La Ligue des droits humains au Togo dénonce un État de «terreur», un jugement excessif?

© Sputnik . Alphonse LogoRestes de maisons abandonnées sur la côte togolaise à cause de l’érosion au village de Kossi Agbavi au Togo.
Restes de maisons abandonnées sur la côte togolaise à cause de l’érosion au village de Kossi Agbavi au Togo. - Sputnik Afrique
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La ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) vient de publier son rapport annuel sur la situation des droits de l’homme dans le pays. Le document dresse un tableau sombre du pays en le réduisant à un État de «terreur». Un jugement qui ne fait pas forcément l’unanimité au sein de la société civile togolaise.

C’est un titre-choc, qui annonce un rapport sans concession. «Le martyr du peuple togolais à travers trente ans de terreur et de résistance (1990-2020)». Pour la très réputée Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH), les trois dernières décennies de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest se résument, ainsi, à des violations massives des droits de l’homme, des crimes, des assassinats, des cas de torture et des élections sanglantes et truquées.

«Le Peuple togolais, fatigué de subir des brimades, s’est lancé dès les années 90 dans la résistance et cela a permis d’avoir des acquis –jusqu’aux années 2000– en matière des droits élémentaires, notamment la liberté d’expression et de manifestations, le multipartisme, la liberté de la presse, etc. Mais après, ces acquis ont commencé par disparaître sous une dictature militaire et civile qui, face à la résistance du peuple, fait usage de la terreur pour exister» a déclaré à Sputnik, Me Célestin Agbogan, président de la ligue des droits de l’homme.

Dans le collimateur de l’organisation des droits humains, la dynastie Gnassingbé. Arrivé au pouvoir après un coup d’État militaire, Eyadéma Gnassingbé a gouverné le pays d’une main de fer entre 1967 et 2005. À son décès, c’est son fils Faure qui accède au pouvoir, à la faveur d’un coup d’État constitutionnel, soutenu par l’armée.

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Une démarche «régularisée» par la suite avec une élection présidentielle qui s’est tenue la même année. L’annonce des résultats a toutefois donné à une crise post-électorale qui a fait plusieurs centaines de morts.

«Des élections truquées, qui s’achèvent parfois dans le sang»

C’est l’une des raisons pour lesquelles le rapport de la LTDH épingle l’actuel Président, l’accusant de mauvaises gouvernances et de trafiquer systématiquement les différentes élections présidentielles organisées depuis.

Après 15 ans au pouvoir, en «organisant des élections frauduleuses», l’actuel chef de l’État «apparaît comme le principal obstacle à la démocratie avec la complicité de la communauté internationale», affirme le rapport, rendu public fin juillet 2020.

«Au Togo, l’arbitraire et l’impunité sont la règle pour mater toute contestation de l’ordre dictatorial. Les élections sont incompatibles avec les mœurs politiques dans une dictature liberticide, d’où l’organisation d’élections truquées, qui s’achèvent parfois dans le sang lorsque le peuple réclame sa victoire volée», indique le rapport de la LTDH.

Tirant les leçons de l’examen de ces 30 années de pouvoir, la Ligue togolaise des droits de l’homme veut renouveler «la lutte qui a permis des résultats dans le passé».

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L’objectif, soutient son président, est que «cessent la dictature militaire et la terreur dans le pays» et que «l’usage des violations des droits de l’homme comme arme politique» ne soit plus d’actualité au Togo.

«À l’endroit de la communauté internationale, nous disons qu’elle doit cesser son jeu hypocrite pour soutenir l’aspiration légitime à la liberté d’un peuple opprimé, au lieu de soutenir à chaque fois une dictature militaire, qui se trouve être la seule encore qui existe sur le continent africain», a soutenu Me Célestin Agbogan, au micro de Sputnik.

Le rapport demande aussi au gouvernement togolais de «faire cesser l’impunité des agents qui se rendent coupables d’actes de torture dans le pays et de rendre justice aux victimes de la torture» et «d’organiser le retrait de l’armée comme acteur politique majeur de la vie politique».

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Il exige en outre de «libérer tous les détenus politiques et de mettre fin au harcèlement politique et judiciaire d’opposants» et enfin «d’abolir la loi liberticide restreignant la liberté de manifestation pacifique et sa jouissance.»

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Mais la «terreur» décrite par la LTDH ne fait pas l’unanimité au sein de la société civile. Pasteur Edoh Komi, président du Mouvement Martin Luther King, une organisation togolaise des droits de l’homme, qui n’est pourtant pas connu pour ménager le pouvoir de Faure Gnassingbé, estime que les violations des droits de l’homme au Togo sont davantage caractéristiques d’un «État de non-droit», plutôt qu’un «État de terreur», où la LTDH continue d’exister et de produire des rapports tels que celui-ci, dont Pasteur Edoh Komi ne conteste pas, par ailleurs, le contenu ni les faits qui y sont dénoncés.

Idem pour Bertin Amega Atsyon, président de «Nouveaux Droits de l’homme» une autre organisation indépendante de défense des droits de l’homme, qui voit dans ce rapport, et notamment son titre, une «provocation du gouvernement pour le pousser à réagir», explique-t-il à Sputnik.

C’est pourtant encore loin d’être le cas. Contacté par Sputnik, le ministre togolais des Droits de l’homme, Christian Trimoua, n’a pas souhaité réagir, affirmant n’avoir pas «reçu ce rapport». En 2019, le rapport de la LTDH, intitulé «Togo: Torture et simulations d’exécutions sommaires croissent à l’ombre d’une justice injuste» a été rejeté par le ministre Trimoua, accusant la ligue, de «manque de professionnalisme», de faire des «extrapolations» et d’être dans l’«instrumentalisation».

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