Possible deuxième vague de Covid-19: «Il faut cesser d’accuser la population»

© AFP 2023 LUDOVIC MARINPrès de la station de métro Château d'Eau à Paris, mai 2020
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Alors que la circulation du coronavirus est en regain, deux médecins hospitaliers analysent la situation sanitaire au micro de Sputnik. Rassurants mais francs, les deux collègues de la Pitié-Salpêtrière défendent une approche sereine et vigilante pour ne pas tomber dans la panique. Et en profitent pour tacler les hommes politiques.

«Il est hautement probable qu’une seconde vague épidémique soit observée à l’automne ou l’hiver prochains», avertit le nouvel avis du Conseil scientifique Covid-19, transmis à l’exécutif le 27 juillet. La question d’un potentiel retour massif du coronavirus, et avec lui la crainte d’un nouveau confinement, préoccupent la population et les décideurs depuis le déconfinement progressif du pays à partir du 11 mai dernier.

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En particulier cet été, alors que la circulation du virus connaît un sursaut tendanciel, comme l’indique régulièrement Santé publique France. «Le virus ne prend pas de vacances, nous non plus», clamait le 3 août le Premier ministre Jean Castex, en visite dans le Nord. À quel point faut-il s’en inquiéter? «L’avis du Conseil scientifique est très circonstancié et mesuré, en somme très scientifique!», se réjouit le docteur Yonathan Freund, médecin urgentiste à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Joint par Sputnik, le jeune professeur juge ce document «dans la continuité de ce qu’ils disaient avant. Il n’y a rien de vraiment nouveau».​

«La situation reste contrôlée mais il faut être vigilants», abonde son confrère Alexandre Bleibtreu, infectiologue au même CHU: «Le rapport parle bien de “se préparer maintenant”, c’est-à-dire anticiper pour ne pas être pris au dépourvu à l’automne ou à l’hiver.»

«Je ne veux pas d’une dictature sanitaire»

Souvent caricaturé en trublion niant la possibilité même d’une deuxième vague, Yonathan Freund a en fait une position autrement plus pondérée:

«Je n’ai jamais dit que l’épidémie était définitivement derrière nous, je dis simplement que la gravité de cette maladie et son retentissement sur la population générale ne seront jamais comparables à ce que l’on a vécu.»

Selon lui, «il est donc normal d’interdire les grands rassemblements, et légitime de faire porter le masque dans les espaces clos. Mais c’est le fait d’aller plus loin qui me semble contestable», peste l’urgentiste, qui n’épargne pas les politiques qui «veulent dire qu’ils ont fait quelque chose pour ne pas qu’on puisse les accuser ensuite».

​«Le fond de la question, renchérit le docteur Bleibtreu, c’est de savoir dans quelle société on veut vivre dans les douze ou vingt-quatre prochains mois. Il faut suivre les indicateurs de près et agir en conséquence, mais je ne veux pas vivre dans une dictature sanitaire! Actuellement, il n’y a pas de saturation au niveau du nombre de lits, le virus se remet à circuler, c’était parfaitement attendu avec le déconfinement.»

«Le problème, poursuit-il, c’est le seuil de réémergence qu’on peut supporter avec notre système de soin. Mais à moins d’être une île isolée ou une société fermée et totalitaire, il est impossible d’empêcher le virus de circuler», note le spécialiste des pathologies infectieuses.

Le médecin tente une comparaison: «C’est comme avec la prévention routière: on réduit la mortalité en interdisant l’alcool au volant, en obligeant de porter la ceinture ou en instaurant des limitations de vitesse. Mais pour qu’il y ait zéro mort d’accidents de la route, il faudrait supprimer toutes les voitures du territoire français, or ça n’est évidemment pas possible.»

Plus de tests, plus de moyens

Pour autant, «il faut véritablement suivre les recommandations de l’OMS, et ça veut dire qu’il faut tester plus qu’on ne le fait actuellement», recommande Alexandre Bleibtreu. Ce qui repose la question des moyens du système de santé. Et Yonathan Freund de se souvenir:

«Pendant la crise sanitaire, ça a été extrêmement éprouvant pour nous les soignants, mais paradoxalement, on a transformé l’hôpital en ce dont on a toujours rêvé: on a pu démultiplier les places, les gardes, sortir de l’obsession de la rentabilité.»

«On a vécu une période où le seul objectif était de prendre en charge les malades et de mettre le système de santé en état de marche», confirme Alexandre Bleibtreu: «Les difficultés administratives étaient complètement mises de côté. Aujourd’hui, malheureusement, les applaudissements se sont tus et l’on est revenus à une restriction des moyens. Ce qu’on demande depuis des années, c’est que l’hôpital fonctionne comme lors de cette parenthèse de deux mois. Et ce ne sont pas les miettes du “Ségur de la santé” qui vont arranger ça», regrette le professeur d’infectiologie.

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Quant à l’attitude du gouvernement face à ces revendications et aux leçons de la crise, Yonathan Freund n’en attend pas grand-chose: «Jean Castex est dans son rôle, il fait de la politique. Il insiste sur la responsabilité individuelle des citoyens avec les gestes barrières, tout en disant qu’il faut un cadre institutionnel. C’est une forme de “en même temps”. Mais les gens respectent déjà massivement les recommandations», remarque l'urgentiste.

«Il faut cesser d’accuser la population», acquiesce son collègue d’hôpital Alexandre Bleibtreu.

Et de développer: «Depuis le début de la crise sanitaire, le pouvoir politique a un double discours. Un discours sur l’État fort, et de l’autre côté un discours systématique de dédouanement, accusant implicitement les Français d’être trop indisciplinés. La gaffe du préfet Lallement sur les patients en réanimation qui n’auraient “pas respecté le confinement” en est une illustration. Il faut arrêter ce discours permanent de mise en accusation des gens, alors qu’ils ont été d’une “docilité” remarquable», conclut-il.

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