«Une attitude absolument inhumaine»: une pétition pour aider les familles «déchirées» par l’UE

© Photo benralexander / PixabayLes parents adultes non-européens séparés de leurs enfants
Les parents adultes non-européens séparés de leurs enfants - Sputnik Afrique
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Les mesures contre le Covid-19 continuent à faire des ravages dans les familles. Éprouvés par une longue séparation due à la fermeture des frontières aux non-résidents de l’UE, des milliers de parents étrangers de citoyens européens adressent une pétition au Conseil de l’Europe. Témoignages.

Les choses bougent pour les couples non mariés séparés par la pandémie: la France a commencé à délivrer des laissez-passer aux amoureux bloqués dans différents pays. Mais la situation reste encore à la limite du supportable un peu partout en Europe pour les membres d’une famille ne résidant pas dans l’UE, coupés de leurs enfants ou de leurs parents. Près de 5.000 personnes ont signé une pétition adressée aux dirigeants de l’Union européenne qui demande «une égalité de traitement des citoyens de l’UE et des membres de leurs familles de pays tiers

Pour trouver une solution, Elena passe sa vie dans les forums

La fille d’Elena, 57 ans, vit à Barcelone. Depuis le 4 mars, elle et son mari n’ont pas pu voir leur fille unique. Comme tant d’autres, Elena devait prendre l’avion le 16 mars de Moscou pour venir fêter le trentième anniversaire de sa fille… mais, la veille de son départ, l’Espagne a fermé ses frontières.

© Photo Archives personelles d'ElenaElena n'a pas vu sa fille unique depuis le 4 mars dernier
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Elena n'a pas vu sa fille unique depuis le 4 mars dernier

Et ce n’est pas le seul heureux évènement familial qu’Elena a raté. Sa fille s’apprêtait à célébrer son mariage avec un Suisse, résidant en Andorre. Les noces devaient avoir lieu en Grèce, en octobre. Mais comme les parents russes de la mariée ne pouvaient pas venir, la cérémonie a été annulée. Les amoureux ont décidé de célébrer leur mariage en Andorre. De plus, le couple attend son premier enfant début mars prochain. Mais, comme le précise Elena «selon les lois espagnoles», elle et son mari ne pourront assister ni à ce mariage ni à l’accouchement.

«Selon les lois espagnoles, notre cas n’est pas vu comme une “nécessité extrême”. Mais qu’est-ce qu’il y a de plus important pour des parents qu’un mariage et une naissance?» s’interroge-t-elle.

Pourtant, l’annonce de mariage a déjà été publiée, tous les documents ont été approuvés, seule la date n’est pas choisie.

«De plus, j’ai un problème de santé, j’ai donc le sentiment total que toute cette situation me vole le temps que je peux passer avec ma famille au complet», déplore Elena.

La seule chose qui reste à Elena, c’est de parler à sa fille au téléphone ou par visioconférence. Elle passe son temps sur les forums pour dénicher des bribes d’information et guette le moindre changement des règles de voyage pour les membres de famille des citoyens européens.

Oxana juge la séparation «monstrueuse»

Oxana, trentenaire, habite avec sa fille en Belgique, tandis que sa famille –«maman, papa, et mon frère»– est à Ekaterinbourg, en Russie. Cette fonctionnaire du département des bâtiments et de la logistique au sein de la fondation médicale à Anvers n’a pas revu ses parents depuis janvier 2020.

© Photo Archives personnelles d'OxanaLa fille d'Oxana n'a pas vu ses grands-parents depuis janvier 2020
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La fille d'Oxana n'a pas vu ses grands-parents depuis janvier 2020
«Nous communiquons par Skype, mais cela, bien sûr, ne ressemble pas du tout à une communication en direct. Ma famille me manque vraiment», se plaint Oxana au micro de Sputnik.

Pour l’instant, Oxana n’a aucune possibilité de voir ses parents. «Les frontières sont fermées, tous les vols que j’ai réservés pour rendre visite à mes parents ont été annulés», déplore la jeune femme. Elle aurait voulu partir en Russie avec sa fille pour les vacances d’automne, mais elle a peur de se heurter à des problèmes de quarantaine à son retour en Belgique, où l’école est obligatoire.

«Mon père et ma mère n’ont pas droit d’entrer en Belgique: les autorités disent que leur visite n’appartient pas à la catégorie des voyages suffisamment importants. C’est une attitude absolument inhumaine, les familles sont déchirées», se révolte Oxana.

