En Algérie: condamné à 10 ans de prison à cause d’une page manquante dans un Coran?

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Le militant du Hirak Yacine Mebarki a été condamné à dix ans de prison ferme pour «incitation à l’athéisme, offense ou dénigrement du dogme ou des préceptes de l’Islam et atteinte à l’unité nationale». Lors d’une perquisition à son domicile, la police avait découvert un Coran dont une page avait été déchirée.

Jeudi 8 octobre, le tribunal de Khenchela a prononcé la peine et l’amende les plus lourdes contre un citoyen engagé dans le Hirak, le mouvement de contestation politique contre le système politique en Algérie. Yacine Mebarki, habitant de cette ville située à 520 kilomètres au sud-est d’Alger, a été condamné à 10 ans de prison ferme et à une amende de 10 millions de dinars (65.000 euros). Il a été interpelé le 30 septembre dernier puis, lors d’une perquisition à son domicile, les policiers ont découvert plusieurs livres religieux.

Selon le Comité national pour la libération des détenus d’opinion (CNLTD), qui a révélé l’information à laquelle n’a encore réagi aucune source officielle, les agents ont constaté qu’une page manquait d’un vieux Coran ayant appartenu à son grand-père. Le hirakiste, qui milite également pour la cause amazigh, a alors été présenté en citation directe dès le lendemain devant le juge d’instruction. Il est poursuivi pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment «incitation à l’athéisme, offense ou dénigrement du dogme ou des préceptes de l’Islam et atteinte à l’unité nationale».

Peine maximale

L’acte d’accusation aurait donc été construit autour de cette feuille déchirée. Le magistrat instructeur s’est basé sur l’article 144 bis 2 du Code pénal: «Est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 50.000 à 100.000 dinars (330 à 660 euros) et,/ou l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le Prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public.» 

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«L’atteinte à l’unité nationale» est un chef d’inculpation prévu par l’article 79 du Code pénal. Il est brandi à la face de quasiment tous les citoyens et les journalistes poursuivis depuis l’avènement du Hirak.

Mardi 6 octobre, lors de son procès, le procureur de la République avait requis une peine de 8 ans contre Yacine Mebarki. Le juge a finalement tranché deux jours plus tard en le condamnant à la sanction maximale, soit dix ans de prison ferme, prévue par l’article 79. Il est plutôt rare qu’une condamnation dépasse la peine requise par le parquet.

«Le juge n’est pas tenu de suivre le réquisitoire, mais il est de tradition que la peine prononcée soit moins importante que celle du procureur», précise à Sputnik Me Moumene Chadi, membre du collectif des avocats des détenus d’opinion. L’avocat s’interroge cependant sur l’amende exigée par le tribunal de Khenchela.

«C’est la première fois que je vois une amende aussi lourde. C’est intrigant car les articles 79 et 144 bis sur la base desquels il a été poursuivi ne prévoient pas de telles amendes. 10 millions de dinars, c’est franchement exagéré», note Me Moumene Chadi.

Sérieuse méprise

Même s’il est très actif dans la région de Khenchela, les raisons de son arrestation et de sa condamnation restent encore floues.

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Pour Me Moumene Chadi, le cas de Yacine Mebarki pourrait être lié à une campagne d’interpellations qui cible les milieux séparatistes kabyles.

«Depuis quelques jours, nous avons constaté le lancement d’une campagne d’arrestations de militants du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK). Il semblerait que Yacine Mebarki ait été arrêté dans ce cadre. Sauf que Mebarki est un militant de la cause amazigh mais il n’a rien d’un séparatiste. Si c’est le cas, il y a une sérieuse méprise.»

Le collectif d’avocat des détenus d’opinion se rendra dès la semaine prochaine à la prison de Khenchela pour rendre visite à Yacine Mebarki et se constituer en vue de le défendre en appel devant la cour de cette ville.

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