Nigeria: Indignation après la condamnation d’un adolescent à dix ans de prison pour blasphème

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Un garçon de 13 ans a écopé de dix ans de prison dans le nord du Nigeria pour blasphème. Une condamnation qui a suscité une vague d’indignation contre des tribunaux charaïques coutumiers du fait. L’Unicef a exprimé sa «profonde préoccupation» et demande au gouvernement nigérian de réexaminer d’urgence l’affaire et d’annuler la sentence.

L’affaire a fait grand bruit et est toujours à la une des médias nigérians et internationaux. C’est la triste histoire d’Omar Farouq, âgé de 13 ans, condamné à dix ans de prison et à des travaux d’intérêt général au Nigeria pour blasphème. D’après les informations relayées par la presse nigériane, l’adolescent a été condamné le 10 août par un tribunal de la charia dans l’État de Kano, au nord-ouest du Nigeria.

Il est accusé d’avoir tenu des propos insultants envers Dieu lors d’une querelle avec un autre enfant. Omar Farouq a écopé de cette peine sans égard pour son âge parce que la responsabilité civile et pénale, pour ces tribunaux, est pleine et effective dès la puberté.

Indignation et condamnation

L’avocat de l’adolescent, Me Kola Alapinni, a fait appel le 7 septembre, estimant que la sentence violait la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ainsi que la Constitution nigériane. Dans une déclaration rendue publique le mercredi 16 septembre, le Fond des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a exprimé sa «profonde préoccupation» face à cette sentence.

«La condamnation de cet enfant à dix ans de prison et à des travaux domestiques [travaux d’intérêt général, ndlr] est une erreur. Elle va à l’encontre de tous les principes fondamentaux sous-jacents des droits de l’enfant et de la justice pour enfants auxquels le Nigeria -et par implication, l’État de Kano- a souscrit», a réagi Peter Hawkins, représentant de l’Unicef au Nigeria.

En outre, l’organisation demande au gouvernement nigérian et à celui de l’État de Kano de réexaminer en urgence l’affaire et d’annuler la sentence.

Dans le même temps, une vague d’indignation a fait le tour des réseaux sociaux et de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer l’étonnement face à une telle décision.  

Un cas parmi tant d’autres

En effet, l’État de Kano, comme la plupart des États de la Fédération du Nigeria à majorité musulmane, pratique encore la charia parallèlement à la loi laïque. Des faits de condamnations pour blasphèmes y sont récurrents.

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Le 10 août dernier, ce même tribunal islamique du nord du pays a condamné à mort par pendaison un musicien accusé de blasphème. Yahaya Aminu Sharif était poursuivi pour avoir insulté le prophète Mohammed dans l’une de ses chansons. D’ailleurs, c’est en défendant ce dernier que Me Kola Alapinni a découvert le cas de l’adolescent.

«Nous avons appris qu’ils avaient été condamnés le même jour, par le même juge, dans le même tribunal, pour blasphème et nous avons découvert que personne ne parlait d’Omar. Nous avons donc dû agir rapidement pour faire appel pour lui», a expliqué l’avocat dans une interview accordée à CNN.

Depuis l’adoption de la version stricte de la charia par plusieurs États du nord du Nigeria au début des années 2000, c’est la deuxième fois qu’une peine de mort est prononcée pour blasphème. Abdul Nyass avait déjà été condamné à mort pour cette raison par une cour islamique de Kano en 2015.

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Des cas parmi tant d’autres qui interpellent sur la nécessité de faire appel à un «minimum de tolérance», soutient le Dr Norbert Nadjé, psychosociologue et enseignant à l’université de Douala. Pour lui, «cette intolérance est ancrée dans l’essence même de la religion qui se veut souvent théocratique».

«Seules les pressions internationales peuvent amener le Nigeria, ou du moins l’État de Kano, à reconsidérer sa position car au-delà des lois religieuses, le Nigeria est comme beaucoup d’autres États, inscrit dans un processus de globalisation. Je pense aussi qu’il faut revoir la place que la religion occupe dans nos sociétés», conclut-il au micro de Sputnik.

En attendant qu’une éventuelle révolution s’opère pour mettre un terme à certaines pratiques religieuses, considérées comme très sévères par plusieurs acteurs de la société civile nigériane et des ONG de défense des droits de l’Homme, les tribunaux islamiques du nord du Nigeria fonctionnent encore en parallèle du système judiciaire étatique. Ils ont déjà prononcé des condamnations à mort pour adultère, meurtre ou homosexualité, sans qu’aucune exécution n’ait eu lieu jusque-là.

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