En Centrafrique, un accord controversé entre Bangui et un chef de guerre

© AP Photo / Jerome DelayLe général Ali Darassa
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Le gouvernement centrafricain a signé un traité avec Ali Darassa, leader du groupe armé L’Unité pour la paix en Centrafrique, dans lequel ce dernier consent à rentrer dans le rang en échange d’un repli sur Bambari, son quartier général. Deux jours après, le chef de guerre s’est désengagé et dit avoir été contraint de signer cet accord.

Le récent traité signé entre Ali Darassa, chef du groupe armé L’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), et le pouvoir de Bangui permettra-t-il des avancées dans le processus de paix en République centrafricaine (RCA), un pays en proie à l’instabilité depuis plusieurs années? Difficile d’y croire au vu de la tournure que prennent les événements.

La signature de l’accord a eu lieu le jeudi 30 juillet, au terme d’une semaine de négociations dans la capitale centrafricaine Bangui. Dans ce document appelé «Procès-verbal d’un huis clos» et paraphé par le Premier ministre centrafricain Firmin Ngrebada et Ali Darassa, le chef de guerre s’engage à cesser toute activité subversive. Il s’agit notamment de ne pas entraver le retour de l’autorité de l’État ainsi que la libre circulation des agents de l’Autorité nationale des élections, dans la perspective de la présidentielle de décembre 2020, dans les zones qu’il contrôle.

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Autre concession: le chef de l’UPC s’est engagé à retirer ses troupes de Bambouti, ville frontalière du Soudan, qu’il a conquise après la signature du traité de paix pour la Centrafrique de février 2019. Signé entre le gouvernement de Bangui et quatorze factions armées centrafricaines, l’accord de Khartoum –le huitième depuis 2012– prévoyait une cessation des hostilités, un mécanisme de justice transitionnelle ainsi que la réintégration des désormais ex-groupes armés dans la vie civile.

Un an et demi plus tard, les termes de l’entente peinent à se concrétiser. Ce qui a sans doute engagé le gouvernement centrafricain dans la voie d’accords bilatéraux tels que celui conclu avec l’UPC.

Enfin, Ali Darassa s’est engagé également à «publier sans délai un communiqué de presse» qui annule son alliance avec le groupe armé des 3R, accusé de multiples violations de l’accord de paix et sous la pression militaire de la mission des Nations unies pour la paix en Centrafrique (Minusca) depuis plusieurs semaines.

Volte-face

En échange, peut-on lire dans ce procès-verbal, le chef du groupe armé, chassé par les Casques bleus en janvier 2019 de la ville de Bambari –alors son quartier général–, va faire son grand retour dans la capitale de l’Ouaka. Le gouvernement centrafricain s’engage à créer «les conditions pour le renforcement d’un mécanisme efficace de communication et de consultation permanente entre le pouvoir et les leaders des ex-groupes armés, l’UPC en l’occurrence».

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Seulement, le 1er août, soit deux jours après sa signature, Ali Darassa a désapprouvé les conclusions de cet accord dans une «note de désengagement et de clarification». Le chef de guerre déclare avoir signé sous la pression du chef du gouvernement centrafricain, faute de quoi «il ne partirait pas de Bangui». Il dénonce des pratiques susceptibles de compromettre les rencontres entre des groupes politico-militaires et affirme sa volonté de «persévérer dans la voie de la paix».

Pour l’opposition et la société civile, les conclusions du procès-verbal entre les deux parties constituaient déjà une «trahison» dont s’est rendu coupable le gouvernement. En témoignent les multiples attaques de cette faction contre l’armée centrafricaine et le massacre des civils depuis la signature du huitième accord de paix.

La volte-face qui s’en suit démontre, selon Martin Ziguélé, ancien Premier ministre et également président du parti du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), que le chef de guerre Ali Darassa «n’est pas pour la paix en Centrafrique».

«Cela constitue un énième rebondissement dans la tentative de résolution de cette crise imposée à notre pays par les groupes armés en général, et l’UPC du sinistre Ali Darassa en particulier. La position claire et non équivoque du MLPC est qu’Ali Darassa soit immédiatement arrêté et traduit en justice afin qu’il réponde de ses nombreux crimes contre notre peuple devant la justice», a-t-il déclaré le 2 août dans un document dont Sputnik a reçu copie.

Une présidentielle de tous les risques

Si des voix s’élèvent pour contester les concessions consenties au chef de guerre, pour le pouvoir de Bangui, cet autre accord avec un groupe armé s'inscrit dans la perspective de la préparation de la présidentielle de décembre prochain. Cependant, pense Kag Sanoussi, spécialiste en gestion des crises et président de l’Institut international de gestion des conflits –dont le siège est à Lille–, la «note de désengagement et de clarification» signée du même Ali Darassa, deux jours après avoir «paraphé le procès-verbal du huis clos, vient faire planer des inquiétudes» quant à son application.

«Nous osons croire qu’il s’agit là d’une figure de style car la gravité et la sensibilité des sept engagements pris par Ali Darassa le 30 juillet ne peuvent pas être balayées ainsi d’un revers de main sans provoquer une nouvelle crise. Dans la même note, il affirme sa volonté de respecter l’accord de Khartoum. Espérons qu’une fois les esprits reposés, le bon sens puisse gagner les rangs pour apporter la paix», commente l’expert au micro de Sputnik.

À cinq mois du scrutin présidentiel, déjà considéré comme à haut risque dans un contexte où les deux tiers du pays sont toujours contrôlés par des groupes armés, ce nouvel épisode dans la gestion de la crise centrafricaine vient raviver les inquiétudes. Depuis 2013, l’État a connu deux guerres civiles et demeure le théâtre d’affrontements entre factions armées qui commettent d’innombrables violences et exactions. Une situation qui perdure malgré les différents accords de paix.

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