Covid-19: «J’ai connu des épidémies de grippe où on était plus bousculés que ça»

© Photo Pixabay / fernandozhiminaicelaUn homme équipé d'un gant où est inscrit la mention "Stop Covid-19"
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Face à l’afflux de patients provoqué par la pandémie de coronavirus, la rentrée scolaire et l’entrée dans l’automne, comment les médecins généralistes font-ils face? Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des Médecins de France, décrit au micro de Sputnik une situation compliquée, mais pas insurmontable.

Les cabinets de médecins généralistes connaissent une sérieuse hausse de fréquentation depuis la rentrée de septembre. Les constellations sanitaires sont alignées, entre le regain de l’épidémique de Covid-19, la rentrée scolaire et l’entrée dans l’automne, accompagnée de son lot de maladies saisonnières.

​Le nombre hebdomadaire de téléconsultations a lui aussi fortement rebondi en septembre, alors qu’il était en baisse constante de mi-mai à fin août. Actuellement, ce sont environ 250.000 actes par semaine qui sont réalisés de la sorte.

«Nous sommes clairement dans une période chaude. Nous le voyons bien lors des consultations», explique au micro de Sputnik Jean-Paul Hamon, médecin généraliste à Clamart, en région parisienne, et président d’honneur de la Fédération des Médecins de France.

Même son de cloche du côté de Karine Fournaud, secrétaire médicale dans un cabinet aux Ardennes, à Toulouse, citée par La Dépêche: «On reçoit des appels jusqu’à 19 heures le soir et au-delà. Les médecins ouvrent plus tôt et repartent plus tard.» Le quotidien toulousain note que «pour gérer la vague de patients présentant des symptômes de coronavirus sans prendre de risques, les “cas infectieux” sont reçus en fin de journée, à partir de 17h30, comme dans beaucoup de cabinets.»

Un manque d’organisation des autorités de santé?

Le regain épidémique du Covid-19 a poussé de nombreux patients à se rendre chez leur docteur. Le chiffre des nouvelles contaminations a approché les 17.000 le 3 octobre et les 12.500 le lendemain. Si le 5 octobre, Santé publique France a annoncé «seulement» 5.084 cas, les chiffres du lundi sont connus pour être sous-estimés, les délais dans les remontées des laboratoires étant plus longs après le week-end. De plus, cette augmentation du nombre de cas de coronavirus coïncide avec la saison d’automne, toujours délicate sur le plan sanitaire.

«Les gens sont enrhumés et dès qu’ils ont la goutte au nez, ils commencent à avoir peur», constate Jean-Paul Hamon.

«Les gens appellent pour un rhume ou un mal de gorge», confirme à La Dépêche Sylvie Djeras, employée dans un centre d’appels pour Doctolib. «Les employeurs les renvoient chez eux, donc ils ont besoin d’un arrêt de travail, donc il leur faut un rendez-vous chez le médecin dans la journée, explique la secrétaire. Ça se bouscule et les gens deviennent agressifs», ajoute-t-elle.

Un constat partagé par Jean-Paul Hamon, qui cite également l’exemple des écoles:

«Professeurs et chefs d’établissements mettent parfois la pression aux parents pour venir chercher leur enfant au moindre symptôme de maladie. Un tel contexte fait que l’on fait davantage appel aux médecins.»

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Pour le docteur, qui a lui-même été contaminé par le coronavirus le 15 mars et a depuis guéri, le manque d’organisation des autorités de santé face à l’épidémie n’aide pas le travail de ses confrères.

Un avis que semble partager France Moschetta, médecin généraliste à Saint-Agne, qui s’est confiée à La Dépêche: «On reçoit beaucoup d’appels de gens perdus ou inquiets.» «Ils ont par exemple été en contact avec quelqu’un de positif et n’ont pas encore reçu de message de leur CPAM, qui doit les prévenir. Ils se demandent ce qu’ils doivent faire», poursuit-elle.

«Cette incohérence généralisée rend difficile la gestion de l’épidémie. Les standards des médecins se retrouvent encombrés de coups de fil de gens qui sont perdus», se désole quant à lui Jean-Paul Hamon.

D’après lui, la situation d’encombrement des laboratoires pose particulièrement problème en termes de gestion de l’épidémie, ce qui a une incidence sur le travail de ses confrères.

Des médecins moins bien lotis que d’autres

Il pointe notamment la responsabilité de l’exécutif: «La lenteur du rendu des tests est un vrai souci. Certains résultats mettent une semaine à arriver. En attendant, des gens font appel à leur généraliste, car ils ne savent pas quoi faire. Le gouvernement n’a pas anticipé l’engouement populaire pour les tests. Les laboratoires se retrouvent saturés. Pourtant, on savait que le virus circulait toujours pendant l’été et que la rentrée allait être compliquée, avec la reprise de l’école et du travail.»

Au rythme actuel, qui voit plus d’un million de tests Covid-19 réalisés par semaine en France, ce ne sont pas moins 30 millions de tests qui auront été effectués d’ici à la fin de l’année.

​Dans un tel contexte, les médecins généralistes vont-ils pouvoir faire face? Comme le note La Dépêche, Jean Thevenot, docteur et président de l’association MOTS (Médecin Organisation Travail Santé) d’aide psychologique aux médecins, constate depuis le mois de septembre une augmentation du nombre d’appels de ses confrères «en burnout»: «Les médecins sont débordés, un peu à cause des soins et beaucoup à cause de l’organisation de ces soins. On investit beaucoup de temps pour discuter avec les patients du climat actuel morbide. On a réduit l’accès aux urgences, les gens se tournent donc vers les médecins généralistes.»

Jean-Paul Hamon assure quant à lui que «les médecins sont habitués à de tels bouleversements des conditions de travail sur certaines périodes.» «J’ai connu des épidémies de grippe où on était plus bousculé que ça», affirme-t-il. D’après lui, ce sont les médecins les moins équipés qui sont les plus susceptibles de craquer dans pareil contexte:

«Certains médecins n’ont pas les moyens d’avoir un secrétariat. Quand vous recevez sans arrêt des coups de téléphone, vous commencez à en avoir marre.»
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