Un écolier sur 20 victime de harcèlement scolaire: la violence est en «recrudescence dans tous les milieux»

© AP Photo / Thibault CamusDes enfants dans une école française
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Pour lutter contre le harcèlement scolaire, un député Modem vient de rendre un rapport, proposant 120 mesures visant à endiguer ce phénomène, en créant notamment un délit spécifique. L’association «Marion la main tendue» fait le point avec Sputnik sur un fléau qui peut provoquer des tragédies.

Quand aller à l’école devient un enfer.

Plusieurs drames ont rappelé que le harcèlement scolaire pouvait tuer. C’est le cas d’Evaëlle, jeune fille de 11 ans, qui a mis fin à ses jours en juin 2019 après avoir subi pendant de long mois des moqueries répétées et parfois des agressions de la part de ses camarades de classe, mais aussi d’une prof de français.

Pour tenter d’éviter de nouvelles tragédies, Erwan Balanant, député Modem du Finistère, a rendu ce mardi 13 octobre un rapport de mission gouvernementale comprenant 120 propositions pour «comprendre et combattre le harcèlement scolaire».

​Un phénomène qui touche près de 700.000 élèves chaque année en France, selon l’UNICEF. Ils représentent 12% des effectifs en primaire, 10% au collège et 4% au lycée. La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) indique que 5,6% des élèves se disaient harcelés en 2018 contre 7% en 2015. Une proportion néanmoins toujours trop importante.

700.000 élèves harcelés

Interrogée par Sputnik, Véronique Martinez, intervenante bénévole en milieu scolaire pour l’association Marion la Main tendue, note que le harcèlement scolaire a toujours existé, mais «prend une ampleur qui nous dépasse tous» avec l’apparition d’Internet et des réseaux sociaux.

«Il n’y a pas de répit pour les victimes qui sont non seulement harcelées sur le chemin de l’école, dans l’enceinte des établissements, mais également à leur domicile, alors que cela devrait être un moment de calme et de répit pour elles.»

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Le député Modem du Finistère rappelle dans son rapport que les élèves de 3e sont les plus exposés aux risques de cyberharcèlement, en raison d’un taux d’équipement plus élevé dans cette tranche d’âge. Ainsi, la moitié d’entre eux (53%) envoient plus de 100 SMS par jour, et un quart plus de 200 messages quotidiens. Et 32% d’entre eux passent quotidiennement plus de trois heures sur Internet. D’après le Centre Hubertine Auclert, «55% des élèves en situation de harcèlement sont touchés par la cyberviolence

Le rapport préconise donc de diffuser un livret sur les bonnes pratiques sur les outils numériques, mais surtout de créer un «délit spécifique de harcèlement scolaire, passible de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende en intégrant explicitement le cyberharcèlement», précise France inter.

Création d’un délit spécifique

Comment peut-on expliquer une telle violence? Pour Véronique Martinez, le «monde est devenu très violent». Elle estime même qu’il faudrait que «des cours soient administrés dès le plus jeune âge pour apprendre à bien vivre ensemble parce que les codes ont changé, les époques ne sont plus les mêmes

«Les valeurs fondamentales ont l’air de s’étioler au fur et à mesure que les années passent. La violence est en recrudescence dans tous les milieux et tous les domaines», déplore-t-elle.

Une violence en milieu scolaire qui est parfois difficilement percevable par les parents. En effet, comme l’indique le membre de l’association Marion la Main tendue, «lorsqu’un enfant ne veut pas parler, il ne parlera pas

«Même le parent le plus vigilant, le plus aimant, peut passer à côté, si un enfant a décidé de garder le silence.»

Néanmoins, quelques signaux peuvent mettre la puce à l’oreille des parents: «une perte de sommeil, un sommeil perturbé, une chute de l’appétit, des notes catastrophiques alors que l’élève obtenait de bons résultats ou un changement d’attitude», énumère Véronique Martinez.

«Attention, tous les enfants ne montrent pas ce genre de signaux. D’ailleurs pour la plupart de ceux qui ont décidé de mettre fin à leurs jours, ces enfants-là n’ont jamais rien dit, aussi proches fussent-ils de leurs parents», prévient-elle.

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Alors qu’ils traversent une période de grande souffrance, pourquoi s’emmurent-ils dans le silence? «Souvent, l’enfant se sent coupable d’avoir provoqué une situation dont il n’est pas responsable, mais il pense en son for intérieur que si la meute qui accompagne le harceleur est si nombreuse et l’humilie à tout va, c’est qu’il y a forcément quelque chose que lui a fait à la base pour mériter un traitement pareil», détaille l’intervenante en milieu scolaire.

«Il y a un sentiment de culpabilité, de honte de ne pas réussir à se sortir de cette situation, une peur de décevoir, de faire de la peine à ses parents, et aussi la peur des représailles», détaille Véronique Martinez.

Afin de sortir de cette spirale infernale, une fois que l’enfant a dévoilé ce qu’il subissait, «les parents doivent alerter l’établissement scolaire pour signaler toutes les violences et demander des comptes afin que les harceleurs soient reçus pour s’expliquer», souligne Véronique Martinez.

Peur des représailles

Et notre interlocutrice de poursuivre: «on assiste souvent à des cas de figure où les harceleurs ne se rendent pas forcément compte du mal qu’ils font parce que c’est un jeu.»

«C’est un peu la jungle, la loi du plus fort, il faut être populaire, il faut être aimé, il faut avoir le maximum de “likes” sur les réseaux sociaux, donc il faut se démarquer et se faire remarquer, tout est prétexte, même le fait de harceler, pour gagner en popularité.»

C’est pourquoi il appartient aux directeurs d’établissement d’agir en assurant la sécurité de leurs élèves, mais aussi pour prendre des mesures, rappelle Véronique Martinez. En outre, une attention particulière doit également être portée aux harceleurs qui ont «souvent besoin d’aide, eux aussi, car venant de milieux difficiles, ou d’un foyer où les violences intrafamiliales sont récurrentes

À ce titre, le député Erwan Balanant souhaite par exemple mettre en place une «prise en charge psychologique tant de l’élève harcelé que de l’élève harceleur», en renforçant les effectifs de psychologues de l’Éducation nationale et en augmentant le nombre de «référents harcèlement». Il recommande en outre d’augmenter les moyens financiers alloués au 3020, un numéro gratuit d’écoute et de signalement des situations de harcèlement scolaire.

«Un numéro que chaque enfant devrait noter dans son agenda», conclut Véronique Martinez.
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