«Téhéran doit revenir à un strict respect de l’accord. Si c’est pas le cas, je rejoindrai l’accord», indiquait en avril 2020 Joe Biden.
L’Iran se prépare donc à réintégrer la table des négociations avec les États-Unis. Lorsque cela arrivera, Téhéran entend disposer d’un maximum de leviers de pression.
«Avec l’arrivée de Joe Biden, Téhéran veut mettre la barre très haut pour négocier en position de force. Les Iraniens sont forts en négociations et ils mettent du poids dans la balance», analyse au micro de Sputnik Hervé Ghannad.
Une démarche «qui s’inscrit clairement dans une logique de pression vis-à-vis de l’administration Biden», estime Hervé Ghannad, professeur à la Weller International Business School.
Cette décision intervient au lendemain d’une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la France qui se sont regroupés lundi à Berlin pour discuter de l’état de l’accord. Une réunion à la suite de laquelle le porte-parole du chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, avait déclaré à Reuters que Téhéran avait «systématiquement» violé l’accord.
Un pari risqué pour Téhéran
La commande d’un nouveau réacteur à eau lourde ne risque pas de convaincre les chancelleries occidentales du contraire.
«L’Iran prend des risques et pourrait, avec des mesures de ce type, dépasser la ligne rouge diplomatique», estime le spécialiste de l’Iran.
Téhéran joue un jeu dangereux. En commandant la construction de ce réacteur, l’Iran s’expose à un maintien de la politique de pression maximale par une administration Biden qui jugerait que Téhéran est allé trop loin dans ses provocations.
Si ce scénario n’est en rien fantaisiste, il n’est toutefois pas le plus probable, juge Hervé Ghannad:
«Il y a un côté effet d’annonce. Il faudra tout de même attendre que ce réacteur soit construit.»
D’autant que, même si le site venait à être construit, il serait difficile pour Joe Biden de ne pas au moins revenir à la table des négociations.
Jake Sullivan nommé Conseiller à la Sécurité Nationale. Je parle de lui dans ma bio de #Biden (aux côtés de Blinken) car il a notamment travaillé sur négociations de l’accord sur le nucléaire avec l’#Iran. On sera très loin de la politique de Bolton avec un Sullivan aux manettes. pic.twitter.com/s1Pt4RFrNb
— Sonia Dridi (@Sonia_Dridi) November 23, 2020
De ce point de vue, la nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale de Jake Sullivan, qui est l’un des artisans de l’accord de 2015, n’est pas anodine. Les Iraniens en sont conscients et comptent bien en profiter.
Fenêtre d’opportunité restreinte
Après l’élection de Joe Biden, le Président iranien Hassan Rohani a d’ailleurs invité la future administration américaine à «rejoindre la voie de l’adhésion aux engagements internationaux et au respect du droit international». Il a également indiqué sa disposition à revenir «automatiquement» au respect intégral de ses engagements en matière nucléaire si le futur gouvernement de Joe Biden levait les sanctions imposées par Washington contre Téhéran depuis 2018.
Iran: pour comprendre combien le guide qui met en garde contre "toute ouverture diplo" avec Occident avait été dur à convaincre, relire mon papier écrit après accord nucl 2015, après ma rencontre avec Salehi, qui l'avait persuadé de négocier avec les US.https://t.co/4juIFaKi3S
— Georges Malbrunot (@Malbrunot) November 24, 2020
Mais la montre ne joue pas en faveur de Biden. Au printemps aura lieu l’élection présidentielle iranienne, qui verra possiblement arriver au pouvoir un candidat plus conservateur, comme ce fut le cas lors des législatives de juin 2020. La possibilité d’accéder à un accord diplomatique avec Washington serait alors très sérieusement compromise.