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Et ce n’est pas faute d’avoir écrit à de nombreuses autorités –au ministère des Affaires étrangères, au Premier ministre– mais «jusqu’à présent, personne ne nous a aidés». Un représentant du ministère belge des Affaires étrangères a affirmé à Oxana comprendre sa frustration que ses parents ne puissent pas venir en Belgique et a regretté que la Russie ne fasse pas partie des pays non membres auxquels l’UE a ouvert ses frontières. «Dans ce cas, a-t-il expliqué, seules les exceptions s’appliquent. Sur la base des informations dont nous disposons, vos parents ne sont pas couverts par les exceptions, uniquement les personnes à charge. Une visite n’est pas possible.» Point.

«Notre gouvernement [belge, ndlr] a autorisé les visites aux couples qui se connaissent depuis un an, c’est considéré comme un “motif sérieux”. Et les visites de maman et papa sont interdites, ce n’est pas un “motif sérieux”», lance Oxana, désemparée.

Pour elle, l’autorisation donnée aux couples non mariés, des «jeunes qui survivront certainement à la pandémie» face à la défense d’entrée aux «parents, grands-parents âgés», pour qui «nous ne savons pas combien de temps il nous reste à passer avec eux», est incompréhensible. «Nous sommes face à des choses monstrueuses, il est difficile d’imaginer que cela soit possible au XXIe siècle», s’insurge la jeune femme.

Les parents de Nastia, guéris du Covid-19, «auraient pu venir en toute sécurité»

Nastia vit à Lyon depuis 2008. Cette assistante gestion industrielle, qui travaille pour une entreprise de dispositifs médicaux, est mariée à un Français depuis neuf ans. Et chaque été, les parents de Nastia venaient voir la petite famille en France pour passer du temps avec leur petite-fille pendant les vacances. Sauf en 2020.

© Photo Archives personnelles AnastasiaQuelques années auparavant, Anastasia a voyagé avec ses parents à Marseille
«Une attitude absolument inhumaine»: une pétition pour aider les familles «déchirées» par l’UE - Sputnik Afrique
Quelques années auparavant, Anastasia a voyagé avec ses parents à Marseille

Au temps du Covid-19, plus de voyages, plus de vacances «ensemble à la mer, près de Montpellier». Comme pour des milliers de personnes, «tout a échoué, bien que mes parents aient eu des billets achetés en décembre dernier

«Le plus ennuyeux est que tous deux ont déjà contracté le coronavirus en mai, et ils ont guéri. Ils auraient pu venir nous voir en toute sécurité», souligne Nastia au micro de Sputnik.

Nastia a tenté le tout pour tout et a changé les billets de ses parents pour octobre, elle a «vraiment espéré» avoir ses parents «pour ces vacances d’automne». Peine perdue, les frontières restent fermées pour les parents.

«J’ai essayé d’écrire à l’ambassade de France à Moscou et au ministère français des Affaires étrangères. Hélas, partout j’ai reçu la même réponse: seuls les conjoints et les enfants mineurs de citoyens français étaient autorisés à entrer en France. Il n’y a pas d’exception pour les parents», s’attriste Anastasia.

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La jeune femme a vu ses parents pour la dernière fois début janvier 2020, «une situation très difficile à vivre» pour cet enfant unique et sa petite fille.

«Bien sûr, j’aurais beaucoup aimé qu’à titre exceptionnel, la France autorise leur entrée et commence à délivrer des visas aux parents proches. Aux parents, aux enfants adultes», assure Nastia.

Actuellement, la jeune femme se prépare à aller en Russie pour le Jour de l’An. Mais compte tenu de son travail, «c’est beaucoup plus difficile» pour elle, qui ne peut partir que deux semaines, alors que ses «parents retraités ont un temps illimité et pourraient venir pour un mois et demi

Nastia ne baisse pas les bras et avec deux autres jeunes femmes, elle a récemment adressé une pétition à Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères. Moins relayée par la communauté des «familles séparées» que celle adressée au Conseil de l’Europe, la pétition demande «à titre exceptionnel, d’autoriser l’entrée [en France, ndlr] des parents d’enfants adultes, pour permettre aux enfants de voir leurs parents et aux petits-enfants –leurs grands-parents.»

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