Attaque du commissariat de Champigny: «l’urgence est de ne pas reculer sur des territoires» de reconquête républicaine

© SputnikDes vitres de voitures brisées lors de l’attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne dans la nuit du 10 au 11 octobre 2020
Des vitres de voitures brisées lors de l’attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne dans la nuit du 10 au 11 octobre 2020 - Sputnik Afrique
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Stanislas Gaudon, secrétaire national du syndicat Alliance Police, fait partie de la délégation syndicale qui sera reçue cette semaine au ministère de l’Intérieur puis à l’Élysée pour parler des violences anti-policières. Il revient pour Sputnik sur les deux dernières attaques à l’encontre des forces de l’ordre perpétrées le weekend passé.

Jusqu’où iront les violences contre les policiers? L’attaque perpétrée contre le commissariat de police de Champigny-sur-Marne dans la nuit du samedi 10 au dimanche 11 octobre n’est que le dernier épisode violent d’une suite d’agressions plus ou moins graves commises à l’encontre des forces de l’ordre.

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Dans un climat de défiance de plus en plus délétère entre la police et une partie de la population, la situation s’envenime et semble atteindre un point de non-retour. Le manque de moyens matériels alloués à la police depuis plusieurs années, récemment pointé du doigt par le journaliste Valentin Gendrot dans son livre Flic (Éd. Goutte d’Or), n’arrange rien.

Stanislas Gaudon, secrétaire national du syndicat Alliance Police nationale, dénonce également au micro de Sputnik une absence de fermeté dans la réponse pénale face à ces faits de violence. Entretien.

Sputnik: Comment en est-on arrivé à un tel niveau de violence envers les policiers?

Stanislas Gaudon: «Ces faits de violence à l’encontre des policiers ne datent évidemment pas d’aujourd’hui. Cela fait plusieurs années que l’on constate que les violences contre les forces de sécurité sont en augmentation, et notamment les violences avec arme. Le fait est que ces problèmes n’ont jamais été traités à la racine. L’outrage à agent, par exemple, n’est pas comme on l’entend parfois un "délit mineur". Je rappelle que dans le code pénal, cela équivaut à un an d’emprisonnement.

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Aujourd’hui, les individus qui commettent ces violences sont une minorité mais ils sont capables de réaliser des guets-apens ou des attaques en bande organisée au mortier! Ils risquent des peines allant de 3 à 7 ans d’emprisonnement, voire plus si ces violences entraînent des blessures graves ou des décès. Le message de la réponse pénale a été complètement dévoyé par des peines alternatives ou des rappels à la loi.

Les gens doivent savoir qu’on ne peut pas insulter un policier, lui cracher dessus, l’outrager, et encore moins porter atteinte à son intégrité physique. Le policier doit être sanctuarisé pour être respecté.»

Sputnik: Le problème serait donc lié à un "sentiment d’impunité"?

Stanislas Gaudon: «Ce n’est même pas un sentiment, c’est une réalité qui s’est peu à peu instaurée. L’insécurité est en lien avec l’impunité réelle. À partir du moment où la sanction pénale n’est pas appliquée avec sévérité, l’insécurité progresse logiquement.

La question importante avec cette attaque à Champigny-sur-Marne porte sur l’âge des assaillants. Et on en vient à une interrogation sur la réforme pénale des mineurs: l’excuse de la minorité doit-elle être maintenue? Aujourd’hui, certains mineurs de 16 ans sont capables d’exactions qui n’ont rien à envier à celles de certains adultes. Il y a la même violence, la même organisation dans la volonté d’attaquer, de blesser grièvement, voire de tuer les policiers.»

Sputnik: Vous faites partie des syndicalistes de police qui seront reçus mardi au ministère de l’Intérieur par Gérald Darmanin et jeudi à l’Élysée par Emmanuel Macron. Faites-vous confiance au gouvernement actuel pour protéger les policiers face à ces faits de violence?

