Montebourg, candidat du «bloc populiste» en 2022?

© AFP 2023 PHILIPPE LOPEZArnaud Montebourg
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Très présent médiatiquement depuis la parution de son livre L’Engagement, début novembre, l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande semble sur le point d’effectuer un retour en politique. Arnaud Montebourg pourrait-il mettre tout le monde d’accord à gauche? Analyse avec le politologue Jérôme Sainte-Marie, de l’institut PollingVox.

Ses récentes sorties médiatiques laissent planer le doute: Arnaud Montebourg se prépare-t-il pour 2022?

Dans un article paru ce 29 novembre, Le Parisien cite plusieurs proches de l’ancien ministre socialiste assurant que celui-ci «teste l’opinion» et qu’une candidature est «évidemment dans l’air». Dans Marianne le 28 novembre, c’est un autre intime qui confie «l’envie» d’Arnaud Montebourg d’y aller. L’intéressé «réfléchit sérieusement à sa candidature», lit-on.

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Dans son livre en forme de témoignage sur son expérience politique, L’Engagement (Éd. Grasset), paru le 4 novembre, l’ex-ministre de l’Économie reconnaissait déjà «réfléchir à un nouvel engagement». S’il y fustige «le règne abusif des technocrates méprisant le pays» et «l’austérité indûment infligée aux gens qui n’ont que leur travail pour vivre», celui qui s’est lancé en 2018 dans la production locale de miel laisse aussi la porte ouverte à un retour en politique. Le voici déjà plaidant pour un ambitieux «retour aux principes d’un raisonnable gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.»

Si l’on en croit les propos grandiloquents de l’ex-candidat à la primaire socialiste de 2017, ce retour en politique ne devrait pouvoir prendre corps qu’à l’aune d’un destin présidentiel. Dans le Journal du dimanche 1er novembre, il confiait ainsi qu’un «nouvel engagement […] ne pourra avoir lieu que sur une base plus ambitieuse politiquement, plus exigeante intellectuellement.» «Les idées que j’ai portées depuis longtemps sont devenues centrales et majoritaires dans notre pays. Il va bien falloir les mettre au pouvoir!», affirmait alors M. Montebourg.

Embouteillage de candidatures à gauche

Un obstacle de taille barre pourtant l’hypothétique chemin présidentiel d’Arnaud Montebourg: la pléthore de candidatures potentielles à gauche, à commencer par la première déclarée, celle de Jean-Luc Mélenchon. Les deux hommes tombent en effet d’accord sur de nombreux points: protectionnisme, localisme, euroscepticisme, interventionnisme économique, relance de l’industrie française, transition écologique, etc. Joint par Sputnik, Jérôme Sainte-Marie, politologue et président de l’institut PollingVox, constate que le leader de la France insoumise «n’aurait aucune raison de se retirer au profit d’Arnaud Montebourg.»

​Une possible candidature de l’ancien ministre du Redressement productif risquerait ainsi de faire doublon avec celle du leader de La France insoumise, fracturant un peu plus un électorat déjà très éparpillé, si l’on en croit les récents sondages.

​Selon le HuffPost, Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon se sont rencontrés de manière informelle en septembre. La possibilité d’une alliance a-t-elle été abordée? Rien n’a fuité de cette réunion, et les déclarations d’intention d’Arnaud Montebourg auraient plutôt tendance à confirmer l’hypothèse d’une campagne en solitaire.

Pour Jérôme Sainte-Marie, le député de Marseille est toutefois le mieux placé à gauche à l’heure actuelle:

«Jean-Luc Mélenchon cumule plusieurs avantages: il a déjà été candidat, il est à la tête d’un parti, il dispose de fonds nécessaires pour faire campagne et il a une clientèle électorale importante, avec des intentions de vote situées aujourd’hui autour de 10%, ce qui fait tout de même beaucoup de monde», pointe le président de PollingVox au micro de Sputnik.

À l’inverse, toujours pour le politologue, «Arnaud Montebourg a des positions très critiques sur l’Europe, lesquelles seraient un élément de clivage au sein de la gauche». Un argument d’ailleurs également valable pour Jean-Luc Mélenchon.

«Faire passer la France avant l’Europe»

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Le point de dissensus le plus évident entre les deux anciens socialistes concerne probablement l’islam politique. Là où Jean-Luc Mélenchon est souvent attaqué sur le sujet, de la laïcité, certains ministres comme Jean-Michel Blanquer ou Gérald Darmanin n’hésitant pas à accuser LFI d’«islamogauchisme», Arnaud Montebourg tente de son côté d’afficher sa fermeté. Sur Europe 1 le 22 novembre dernier, celui-ci appelait ainsi à «démanteler l’islamisme politique dans notre pays». L’ancien ministre s’est même aventuré sur le thème des frontières, se disant ainsi «favorable à ce que les États européens reprennent le contrôle de leurs frontières, parce que c’est l’exercice de leur souveraineté et de leur liberté» et appelant à «faire passer la France avant l’Europe comme les Allemands font passer l’Allemagne avant l’Europe».

Un «populiste dont on ne voit pas la cohérence»?

De là à dire que Montebourg pourrait grappiller des voix à droite? Sur ce point, Jérôme Sainte-Marie se montre sceptique.

«Arnaud Montebourg doit encore s’exprimer sur la question migratoire. On ne sait rien, par exemple, de sa position sur l’immigration clandestine, qui est pourtant un sujet important pour l’opinion. Sur l’immigration, il lui sera difficile de séduire à droite sans sacrifier ses chances à gauche», analyse le politologue Jérôme Sainte-Marie.

Taxé de «populiste dont on ne voit pas la cohérence» par Manuel Valls dans un entretien au Point ce 26 novembre, Montebourg ne manque pourtant pas d’atouts. Sa ligne souverainiste et «populaire», pour reprendre la terminologie imaginée par Jérôme Sainte-Marie dans son livre Bloc contre bloc: la dynamique du Macronisme (Éd. du Cerf), pourrait bien réussir à l’ancien ministre socialiste.

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Arnaud Montebourg pourrait-il alors être le chantre du «bloc populiste», par opposition au «bloc élitaire» et libéral représenté par Emmanuel Macron? Le politologue reconnaît que «depuis le début de la crise sanitaire, Arnaud Montebourg se retrouve en phase avec l’opinion sur les sujets qu’il porte depuis toujours et sur lesquels il est crédible: la probité en politique, la démondialisation ou encore le produire local». Mais le tableau n’est pas si rose:

«Montebourg devra néanmoins rassembler un camp, la gauche, fondamentalement divisée sur le fond. Par ailleurs, le paysage politique est très occupé et il n’a pas forcément de dispositif solide pour mener campagne. Enfin, il a déjà une image assez ancienne, il reste très identifié au Parti socialiste. S’il assume une ligne populiste, une partie de la gauche ne pourra pas le rejoindre», nuance Jérôme Sainte-Marie.
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