Non-respect du confinement: autorités «démunies» et attestations «à la limite de l’invérifiable», selon un policier

© AFP 2023 VALERY HACHEDes policiers contrôlent des passants à Nice
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Alors que Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a demandé un renforcement des contrôles lors de ce deuxième confinement, un sondage paru ce 12 novembre montre que 60% des personnes interrogées ont transgressé au moins une fois les règles. Une situation qui n’étonne pas Michel Thooris, secrétaire général de France Police –Policiers en colère.

Si vous avez circulé dans les rues de Paris depuis le 30 octobre, vous avez pu constater que ce deuxième confinement n’a rien de comparable au premier. Véhicules sur les routes et passants dans les rues se succèdent du matin au soir dans les artères de la capitale. Après tout, Emmanuel Macron avait bien annoncé la mise en place d’un confinement «a minima», censé lutter contre le Covid-19 tout en permettant à l’activité économique de continuer de tourner dans des proportions correctes.

​Michel Thooris, secrétaire général de France Police –Policiers en colère, explique au micro de Sputnik que «ce qui se passe actuellement n’a rien à voir avec ce que l’on a pu connaître lors du premier confinement»:

«Beaucoup d’individus se trouvent sur la voie publique, de nombreux véhicules de particuliers circulent sur les routes et les transports en commun continuent d’accueillir un grand nombre de Français.»

Il n’y a qu’à se pencher sur la qualité de l’air en Île-de-France pour se convaincre que cette nouvelle mise sous cloche est bien moins rigoureuse qu’au printemps. Selon des données récemment publiées par Airparif, association responsable de la surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, «les premiers jours du deuxième confinement s’accompagnent d’une baisse de seulement 20% des émissions d’oxydes d’azote (NOx), de particules fines PM10 ou de dioxydes de carbone (CO2) liées au trafic routier.» À titre de comparaison, lors de la première semaine du confinement en mars dernier, Airparif avait enregistré une chute de l’ordre de… 70%.

Confinement «light»

D’après Michel Thooris, un tel contexte «change radicalement l’approche des forces de l’ordre en ce qui concerne le respect du confinement»:

«Lors du confinement du printemps, nous pouvions filtrer la grande majorité des personnes qui étaient en dehors de leur domicile, car elles étaient peu nombreuses. Aujourd’hui, compte tenu de la masse de personnes présentes dans les rues, les forces de l’ordre ne peuvent que procéder à des contrôles aléatoires sur un nombre restreint d’individus.»

«Le gouvernement a fait le choix d’un confinement “light”, qui laisse la possibilité à de nombreux Français de sortir de chez eux. Mais il est évidemment très difficile de trier ceux qui ont une raison valable de l’être des autres», ajoute le policier.

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Pourtant, d’après les informations de France info, Jean Castex, qui doit s’exprimer ce 12 novembre concernant la suite du confinement, estime que ce dernier «est plutôt bien respecté par les Français». Un jugement qui tranche avec l’enquête réalisée par l’IFOP pour Consolab, publiée ce 12 novembre. Elle nous apprend que 60% des personnes interrogées ont transgressé au moins une fois les règles. C’est 27 points de plus que sur les six premières semaines du confinement au printemps.

Sans surprise, l’utilisation des attestations de déplacement pour d’autres motifs que ceux indiqués est la ruse privilégiée par les resquilleurs (24%). 17% des personnes interrogées ont également déclaré s’être promenées au-delà de la limite autorisée d’une heure.

Le 10 novembre, le ministre de l’Intérieur a demandé aux préfets «un renforcement» des contrôles du confinement. Il souhaite «une particulière fermeté pour faire respecter, sur le terrain, les dispositions qui concernent en priorité les rassemblements privés, les rassemblements de voie publique et la fermeture des établissements recevant du public, mais également les déplacements individuels n’entrant pas dans le champ des exceptions autorisées.»

«De nombreux Français ne voient plus l’intérêt de se confiner»

Concernant les rassemblements privés, le locataire de la place Beauvau demande «la plus grande attention quant aux personnes qui se rendent ou qui quittent ces lieux sans motif légitime en violation des règles imposées.»

​L’enquête de l’IFOP pour Consolab montre que 23% des personnes interrogées ont vu des membres de leur famille chez les uns ou les autres. Un score de 8 points supérieur à celui du premier confinement. Ils sont 20% à avoir transgressé les règles pour voir des amis et 9% pour retrouver un partenaire –ou potentiel partenaire– sexuel, soit 3 points de plus qu’au printemps. Pour Michel Thooris, «le fait que ce deuxième confinement soit régulièrement détourné est lié au manque de crédit de la parole publique»:

«Lors du premier confinement, les gens étaient en grande majorité effrayés. L’inconnu par rapport au risque réel en cas de contamination a fait que les Français se sont globalement autodisciplinés. Mais les autorités, qu’elles soient politiques ou médicales, ont tellement dit tout et son contraire ces derniers mois que dorénavant, de nombreux Français ne voient plus l’intérêt de se confiner chez eux.»

François Kraus, directeur du pôle politique et actualité de l’IFOP, explique notamment que «le respect est moins strict, les craintes pour la santé moins fortes, notamment chez les jeunes.» «Ce sentiment d’invulnérabilité chez une partie des jeunes, surtout ceux qui vivent seuls, fait qu’ils vont profiter de l’assouplissement général des règles pour continuer une sorte de sociabilité», analyse-t-il auprès de l’AFP. Un sentiment partagé par Michel Thooris:

«De nombreuses personnes de moins de 40 ans sortent, car elles se disent que le virus ne représente pas un danger majeur pour elles. Mes collègues me racontent des scènes lors desquelles des individus contrôlés leur disent: “Attendez, moi j’ai 30 ans, si je l’attrape je ne vais pas mourir, je peux sortir.”»

Michel Thooris soulève un autre problème qui risque de se poser aux forces de l’ordre, maintenant que Gérald Darmanin leur a demandé de serrer la vis: comment contrôler la véracité du discours des Français?

«Très clairement, c’est à la limite de l’invérifiable. Dès lors que l’attestation a été convenablement remplie, il est très compliqué pour les forces de l’ordre de savoir s’il s’agit d’un faux motif», prévient le policier.

Gérald Darmanin veut quant à lui que le renforcement des contrôles s’effectue notamment «sur des points de contrôles fixes, des patrouilles dynamiques ainsi que sur le contrôle des points de passage et de grands axes de déplacement.»

Moins de PV qu’au printemps

Il a en en outre annoncé ce 12 novembre que 88.455 PV avaient été dressés pour non-respect du confinement entre le 30 octobre et le 9 novembre, dont 27.094 en Île-de-France. 315 verbalisations concernent l’ouverture irrégulière d’établissements recevant du public ont également été effectuées. Dans la grande majorité, il s’agit d’amendes de 135 euros pour des déplacements individuels non autorisés.

​Là encore, la comparaison avec le premier confinement est saisissante. Au 1er avril et alors que le confinement avait débuté le 17 mars, environ 359.000 amendes avaient été dressées. Deux semaines plus tard, le chiffre montait à 760.000 contraventions.

«Le gouvernement essaie de faire rattraper aux forces de l’ordre sur la voie publique son manque de crédit. Ce n’est pas possible. Les autorités sont démunies. L’échec de la parole publique fait qu’il reste la carte répressive, dont on ne devrait pas avoir besoin. Une mesure sanitaire devrait être acceptée par l’ensemble de la population», conclut Michel Thooris.
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