Hommages à Samuel Paty: de la bataille pour la laïcité à la guerre des gauches?

© AFP 2023 BERTRAND GUAYAnne Hidalgo et ses alliés écologistes
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Les Verts réclament des excuses à la maire de Paris. Anne Hidalgo a déclenché l’ire de ses alliés écologistes en déclarant qu’ils avaient un «problème dans leur rapport à la République», lequel devrait être «clarifié». Les écologistes sont-ils coupables de complaisance avec l’islamisme? Analyse.

Anne Hidalgo a mis le feu aux poudres entre son propre camp et ses alliés écologistes à la mairie de Paris. Dans une interview donnée à BFMTV, la socialiste a ainsi considéré qu’Europe-Écologie-Les-Verts (EELV) aurait un «problème» avec son «rapport à la République», enjoignant le parti à «clarifier» cette ambiguïté.

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Le désaccord porte sur l’attribution à Paris d’une place au nom de Samuel Paty, décapité en octobre dernier par un terroriste islamiste. La maire de Paris reproche à ses alliés de ne pas s’être ralliés unanimement à cette décision, ces derniers ayant rappelé qu’un délai de cinq ans après le décès d’une personnalité est théoriquement requis pour lui attribuer une rue ou une place.

Dans L’Obs ce 23 novembre, Anne Hidalgo persiste et signe. «Je le leur dis en privé et je n’ai pas un autre discours en public. Ils ont un sujet, ce n’est pas tabou de le dire. En tant que maire de Paris, personne ne me fera adopter une position que je considère comme du relativisme culturel.»

«Les Verts sont sur un modèle différentialiste et multiculturaliste»

Un procès en «relativisme culturel» donc, mais surtout de complaisance avec l’islamisme. Interrogé par Sputnik, François Cocq, fondateur du Parti de Gauche avec Jean-Luc Mélenchon et membre de LFI jusqu’en 2018, considère que «les Verts sont bien plus œcuméniques que réellement laïques». Autrement dit, sans être complaisant avec l’islamisme, EELV aurait tendance à ménager les sensibilités de chacun, au détriment d’un projet véritablement «universaliste», si l’on en croit le transfuge de LFI.

«Les Verts n’ont absolument pas la vision de la République française telle qu’elle s’écrit depuis la Révolution de 1789. Ils sont sur un modèle différentialiste et multiculturaliste et veulent faire évoluer la société dans ce sens et l’assument pleinement», avance François Cocq au micro de Sputnik.

Il faut dire que certaines sorties des membres du parti écolo ont laissé des traces, à l’image de la sénatrice EELV Esther Benbassa à la «marche contre l’islamophobie», organisée le 10 novembre 2019 par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Une association qualifiée d’«officine islamiste œuvrant contre la République» par le ministre de l’Intérieur, qui a notifié sa dissolution en Conseil des ministres le 19 novembre dernier. Parmi les signataires de la tribune, on retrouve en effet les élus EELV Esther Benbassa, Yannick Jadot, ou encore le secrétaire national du parti à l’époque, David Cormand.

​Samedi 21 novembre, dans la foulée de la déclaration polémique d’Anne Hidalgo, Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV depuis novembre 2019, assumait totalement la participation de son parti à cette marche contre l’islamophobie. «On nous reproche aussi d’avoir participé à la manifestation en soutien aux musulmans après l’attentat terroriste qui visait des fidèles aux abords d’une mosquée à Bayonne. Disons-le clairement: nous aurions dû être plus nombreuses et nombreux!», a-t-il déclaré lors de l’ouverture du Conseil fédéral d’EELV.

«Jeu de dupes» des Verts?

Contactée par Sputnik, l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi défend elle aussi la ligne de son parti sur ce sujet sensible, réfutant toute ambiguïté sur la laïcité: «Les Verts n’ont aucun problème avec la laïcité. Nous faisons parfaitement le distinguo entre la liberté de croire et le rôle de l’État. C’est le gouvernement actuel qui n’est pas clair sur la question de l’islamisme en mettant tout le monde dans le même panier. Nous ne voulons ni des intégristes de la religion musulmane ni des intégristes de la religion catholique», argumente l’élue écologiste.

«Il y avait des gens de partout à cette marche. Tout le monde n’était pas au courant qu’elle était organisée par le CCIF. Au départ, il s’agissait surtout de montrer qu’il n’y avait pas de haine antimusulmans en France», justifie rétrospectivement Michèle Rivasi au micro de Sputnik.

De son côté, François Cocq parle ouvertement de «jeu de dupes» de la part des Verts concernant l’organisation de cette marche.

«Dans la tribune qui est sortie pour appeler à la marche contre l’islamophobie, ceux qui ont signé le texte se sont ralliés à une initiative portée de manière consciente par des tenants de l’islam politique», affirme l’ex-secrétaire national à la laïcité du Parti de Gauche.

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Joint par Sputnik, le député écologiste François-Michel Lambert, coprésident du mouvement Liberté Écologie Fraternité (LEF) et ancien membre d’EELV, estime que les Verts ont une «distance très claire vis-à-vis de l’islamisme». Mais celui qui était membre du parti de 2012 à 2015 enjoint ses anciens camarades à «revenir aux fondamentaux de ce qu’est l’écologie», à savoir «la défense de la laïcité, qui est la mise à distance du fait religieux». Pour l’élu, «l’écologie doit tenir à distance toute interférence religieuse dans sa sphère publique.»

«Les Verts ne sont pas tout à fait clairs dans leur discours sur la façon dont les religions monothéistes ont une vision de l’équilibre de la planète, qui n’est pas compatible avec une pensée écologiste», théorise François-Michel Lambert au micro de Sputnik.

Mais François Cocq considère que le problème est plus large et ne concerne pas uniquement les Verts. Banni de LFI par Jean-Luc Mélenchon lui-même après avoir été taxé de «nationaliste» dans un tweet assassin du député de Marseille, le cofondateur du Parti du Gauche estime que certains, à gauche, ont tendance à faire la confusion entre la «haine antimusulmans», laquelle relève du racisme et «doit être combattue de toutes nos forces», et l’«islamophobie», qu’il définit lui-même comme la «critique» d’une religion:

«Le problème, c’est que les Verts prêtent le flanc à la confusion entre les croyants et la religion. On doit pouvoir critiquer autant que l’on veut les religions, sans pour autant porter atteinte aux individus. C’est le débat sur l’islamophobie qui empêche la critique de la religion sous couvert de racisme.»

Une chose est sûre: sur la laïcité aussi bien que dans les querelles intestines entre socialistes et écologistes, l’union sacrée est désormais loin d’être acquise pour la gauche française.

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