«Europe de la santé»: sur le fond et la forme, Bruxelles s’inspire des États-Unis

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Dans un format calqué sur le modèle américain, la présidente de la Commission européenne a présenté son projet d’Europe de la santé. Pour l’économiste atterré Henry Sterdyniak, si l’Europe de la santé devait un jour exister, elle devrait nécessairement être sociale. Encore faut-il savoir si Bruxelles peut –et veut– la construire.

Le Parlement européen ressemblait énormément au Congrès américain ce mercredi 16 septembre. D’un ton solennel, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a présenté son discours sur l’état de l’Union européenne. Un discours «State of the EU», dont le format est directement inspiré du fameux «State of the Union» aux États-Unis, durant lequel le Président américain dresse un bilan annuel de son pays.

Fédéralisme sanitaire?

Lors de cette grand-messe, pourtant largement passée inaperçue dans les médias, la santé a été au centre des préoccupations. Quoi de plus normal, compte tenu de la situation sanitaire actuelle?

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Proposition phare du discours de la présidente de la Commission: construire l’Europe de la santé après le coronavirus. «J’ai proposé de renforcer le financement du programme dédié [“L’UE pour la santé”, ndlr] et que le Parlement européen soit prêt à affronter le Conseil européen pour cela», a-t-elle déclaré. Aussi a-t-elle également annoncé la mise en place d’une Agence européenne du médicament, le renforcement du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et la création d’une agence de recherche et de développement biomédicaux avancés.

​Mais en quoi consisterait donc une Europe de la santé? Serait-elle plus libérale? Plus sociale? Sputnik est revenu avec Henry Sterdyniak, membre de l’association des Économistes atterrés, sur la crédibilité et la couleur qu’elle pourrait prendre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a quelques réticences:

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«La santé n’est pas un domaine où l’Europe a des compétences. Elle ne peut qu’intervenir que pour aider les systèmes nationaux», tranche-t-il.

Selon lui, les systèmes de santé sont extrêmement divers dans les pays européens. Il n’y a pas de convergences entre ceux-ci. «Chaque pays a des systèmes hérités de leur histoire et de ses propres conflits d’intérêts», explique-t-il.

«Uniformiser les systèmes de santé des pays membres»

Ainsi paraît-il difficile d’imaginer un système de santé transnational et solidaire, de Lisbonne à Helsinki. Et quand bien même celui-ci verrait le jour, encore faudra-t-il définir un modèle type:

«Si un jour, on se dirige réellement vers l’Europe de la santé, il faudra uniformiser les systèmes de santé des pays membres. Et il faut voir vers quel modèle se dirigerait cette uniformisation», souligne Henry Sterdyniak

Pour le co-auteur de Changer l’Europe! (Éd. Les liens qui libèrent), c’est cette question qui est cruciale: «Est-ce qu’on va vers un modèle avec 100% de sécurité sociale, un modèle municipal, ou un modèle purement libéral?», s’interroge-t-il.

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Sur cette question, l’inspiration américaine du projet défendu par Ursula Von Der Leyen est explicite: «Nous devons faire en sorte que notre nouveau programme “L’UE pour la santé” résiste à l’épreuve du temps […] Nous créerons une agence de recherche et de développements biomédicaux avancés au niveau européen, comme cela existe aux États-Unis.»

Bruxelles, trop influencée par le lobby pharmaceutique?

Difficile, dès lors, de ne pas penser que les institutions européennes ne se dirigeraient pas dans cette direction. Une idée contre laquelle Henry Sterdyniak met en garde. Au contraire, dans le cas où cette Europe de la santé viendrait à voir le jour, pour mieux protéger les Européens au niveau sanitaire, l’économiste préconise «la nationalisation ou la socialisation de l’industrie pharmaceutique» à l’échelle européenne. Un scénario qui n’aurait pourtant rien d’idéal pour notre interlocuteur, tant il ouvrirait la voie aux lobbies de ces industries:

«Les instances européennes sont encore plus soumises au lobby des grandes entreprises que les instances nationales.»

Difficile donc pour Henry Sterdyniak d’imaginer une Europe de la santé qui fonctionnerait au profit des peuples européens.

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