Mélenchon propose un retour de la conscription: pourra-t-il réparer «la plus grande erreur du dernier demi-siècle»?

© AFP 2023 IAN LANGSDON / POOLSoldats français
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Jean-Luc Mélenchon s’est dit favorable à un retour de la conscription, appelant à la création d’une «défense populaire passive et armée». Fausse bonne idée ou moyen efficace de renforcer la cohésion nationale? Réponse avec François Bert, fondateur de l’École du discernement et ancien officier parachutiste de la Légion étrangère.

Faut-il rétablir le service militaire obligatoire? Éternel serpent de mer depuis sa suspension en 1997 par Jacques Chirac, le sujet est une nouvelle fois mis sur la table. Plus étonnant en revanche, la proposition ne vient pas de la droite, mais de Jean-Luc Mélenchon lui-même. L’annonce risque bien de ne guère faire l’unanimité dans son camp. Mais dans un pays où neuf Français sur dix semblent faire confiance à l’armée, selon une étude Odoxa/Dentsu d’octobre 2018, l’idée n’est pas sans utilité. 

Dans un entretien donné à L’Opinion ce 29 novembre, le leader de La France insoumise (LFI) se dit ainsi «partisan de la conscription», rappelant qu’il avait été «opposé au fait qu’elle soit suspendue». Le député de Marseille prône ainsi la création de ce qu’il appelle une «défense populaire passive et armée.»

«Je ne suis pas certain que tous les Insoumis soient d’accord avec moi. […] Il y aurait besoin d’un effort collectif. On ne peut pas se payer la réparation de la France au prix du marché. Donc, on sera obligé de demander la contribution des jeunes Français», plaide Jean-Luc Mélenchon.

L’évolution des différentes versions du Rafale porte essentiellement sur l’avionique et l’armement. La version F3-R optimise ses capacités de «supériorité aérienne, la frappe tous temps dans la profondeur, l’appui aux troupes au sol ou encore le traitement d’objectifs d’opportunité», selon le ministère des Armées. - Sputnik Afrique
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N’est-ce pas contraindre des soldats de métier à une activité de «gardiennage» des plus jeunes? Au contraire, pense François Bert, ancien officier parachutiste de la Légion étrangère reconverti dans le conseil en management, qui y voit un «rite de passage absolument indispensable en termes de formation de caractère pour les plus jeunes». Pour notre interlocuteur, qui a publié l’essai Le temps des chefs est venu (Éd. Edelweiss), un retour au service militaire obligatoire serait ainsi «une très bonne idée». Pour lui, son abandon étant «la plus grande erreur du demi-siècle». «Dans un contexte où tout se délite, il est nécessaire d’y avoir recours. L’armée doit conserver sa structure ainsi que ses habitudes opérationnelles, mais doit aussi renforcer et élargir son dispositif de formation», assure-t-il au micro de Sputnik.

Un «rite de passage absolument indispensable»

Les arguments en faveur du retour de la conscription sont connus et ne datent évidemment pas d’hier. Ce mardi 1er décembre sur LCI, l’eurodéputé RN Gilbert Collard avançait ainsi deux arguments en faveur du service national: «une mixité nécessaire à la nation» permettant le «brassage social de toutes les classes», ainsi que «l’apprentissage d’une forme de discipline.»

Un argument que précise François Bert:

«La patrie, ce n’est pas simplement un bout de papier ou un tissu tricolore. C’est une communauté d’art de vivre et une capacité à se tirer vers le haut collectivement. L’effort commun au profit d’une cause qui nous dépasse permet de souder la nation.»

Si l’idée d’un service national comme «socle de la nation» ou comme «creuset socio-culturel» est souvent reprise par les politiques en mal d’inspiration, est-ce pour autant son sens initial?

«Créer des vocations»

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Adoptée en 1798 par la loi Jourdan-Delbrel, la «conscription universelle obligatoire» s’inscrivait alors dans un contexte politique particulier, la chute de Robespierre en 1794 obligeant la France à ouvrir son armée, jusque là composée uniquement de professionnels. C’est cette armée de conscrits qui alimentera notamment les troupes napoléoniennes à partir de 1804.

François Bert rappelle d’ailleurs à ce titre que «la conscription était historiquement un réservoir de recrutements potentiels: beaucoup ont basculé dans cet univers qu’ils ont découvert grâce au service national.»

«La conscription permettait bien sûr de mélanger plusieurs milieux sociaux, mais aussi de mettre au contact des armées des jeunes gens de grande qualité. […] Quelle meilleure défense pour une nation que d’avoir un peuple capable de se dresser collectivement avec un esprit de combattant?»

D’autant plus que «l’armée française a des difficultés de recrutement», pointe notre interlocuteur. D’après les derniers chiffres communiqués par le ministère de la Défense, 30% des nouvelles recrues quittent l’Armée de terre dans les six premiers mois de leur engagement.

En septembre dernier, l’Armée de terre lançait sa campagne annuelle de recrutement, dans l’objectif espéré d’attirer environ 16.000 jeunes dans ses rangs afin de compenser départs à la retraite et démissions en cascade. «L’enjeu est donc aussi de renouveler les troupes en créant des vocations» soulève François Bert, qui précise qu’au sein de sa promotion à l’école militaire de Saint-Cyr, «près d’un tiers ont quitté l’armée parce qu’ils ne voyaient plus de sens à leur engagement.»

Un élargissement de la conscription à la police?

Dans l’entretien qu’il donne à L’Opinion, Jean-Luc Mélenchon confère néanmoins un sens différent à ce service national, qu’il nomme «conscription citoyenne». S’il cite le «dérèglement climatique» comme menace immédiate justifiant un retour à la conscription, le chef des Insoumis aimerait également l’élargir à la police, très décriée actuellement sur fond de violences et de bavures. «Cela changerait le regard de la population sur sa police et changerait les pratiques internes de celle-ci. Le racisme et la violence y reculeraient», avance ainsi l’ancien ministre de Lionel Jospin.

François Bert, lui, se dit «moins favorable à cette idée», la police étant pour lui «très exposée sur des problèmes quotidiens». Le fait que la police soit déjà sursollicitée compliquerait la tâche des formateurs, si l’on en croit notre interlocuteur. Ce dernier plaide néanmoins pour des «rapprochements» entre la Grande muette et la police nationale, notamment en ce qui concerne le processus de formation.

«Il faudrait que la police puisse avoir des rites initiaux de cohésion et de dépassement collectif d’inspiration militaire dans la formation. Mais la police en elle-même ne doit pas être un lieu de conscription, car cela ne correspond pas à son fonctionnement et à ses missions.»
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