte aucune preuve formelle de l’utilisation de ce logiciel par les autorités marocaines pour espionner le téléphone du journaliste [Omar Radi, ndlr]», a déclaré l’avocat.

Et d’expliquer que «les arguments avancés se résument à des noms de domaines trouvés dans l’historique du téléphone suspecté, mais ne prouvent en aucun cas un lien avec les autorités marocaines ou les services de renseignement». Ces allégations «peuvent facilement être réfutées par des experts en sécurité informatique».

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Pour étayer ses affirmations, Me Mourad Al Ajouti a rappelé que les services de renseignement avaient publié deux bulletins de sécurité en mai et en octobre2019, alertant «les citoyens […] par rapport à des risques d’intrusion, via des logiciels d’espionnage sur l’application WhatsApp». Les deux notes avaient demandé «aux citoyens de faire des mises à jour de l’application WhatsApp pour se protéger contre d’éventuelles attaques informatiques».

Sputnik produit ci-dessous les deux bulletins en question que Me Al Ajouti lui a fait parvenir.

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Selon l’avocat, ceci «implique que ces tentatives d’intrusion, si elles ont bien eu lieu, sont la conséquence de la négligence de ces usagers qui ont ignoré les alertes publiées par le gouvernement leur demandant d’être vigilants, ce qui prouve la bonne foi des autorités marocaines».

«Cette ONG défend les droits de l’Homme à géométrie variable»

Pour expliquer les dessous politico-économiques qui ont motivé le rapport d’Amnesty International contre le Maroc, l’avocat a indiqué que Facebook, qui a été mis en cause par plusieurs rapports dans des affaires d’espionnage de ses utilisateurs, se livre à une guerre «à couteaux tirés» avec des géants israéliens de l’informatique. Selon lui, l’ONG est partie prenante de cette guerre d’intérêts.

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«Amnesty International a choisi de poursuivre la société Israélienne NSO [Group Technologies, ndlr] mais n’a pas pu entamer la même action à l’encontre de Facebook», a-t-il affirmé. Dans un communiqué l’ONG «déclare clairement connaître les manœuvres d’espionnage de Google et Facebook mais qu’elle allait continuer à utiliser ces réseaux», a-t-il souligné, précisant que ceci laissait «entendre que cette ONG défend [une conception] des droits de l’Homme à géométrie variable et qu’elle emploie des termes plus doux quand il s’agit d’intérêts britanniques et américains». «Un discours qui n’est pas étranger à l’ONG londonienne quand on voit ses communiqués sulfureux consacrés aux pays en voie de développement», a-t-il déploré.

Et d’ajouter que dans son rapport intitulé «Google et Facebook, les géants de la surveillance», Amnesty International a pris soin de prendre l’avis des deux sociétés visées et d’inclure leurs commentaires et remarques. «Dans le cas du rapport visant le Maroc, le gouvernement n’a pas pu défendre sa position ni produire ses conclusions pour les inclure au document final», a-t-il dénoncé.

Le même double discours peut être décelé, selon lui, dans le scandale de Wikileaks impliquant les États-Unis et le Royaume-Uni. «Amnesty International a choisi de faire une campagne pour demander la grâce à Edward Snowden au lieu d’attaquer les pays qui pilotaient ces opérations d’espionnages».

«Mais pourquoi Amnesty International a entraîné le Maroc dans cette guerre»?

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«Mais pourquoi Amnesty International a entraîné le Maroc dans cette guerre politico- économique comportant des attaques antisémites et une guerre d’intelligence?», s’est demandé Me Al Ajouti.

Pour répondre à cette question, il a indiqué que lors d’un procès opposant Facebook à NSO Groups Technologies, cette société avait présenté des documents «attestant que la firme américaine avait demandé d’acheter sa solution pour surveiller les internautes». «Ce que NSO Group Technologies a refusé», a-t-il précisé.

Ainsi, «Amnesty International avait attaqué le groupe NSO devant les tribunaux israéliens pour faire annuler sa licence d’exportation, dont l’ONG vient d’être déboutée par le tribunal de Tel Aviv pour absence de preuves», a-t-il rappelé.

La stratégie «machiavélique» d’Amnesty International consistant à entraîner «le Maroc dans ce labyrinthe d’intérêts», en l’utilisant «pour attaquer Israël et les intérêts du groupe NSO est juste écœurante», a affirmé le juriste, dénonçant le fait que l’ONG «a cette fâcheuse habitude de prendre en otage des pays dans des opérations lâches d’extorsion».  

Les autorités marocaines pourraient intenter une action en justice

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«Le rapport publié par l’ONG Amnesty International portant des allégations d’espionnage, comporte plusieurs propos diffamatoires qui peuvent donner lieu à une action en réparation civile devant les juridictions du Royaume-Uni», a affirmé Mourad Al Ajouti, soulignant que la loi britannique Defamation Act de 2013 le permettait aisément.

Par ailleurs, il a expliqué que le droit anglais tenait également compte de «l'impression que la diffamation est susceptible de faire sur les personnes qui la lisent». «Or, les accusations d’espionnage publiés par Amnesty et reprises par un consortium de journaux ont porté préjudice à l’image du Maroc», a-t-il déclaré, soutenant qu’«au-delà de la compensation financière, gagner ce procès permettra à la fois de discréditer cette ONG et ses rapports et revaloriser l’image de notre pays vis-à-vis de l’opinion internationale».

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