Stanislas Gaudon: «Je n’ose pas imaginer que le ministre de l’Intérieur et que le Président de la République, qui ont manifestement décidé de s’emparer du sujet de la sécurité, puissent se contenter d’une simple communication sur les réseaux sociaux avec des annonces sur Twitter ou Facebook, sans rien de concret derrière. Nous attendons un cap très précis en matière de politique pénale générale.

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Le garde des Sceaux a récemment fait une circulaire pour demander de la célérité et de la sévérité en cas d’agression d’un élu: nous demandons exactement la même chose pour protéger les policiers dans l’exercice de leur fonction, ou même en dehors de l’exercice de leur fonction, car les policiers prennent des risques y compris hors service. La réponse de l’appareil d’État doit être sans concession.»

Sputnik: Peut-on simplement donner davantage de moyens aux policiers pour que la situation s’améliore?

Stanislas Gaudon: «Dans tous les sondages que l’on peut lire ces derniers mois, on constate que la population est majoritairement derrière la police et aimerait bien qu’elle puisse faire son travail sereinement tout en étant respectée.

Les procédures pénales ont donné énormément de droits aux coupables et aux complices, à l’inverse des policiers qui en sont de plus en plus privés. Cela provoque une crise des vocations au sein de la filière investigation de la police, l’un des outils majeurs pour répondre aux plaintes des victimes.

Par ailleurs, la police nationale a subi plusieurs années d’errements budgétaires, malgré un léger sursaut lors de la vague d’attentats terroristes entre 2015 et 2017. Les moyens qui ont été donnés alors se sont déjà estompés aujourd’hui. Il est donc indispensable de donner les moyens à la police nationale si l’on veut être efficace. Mais ce gouvernement hérite d’une situation vieille de 30 ans, soyons honnêtes là-dessus. Donnons également les moyens suffisants à la justice pour pouvoir appliquer les peines promptement et sereinement.»

Sputnik: Craignez-vous que le gouvernement se contente de mesures d’affichage dans les jours qui viennent?

Stanislas Gaudon: «La situation est suffisamment grave aujourd’hui pour ne pas la prendre à la légère. Des décisions fortes doivent être prises et appliquées très rapidement. Bien entendu, on ne va pas résoudre le problème de la délinquance, de la violence et de la criminalité en un claquement de doigts. L’urgence est de ne pas reculer sur des territoires où l’on voudrait que la police n’intervienne plus. C’était le cas par exemple à Champigny [le commissariat attaqué se trouve en effet en plein milieu d’un quartier dit "de reconquête républicaine", parmi les 60 quartiers du même type dénommés ainsi en France, ndlr].

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En France, on a tendance à dire que les choses ne marchent pas, mais commençons par faire appliquer l’arsenal législatif du code pénal qui existe aujourd’hui! Faisons un bilan ensuite. Nous aurons alors tout le temps de modifier certaines choses si la situation ne s’améliore toujours pas. Le message doit être très clair à l’encontre de ceux qui décident de défier et de contredire la République.»

Sputnik: Présent à Champigny hier soir, Gérald Darmanin a annoncé qu’il voulait interdire la vente de mortiers d’artifice au public. Une mesure pertinente, selon vous?

Stanislas Gaudon: «C’est une mesure qui ne va pas tout résoudre mais qui est néanmoins importante. Il faut bien sûr interdire la vente de mortiers d’artifice sur Internet en quasi libre-service. Mais plus largement, il faut interdire tous les engins explosifs et inflammables qui peuvent être utilisés à l’encontre des forces de sécurité. Cela doit être réservé exclusivement aux professionnels qui disposent, je le rappelle, de brevets pour manier ces engins.

Le côté festif et familial de ces engins, utilisés pour faire des feux d’artifice, est désormais détourné pour s’attaquer aux policiers. Cette interdiction doit donc être généralisée le plus vite possible, aussi bien sur Internet que dans des magasins spécialisés.»

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