Alexandre Vinnik, emprisonné depuis sept mois en France où il est accusé d’escroqueries au bitcoin, sera-t-il condamné?

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Est-il à l’origine du «rançongiciel»? Le Russe Alexandre Vinnik, arrêté en Grèce et extradé vers la France, attend l'ouverture de son procès le 14 septembre, au Tribunal correctionnel de Paris. L’informaticien clame son innocence, assurant être une des victimes de la fraude au bitcoin. Me Belot, son avocat, donne à Sputnik sa version des faits.

Accusé de piratage de données et d’attaques informatiques par les États-Unis, la France et la Russie, Alexandre Vinnik, a été arrêté en juillet 2017 en Grèce à la demande de Washington. Extradé en France en janvier dernier, il est resté incarcéré à la maison d’arrêt de Fresnes après deux audiences préliminaires houleuses et s’être vu refuser sa libération sous caution.

C’est l’avocat Frédéric Belot, membre du barreau de Paris, qui est chargé de le défendre, avec une consœur française, Me Ariane Zimra, et une autre grecque, Me Zoé Konstantopoulou, ancienne présidente du Parlement hellénique. Le procès est prévu le 14 septembre au Tribunal de Paris: «Alexandre Vinnik va dire en quoi il n’est pas coupable des délits pour lesquels il est poursuivi» prévient Me Belot au micro de Sputnik.

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«Il faut qu’il s’exprime et explique à la justice française pourquoi il n’a pas commis les actes pour lesquels il est accusé et a été renvoyé devant le tribunal correctionnel», précise Frédéric Belot.

La France accuse le programmeur russe d’avoir «extorqué et blanchi de l’argent dans le cadre d’un groupe criminel sur le territoire du pays», en 2016-2018 et «à une autre période». Cette accusation de blanchiment d’argent et de fraude à la cryptomonnaie s’inscrit dans une longue liste d’affaires du même style: une vingtaine de programmeurs accusés de piratage et d’attaques informatiques ont été arrêtés et certains extradés aux États-Unis entre 2014 et 2017.

Le Bitcoin, «un domaine très mal maîtrisé»

Pour l’avocat du programmeur, «il est important de bien avoir à l’esprit comment fonctionne la culture digitale des gens qui ne travaillent exclusivement qu’avec Internet», afin de comprendre toute la particularité de cette affaire.  «Les gens ne se rencontrent pas physiquement», souligne-t-il: alors forcément «certains éléments manquent dans cette communication désincarnée parce qu’exclusivement digitale, qui est beaucoup plus difficile que celle de visu».

«Monsieur Vinnik, à cause de ce fonctionnement exclusivement par Internet était totalement isolé. Il ne pouvait pas, par exemple, échanger avec des collègues et n’avait pour tout contact que son employeur», assure Frédéric Belot.

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Mais surtout, Alexandre Vinnik a agi dans un «domaine peu ou pas du tout réglementé légalement», celui lié aux cryptomonnaies, dont le Bitcoin, «domaine totalement nouveau et très mal maîtrisé».

«Alexandre Vinnik n’est pas un juriste, et il était extrêmement difficile pour lui de vérifier que l’ensemble des règles de droit étaient respectées dans une matière, rappelons-le, nouvelle, extrêmement peu ou pas réglementée et avec une réglementation changeante suivant les pays, quand elle existait,» clame l’avocat du programmeur russe.

Mais le fond du problème reste le virus rançongiciel Locky, ce cheval de Troie qui a infecté des millions d’utilisateurs via l’activation des macros. Une porte ouverte à la fraude, qui «a causé beaucoup de victimes», d’après l’avocat de Vinnik.

«Rien à voir avec des rançons qui ont étés payées»

La défense insiste sur le fait qu’Alexandre Vinnik, qui a travaillé pour la plateforme d'achat de cryptodevises BCT-e, «n’a rien à voir ni de près, ni de loin avec ce virus créé et diffusé par un réseau d’ordinateurs compromis, qui a été amélioré au fur et à mesure de son utilisation par ses concepteurs et ses utilisateurs».

