Agressions turques en Méditerranée: des sanctions de l’UE pourraient-elles calmer Erdogan?

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Bruxelles se prépare à traiter le dossier turc en Méditerranée orientale. Arbitrage devant des tribunaux internationaux et sanctions internationales sont actuellement évoquées, mais peuvent-elles suffire à calmer les ardeurs turques? Les avis divergent: Analyses du général Dominique Trinquand et du géopolitologue Alexandre Del Valle.

Le président du Conseil européen et le Président turc se sont parlé ce 6 septembre en marge de l’escalade de tensions en Méditerranée orientale. Et Recep Tayyip Erdogan a «invité» les institutions et les États membres de l’Union européenne à «rester équitables, impartiaux et objectifs, et à agir de façon responsable sur les problématiques régionales», selon la présidence turque.

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Mais est-ce le rôle de Bruxelles de rester «neutre» lorsqu’un de ses membres subit des provocations à répétition? Sputnik a posé la question à Dominique Trinquand, général (2S), ex-chef de mission militaire auprès de l’Onu. Et pour lui, pas de doute:

«Bruxelles a évidemment un intérêt premier, qui est la position de la Grèce et de Chypre, qui sont membres de l’Union européenne. La position de Bruxelles doit être d’assurer le parfait traitement de ce différend, en soutien des membres de l’Union européenne.»

C’est d’ailleurs déjà dans les tuyaux, prend-il le soin de rappeler: «Il y a eu une réunion des ministres des Affaires étrangères qui s’est tenue fin août. Une réunion des chefs d’État se tiendra le 24 septembre, durant laquelle des propositions doivent être faites aux chefs d’État, en particulier concernant des sanctions à appliquer à la Turquie.»

Le différend Turquie-Grèce «n’est pas un sujet qui doit être traité via l’Otan»

Par contre, pas question pour le général de régler ce conflit au sein de l’Otan, car selon lui, d’autres organes internationaux seraient plus à même de régler ce litige:

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«Ce sujet n’est pas un sujet qui doit être traité via l’Otan, le problème est un sujet de délimitations territoriales et économiques. Que les tensions aient des conséquences sur la cohérence de l’Otan, oui. Mais le sujet n’est pas à traiter à l’Otan.»

Pour lui, les sanctions ne seraient d’ailleurs qu’un outil pour inciter à des relations de bon voisinage entre la Grèce et la Turquie. Et ce, indépendamment du niveau d’hostilité atteint ces dernières semaines.

«La proposition de l’UE est de traiter ce différend par arbitrage. En particulier concernant le problème des plateaux continentaux et des zones économiques exclusives, cela peut être traité à la Cour internationale de justice de La Haye. Donc il ne s’agit pas de jouer les gros bras et d’aligner les frégates, mais de décider de traiter ça par la négociation devant une cour internationale.»

Un avis que ne partage qu’en partie Alexandre Del Valle, géopolitologue, spécialiste des relations entre l’Europe et la Turquie et du monde arabo-musulman. Pour lui, «c’est un début dans la bonne voie, mais ça fait tout de même depuis les années 1970 que la Grèce et Chypre sont agressés par la Turquie», rappelle au micro de Sputnik celui qui est notamment l’auteur de La Turquie dans l’Europe, un cheval de Troie islamiste? (éd. des Syrtes).

Sans menace militaire crédible, l’UE brasse du vent face à Erdogan?

Un contexte historique primordial, selon Del Valle, pour juger de l’étendue de l’agression turque dans son voisinage, et au-delà, ainsi que de l’adéquation des moyens de pression envisagés. Et pour lui, comme pour le général Trinquand,

«Ce n’est pas le rôle de l’Union européenne de rester neutre quand deux pays [la Grèce et Chypre, ndlr] de cette union sont envahis, menacés et provoqués un pays non membre. Ne pas bouger face à cette situation est ubuesque.»

Face à cette situation, les débuts de représailles envisagées par Bruxelles sont loin d’être suffisants, selon le géopolitologue:

«On ne voit pas ce qui peut faire plier Erdogan actuellement. Il faudrait qu’il y ait plusieurs puissances de l’Otan qui agissent de manière dissuasive. Nous n’avons pas de dispositif permanent visant à bloquer la Turquie en Méditerranée orientale, donc tout ce que nous faisons aujourd’hui, c’est de la gesticulation.»

Pour le géopolitologue, la menace militaire doit être aussi évidente que celle de sanctions via les tribunaux internationaux. Au risque de répéter des erreurs du passé, rappelle-t-il subtilement:

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«L’histoire montre que tant qu’il n’y a pas de sanctions à grande échelle et de manifestation de puissance avec l’acceptation même de prendre un risque de guerre, rien n’arrête le prédateur.»

Pour illustrer la gravité de la situation, celui-ci va même jusqu’à souligner l’étonnante volte-face de certains commentateurs, qui ont longtemps plaidé pour l’intégration du pays à l’Union européenne, mais qui comparent désormais Erdogan à Hitler: «Même Jacques Attali, qui était l’homme qui a le plus plaidé en faveur de l’intégration turque dans l’Union européenne s’est rendu compte de la menace que fait peser la Turquie», souligne Alexandre Del Valle.

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