Irak: «on ne peut pas réduire la résurgence de Daech uniquement au facteur du retrait américain»

© AP Photo / Hadi MizbanLes forces australiennes et néo-zélandaises de la coalition participent à une mission de formation avec des soldats de l'armée irakienne, en Irak. Avril 2019
Les forces australiennes et néo-zélandaises de la coalition participent à une mission de formation avec des soldats de l'armée irakienne, en Irak. Avril 2019 - Sputnik Afrique
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Le secrétaire général de Peshmerga au Kurdistan irakien a dénoncé au micro de Sputnik le retrait des troupes américaines que prône toujours Donald Trump. Pour le responsable kurde, cela contribuera au renforcement de Daech*. Adel Bakawan, spécialiste de l’Irak, estime pourtant que les terroristes pourraient plutôt profiter du délabrement du pays.

Étymologiquement, le terme «peshmerga», originaire du persan, signifie «qui est au-devant de la mort». Mais affronter la mort en face, les Peshmergas –l’armée de défense du Kurdistan irakien– ne l’ont que trop fait face à Daech*. Au prix de pertes humaines et matérielles considérables.

Au micro de Sputnik France, Jabbar Yavar, le secrétaire général de Peshmerga au Kurdistan irakien, tire la sonnette d’alarme: le retrait progressif des troupes américaines, et donc de la coalition, amènera mécaniquement à une résurgence de Daech*.

«Le retrait de la coalition internationale, notamment l’armée américaine, de l’Irak va impacter la capacité des forces irakiennes à résister aux attaques des terroristes. Sans le soutien aérien américain, il n’est pas évident que les troupes irakiennes y parviennent», explique le militaire.

Pour lui, la portée internationale de l’organisation terroriste Daech* nécessite une réponse transnationale:

«Daech* n’est pas une organisation terroriste locale, mais internationale. Ils activent non seulement en Irak ou en Syrie, mais aussi en Libye, en Égypte, dans certains endroits du Yémen. Ils commettent souvent des attentats en Europe. L’Irak seul ne peut résister à leur force. Les djihadistes sont toujours financés depuis l’étranger et des volontaires des quatre coins du monde continuent à les rejoindre.»

Pour Adel Bakawan, spécialiste de l’Irak et directeur du département de recherche de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo), la présence des Américains en Irak n’est pas la panacée, il en veut pour preuve l’histoire du groupe:

«On ne peut pas réduire la résurgence de Daech* uniquement au facteur du retrait américain. La genèse de Daech* en tant qu’entité organisationnelle précède le départ ou la présence des États-Unis en Irak. Daech* a une longue histoire dans le pays.»

Au micro de Sputnik, Adel Bakawan insiste sur le fait qu’entre 2003 et 2009, il y avait «au moins 150.000 soldats américains sur le sol irakien». Et pourtant, «c’est pendant cette période-là que les mouvements djihadistes ont atteint un pic dans leurs actions».

Une situation socio-économique désastreuse

La mission de maintien de la sécurité serait déjà compliquée dans un pays économiquement stable, mais l’économie irakienne est actuellement en lambeaux. L’accès à l’électricité, au pain, et plus largement aux denrées et services nécessaires à la survie des individus est compromis.

Deuxième pays producteur de pétrole de l’OPEP, l’Irak a également gravement souffert de la chute des prix du brut cette année. Cette situation contribue à créer un terreau fertile pour les groupes terroristes, et Daech* en particulier.   

«La détérioration de la situation économique en Irak, en plus des conflits et des désaccords entre les blocs politiques, a permis, dans une certaine mesure, à Daech* de mener plusieurs opérations réussies dans le pays. Lorsque l’Irak fera face à ses problèmes, il pourra enfin éradiquer le terrorisme sur son propre territoire», alerte le responsable de Peshmerga.

Le chercheur Adel Bakawan estime quant à lui que le combat pour une meilleure situation socio-économique, voire politique, prévaut sur le soutien militaire américain dans la lutte contre Daech*

«Jabbar Yavar est un militaire et donc la question de la sécurité est, pour lui, déterminante. Pour moi, l’aspect sécuritaire n’est pas le facteur central expliquant la résurgence de Daech*. Ce sont les conditions sociales, économiques et politiques qui font que Daech* se propage dans les territoires sunnites en Irak», estime-t-il.
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Depuis plusieurs mois, les États-Unis sont dans une logique de retrait de ses troupes stationnées en Irak, Afghanistan et en Somalie. La dernière annonce à ce propos a eu lieu en novembre.

Donald Trump avait déclaré qu’il voulait accélérer le repli des militaires américains déployés dans ces pays en réduisant le nombre de soldats sur place à la mi-janvier 2021. Une politique plutôt souhaitée au sein de la population américaine, compte tenu de l’impopularité des guerres menées au Moyen-Orient. 

Joe Biden défavorable à un retrait complet

L’avenir de la présence américaine se trouvera tout de même dans les mains de la future administration Biden qui, pour le moment, est resté imprécis sur le sujet. Dans une longue tribune à la revue Foreign Affairs, celui-ci était revenu sur sa stratégie au Levant:

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«Il est temps de mettre fin aux guerres éternelles qui ont coûté aux États-Unis du sang et un trésor indicible. Comme je l’ai longtemps soutenu, nous devrions ramener la grande majorité de nos troupes au pays après les conflits en Afghanistan et au Moyen-Orient et définir de manière étroite notre mission comme étant de vaincre Al-Qaïda* et l’État islamique*.»  

Mais comme l’expliquait à Sputnik Gérald Olivier, spécialiste des États-Unis, vu les positions prises par l’entourage de Joe Biden sur les questions de politique étrangère, les troupes américaines ne partiront pas demain d’Irak. Jabbar Yavar peut être rassuré.

*Organisation terroriste interdite en Russie.

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