«Alexander Vinnik n’a rien à voir non plus avec des rançons qui ont étés payées par les victimes de ce rançongiciel, car il n’en est aucunement le bénéficiaire. Il n’a pas bénéficié de l’argent qui a pu être extorqué aux victimes de ce ver informatique dénommé Locky»,  souligne Frédéric Belot.

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Dans le cadre d’enquêtes américaine et française, bien que «ni l’une, ni l’autre n’[aient] véritablement abouti», la défense estime qu’Alexandre Vinnik «a eu la malchance d’être identifié, contrairement à des véritables responsables». Il serait le bénéficiaire des rançons versées par les victimes selon l’acte d’accusation américain. En attendant de pouvoir donner la parole au programmeur pour s’expliquer sur son rôle exact, on prépare «une audience relais» le 14 septembre où toutes les parties seront réunies afin de fixer les dates d’audience définitives.

«L’instruction fait de lui à tort le responsable de tout, le bouc émissaire que l’on rend responsable de la création du rançongiciel Locky et du blanchiment via la plateforme BTC-e des rançons versées par les victimes», conclut l’avocat.

Maître Belot insiste sur le fait que M. Vinnik «n’est responsable de rien, puisqu’il a travaillé comme simple opérateur exécutant sur ce qui lui avait été demandé à savoir une toute petite partie de l’activité de BTC-e».

Vinnik incarcéré sur le territoire français depuis sept mois

Incarcéré depuis trois ans au total et extradé sur le sol français le 23 janvier dernier «dans une prison française très vieille», Alexandre Vinnik, «souffre beaucoup physiquement à cause des grèves de la faim». «Son état de santé est très préoccupant», résume l’avocat.

«Surtout, il souffre beaucoup moralement car il est accusé injustement dans une affaire qui le dépasse totalement et pour laquelle, répétons-le, il est présumé innocent. Il ne peut être au côté de son épouse laquelle est très gravement malade, en fin de vie dans un hôpital, et leurs deux enfants –de 6 et 9 ans– ne voient plus leur père», rapporte Frédéric Belot.

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C’est la mère du mis en cause, Vera Vinnik, qui porte tout sur ses épaules. Et au soutien «physique» et logistique qu’elle apporte à son fils s’ajoute la nécessité de le soutenir moralement, alors qu’il est «incarcéré dans un pays étranger pour une affaire qui le dépasse totalement».

«C’est une famille extrêmement atteinte qui souffre beaucoup dans sa chair pour des faits pour lesquels Alexandre Vinnik est présumé innocent. Si demain il est relaxé, son épouse sera peut-être déjà décédée sans qu’il puisse être à ses côtés. C’est une situation inhumaine!», s’insurge l’avocat.

Frédéric Belot voit son rôle comme celui de porteur de la voix d’Alexandre Vinnik devant le tribunal «pour que son innocence soit reconnue en France et qu’il soit relaxé des chefs de poursuite sur lesquels il est renvoyé devant le tribunal correctionnel».

Différences entre la France et la Russie à prendre en compte

Et la tâche ne sera pas aisée, entre autres en raison des pratiques divergentes du monde du travail entre la France et la Russie. Les relations entre employés et employeurs en Russie «ne sont pas les mêmes qu’en France».

«Aussi, pour bien comprendre le contexte dans lequel monsieur Vinnik a évolué, il sera important que ses juges français aient bien à l’esprit certaines de ses différences, notamment s’agissant du droit du travail», plaide Frédéric Belot.

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Une des particularités du marché du travail russe est que «les freelances et les consultants extérieurs sont beaucoup plus nombreux qu’en France». Ainsi les relations de travail n’y sont-elles pas aussi encadrées: «l’on y recrute et (...) l’on y licencie beaucoup plus facilement» qu’en France, résume notre interlocuteur.

«Ces différences culturelles et de contexte jouent aujourd’hui contre Alexandre Vinnik qui est un autodidacte, recruté sur un forum de discussion comme simple opérateur et qui a été totalement manipulé par ceux qui l’ont employé. Monsieur Vinnik est innocent et fera tout pour le démontrer au tribunal correctionnel», conclut-il.
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