«La pire expression du racisme»: la mort sous les insultes d’une femme autochtone à l’hôpital ébranle le Canada

CC BY 2.0 / Ian MccAusland / Autochtones du Canada (image d'illustration)
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Au Canada, le décès d’une femme amérindienne dans un hôpital du Québec suscite colère et indignation, en raison de propos racistes tenus à son encontre lors de son agonie. Le racisme contre les Autochtones se retrouve à nouveau au banc des accusés. Une autre tragédie qui aurait pu être évitée? Sputnik fait le point.

«Ça là, c’est mieux mort.» C’est l’une des dernières phrases qu’aura entendues une femme autochtone de 37 ans dans un hôpital de Joliette, au Québec. Quelques heures avant son décès, des membres du personnel infirmier, pourtant chargé de veiller sur elle, émettent des commentaires d’une rare violence à son endroit. Joyce Echaquan est aussi qualifiée «d’épaisse», un adjectif signifiant idiote en français québécois.

«Tu as fait de mauvais choix, ma belle. Qu’est-ce qu’ils penseraient, tes enfants, de te voir comme ça? Pense à eux autres un peu», ajoute l’un des membres du personnel sur ce ton méprisant.

Dans les heures précédant son décès, Joyce Echaquan a diffusé sur Facebook une vidéo pour demander à ce qu’on «vienne la chercher» à l’hôpital. Dans la langue de son peuple –la nation atikamekw–, elle affirme entre autres avoir été «droguée» par le personnel.

​Cette mère de sept enfants s’était rendue à l’hôpital pour des douleurs à l’estomac, et se savait également sujette à des problèmes cardiaques.

Insultes et commentaires haineux juste avant sa mort

La diffusion de la vidéo et l’annonce de la mort de Joyce Echaquan ont rapidement suscité une vague d’indignation comme en avait encore rarement connu le pays. La santé étant un domaine de compétence provincial, le Premier ministre du Québec, François Legault, a rapidement été sommé de commenter l’affaire:

«Il y a du racisme au Québec, il faut combattre ce racisme. L’infirmière, ce qu’elle a dit, c’est totalement inacceptable, et elle a été congédiée. Maintenant, de penser que toutes les infirmières ou tout le système de la santé auraient eu cette réaction, tout le monde va dire: bien non», a déclaré François Legault à Québec.

Dans un échange avec Sputnik, le Bureau de Marc Miller, le ministre fédéral des Services aux Autochtones, a condamné les gestes du personnel hospitalier et précisé qu’une «enquête transparente» sera chargée de déterminer «si seulement les paroles ont été racistes ou également les soins prodigués». François Legault a déjà confirmé que le Bureau du coroner du Québec allait enquêter.

«Cet événement traumatisant est la pire expression du racisme. C’est le portrait déchirant d’une personne dans son état le plus vulnérable et qui, alors qu’elle était en train de mourir, a entendu des propos racistes à son égard», affirme à Sputnik le ministre Marc Miller.

Dans la foulée de la mort de George Floyd aux États-Unis, des leaders autochtones canadiens avaient déploré que presque toute l’attention soit accordée aux personnes noires alors que, selon eux, les Autochtones demeurent les premières victimes du «racisme systémique». En juin dernier, le Premier ministre fédéral, Justin Trudeau, avait posé un genou à terre à l’occasion d’une manifestation à Ottawa, en signe d’appui aux communautés noires des États-Unis et du Canada.

​Michèle Audette, l’ex-commissaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, s’était même dite «peinée» et «choquée» de constater que les Premières Nations n’avaient pas encore eu droit au «même traitement» et à la même «mobilisation».

Joyce Echaquan, la George Floyd canadienne?

En juin 2019, le très attendu rapport de cette enquête a conclu à un «génocide des femmes autochtones», auquel aurait participé Ottawa.

Justin Trudeau  - Sputnik Afrique
«Génocide des femmes autochtones»: au Canada, un rapport-choc qui divise
Selon certains observateurs, les pratiques «coloniales» de l’État fédéral et des provinces contribuent à maintenir les peuples autochtones dans un état d’infériorité symbolique et socioéconomique. Le rapport des policiers aux Autochtones et la prise en charge de ceux-ci par le système de santé sont régulièrement pointés du doigt pour illustrer la persistance du racisme.

«Il ne s’agit malheureusement pas d’un événement isolé et nous devons reconnaître l’impact que ce type d’événement peut avoir sur les communautés autochtones. Une grande partie des écarts socioéconomiques qui existent aujourd’hui entre les autochtones et les non-autochtones est attribuable aux déterminants sociaux de la santé», poursuit le ministre Marc Miller dans son échange avec Sputnik.

Cette tragédie survient dans un contexte où les communautés amérindiennes du Canada sont plus touchées en proportion par le Covid-19 que les autres Canadiens. Les nations autochtones sont notamment aux prises avec de graves problèmes de diabète et d’obésité, ce qui peut démultiplier les risques de complications dues au coronavirus. Une étude menée par un pneumologue canadien montre que les enfants amérindiens ont jusqu’à 16 fois plus de risques de développer une maladie respiratoire que leurs compatriotes du même âge. Rappelons que le Covid-19 s’attaque souvent aux poumons.

«Avant tout, les communautés autochtones souhaitent bénéficier de soins de santé de qualité, ce qui est leur droit. Cependant, même lorsqu’ils y ont accès, il existe un scepticisme à l’égard du système de santé, et encore plus suite à des événements comme celui que nous venons de voir. Ce cycle a de graves conséquences et doit être éliminé», conclut le Bureau du ministre fédéral des Services aux Autochtones.
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