Expulsion des délinquants étrangers: la fin du laxisme, vraiment?

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Dans une circulaire datée du 29 septembre, soit quatre jours après l’attentat au hachoir perpétré par un ressortissant pakistanais dans l’ancienne rue de Charlie Hebdo, Gérald Darmanin demande aux préfets de «reconduire systématiquement les étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public». Des paroles en l’air?

Effet de manche ou réaffirmation de l’autorité de l’État? Quatre jours après l’attaque au hachoir perpétrée dans l’ancienne rue de Charlie Hebdo par un ressortissant pakistanais, Gérald Darmanin occupe une nouvelle fois le devant de la scène. Dans une circulaire adressée mardi 29 septembre aux préfets –qu’il a lui-même publié sur Twitter–, le ministre de l’Intérieur se veut intransigeant vis-à-vis des «étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public»:

«Je vous demande de mettre systématiquement en œuvre les procédures à même d’interrompre, dans les meilleurs délais, la présence de ces personnes sur notre territoire», réclame le ministre de l’Intérieur dans un courrier adressé aux préfets.

L’ancien maire de Tourcoing va même plus loin et demande explicitement aux préfets de «préparer l’éloignement des étrangers incarcérés avec toute l’anticipation nécessaire», via des «refus ou retraits de titres», voire de «nationalité française». Pour cela, le ministre envisage plusieurs solutions: «éloignements»«rétention», «assignation», voire «participation à des vols groupés». Dit autrement, un rapatriement vers le pays d’origine des délinquants étrangers. Des mesures fortes, qui posent néanmoins la question de la marge de manœuvre juridique rendant possibles de tels «éloignements».

Le député Jean-Louis Thiériot (LR), qui a interrogé le ministre de l’Intérieur dans l’Hémicycle à la suite de cette dernière attaque, rappelle que ces rapatriements sont conditionnés à des accords diplomatiques avec les pays en question:

«Il est impossible de procéder à des expulsions quand le pays d’origine ne délivre pas de laissez-passer consulaire, ce qui devrait être une priorité de notre diplomatie. Or, avec la réglementation actuelle sur la détention limitée, les délinquants seraient dans la nature au bout de trois mois!», souligne le député LR Jean-Louis Thiériot au micro de Sputnik.

Mais l’attentat commis par le jeune pakistanais éclaire également un point important: la problématique des mineurs étrangers non accompagnés (MNA) quand ils arrivent sur le sol français. Le suspect, qui disait dans un premier temps être âgé de 18 ans (il a par la suite admis en avoir en réalité 25), serait entré irrégulièrement en France il y a trois ans. Il n’a pas été menacé d’expulsion pour une raison simple: le juge des enfants aurait retoqué l’évaluation des services du conseil départemental concluant à sa majorité, lui permettant de fait d’être protégé par le statut de mineur étranger non accompagné. En l’absence d’examen osseux de l’âge, c’est cette fraude qui a permis au jeune migrant de rester sur le sol français et donc de pouvoir passer à l’acte.

Explosion du nombre de mineurs isolés

Les chiffres sont pour le moins alarmants. D’après l’Association des départements de France (ADF), pour la seule année 2020, la France accueille près de 40.000 mineurs non accompagnés. Soit une multiplication par trois depuis 2016. En termes de coûts, cela représente deux milliards d’euros par an, la prise en charge annuelle d’un mineur étant estimée à 50.000 euros environ.

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Or, l’État ne prend en charge que 50% des frais occasionnés par ces mineurs isolés, l’autre moitié étant dévolue aux départements, pour un coût net d’un milliard d’euros. Jean-Louis Thiériot, qui a été président du Conseil départemental de Seine-et-Marne jusqu’en 2018, s’insurge contre cette répartition. Pour lui, les départements n’ont pas à assumer «la politique gouvernementale en matière d’immigration»:

«C’est un choix régalien de la part de l’État d’accueillir ces mineurs étrangers dans ces conditions, ce devrait donc être à l’État d’en assumer le coût!», lance Jean-Louis Thiériot au micro de Sputnik.

Et l’afflux n’est pas près de tarir. La France s’était en effet engagée, avant l’été, à accueillir 350 mineurs isolés étrangers de Grèce. L’incendie du camp de Moria, sur l’île de Lesbos le 8 septembre dernier, risque d’accélérer les choses: la France devrait recueillir une centaine de mineurs isolés parmi les sinistrés du camp, connu pour être la plus grande structure d’accueil de migrants de toute l’Europe.

«Faux mineurs»

La loi prévoit par ailleurs qu’une fois majeurs, les MNA obtiennent quasi automatiquement un titre de séjour afin de rester sur le sol français. À ce titre, ils peuvent bénéficier du regroupement familial, à condition de revendiquer le droit d’asile. «Un mauvais signal, qui risque de faire augmenter l’appel d’air», juge Jean-Louis Thiériot.

Une critique partagée dans l’opposition. Ce mercredi 30 septembre sur Europe 1, le député LR Éric Ciotti regrettait d’ailleurs une «loi extraordinairement naïve» en France sur la question des mineurs isolés:

«La faille est dans la naïveté de notre pays […] Si on n’arrête pas ces flux migratoires qui nourrissent le communautarisme, on ne réglera pas le problème. Il y a beaucoup de faux mineurs et on ne se donne pas les moyens de vérifier leur âge, on l’a vu pour ce terroriste.»

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Comment dès lors s’y prendre pour enrayer ce phénomène? Les politiques sont-ils condamnés à l’impuissance? Pour Jean-Louis Thiériot, seule une «volonté politique forte» permettrait de clarifier cette zone grise de la politique d’accueil en France:

«On ne résoudra ce problème que si l’on refuse d’une part le mécanisme automatique de séjour et, d’autre part, si l’on arrive à mettre en œuvre les obligations de quitter le territoire national (OQTF), dont aujourd’hui moins de 20% sont exécutées», tranche le député de Seine-et-Marne au micro de Sputnik.

L’urgence semble en effet de mise. Dans une enquête consacrée à la délinquance des mineurs étrangers en Île-de-France le 29 septembre, Le Parisien avance des chiffres pour le moins inquiétants: entre 2018 et 2019, le nombre d’interpellations de mineurs isolés a augmenté de 20% (7.603 contre 9.134). Pis, sur les huit premiers mois de 2020, on compte déjà 300 interpellations de plus qu’en 2019 sur la même période. «Une nouvelle augmentation de 42%, qui atteint même 51% à Paris», souligne le quotidien francilien.

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