Ni gauche, ni droite, ni Marine Le Pen: le Parti localiste sèmera-t-il le trouble au RN?

© AFP 2023 CHARLY TRIBALLEAUHervé Juvin, Marine Le Pen et Jordan Bardella
Hervé Juvin, Marine Le Pen et Jordan Bardella - Sputnik Afrique
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Deux proches de Marine Le Pen, l’ancien conseiller régional LFI Andréa Kotarac et l’eurodéputé Hervé Juvin, lancent le Parti localiste. Un mouvement qui veut défendre la France des territoires et le produire local contre la «technostructure parisienne», nous explique Hervé Juvin.

«Notre idée, c’est que le localisme doit être le fondement même de l’offre politique.» Cette petite phrase ferait presque office de manifeste pour le mouvement politique lancé par Hervé Juvin et Andréa Kotarac, le Parti localiste.

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Le premier, ancien conseiller de Corinne Lepage, essayiste et homme d’affaires, est député européen depuis juillet 2019. Il siège au sein du groupe Identité et Démocratie (ID) dont est membre le Rassemblement national avec ses alliés européens. Le second est un jeune transfuge de La France insoumise. Il a quitté le parti de Jean-Luc Mélenchon en pleine campagne européenne en mai 2019 pour rejoindre les rangs du RN. Il en a été tête de liste à Lyon lors des dernières élections municipales.

La gestion par l’exécutif de la crise sanitaire depuis mars dernier ne serait pas totalement étrangère au lancement de cette structure politique:

«Nous constatons une volonté des Français de reprendre le contrôle sur ce qui arrive près de chez eux, car ils ont le sentiment d’être dépossédés. Il y a ce sentiment d’une technocratie parisienne globaliste totalement inconsciente de ce qu’il se passe dans les territoires et dans la vie des gens», analyse Hervé Juvin.

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Vers une disparition des petites et moyennes entreprises

Hervé Juvin s’inquiète de ce que «les dispositions qui ont été prises par le gouvernement» face au Covid aboutissent à la disparition du «monde des indépendants et des petits commerçants au profit des monopoles et des multinationales». Pour l’eurodéputé, «il est en train de se passer pour le monde des petites et moyennes entreprises ce qu’il s’est passé pour les classes moyennes, lesquelles ont été totalement laminées par la mondialisation avec la disparition des emplois industriels.»

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Si l’on en croit l’essayiste, la solution viendrait nécessairement d’un retour au localisme, c’est-à-dire aux pratiques traditionnelles, ancrées dans un territoire, attachées à des circuits de distribution plus enracinés. «La diversité des cultures, des modes de faire, des habitudes et des terroirs est consubstantielle de l’identité et de la richesse de la France», théorise Juvin. Qui fait donc le constat d’échec du «pacte girondin» promis par Emmanuel Macron devant les parlementaires réunis au Congrès au tout début de son mandat, en juillet 2017. 

Le Président de la République dénonçait à l’époque une «centralisation jacobine» traduisant «trop souvent la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir». Il promettait «de trouver ensemble les moyens d'adapter nos politiques aux réalités locales et de donner davantage de latitude aux collectivités territoriales». Las, la crise sanitaire est passée par là, rappelant la toute-puissance de l’État centralisateur, estime notre interlocuteur: «Le traitement du Covid a accéléré ce phénomène: les dispositions valables pour les grandes villes et les métropoles ont été largement inadaptées à des endroits du territoire encore enclavés.»

«Écologie punitive» contre «écologie enracinée»

En vantant le produire et le consommer local, le mouvement lancé par MM. Juvin et Kotarac ne ressemble-t-il pas à une microstructure de plus dans un paysage écolo déjà saturé en partis et miné par les querelles intestines?

Interrogé à ce sujet, Hervé Juvin veut distinguer «deux types d’écologie». D’une part: «Une écologie punitive, qui attire les grands groupes à coups de centaines de millions dépensés.» D’autre part: «L’écologie enracinée, qui est l’économie de la joie de vivre des biens communs et de la satisfaction d’une nature belle, riche et vivante.» «C’est cette écologie-là que nous essayons de promouvoir», plaide-t-il.

L’essayiste n’a pas de mots assez durs pour qualifier la politique des Verts, qui risquerait, d’après lui, d’«éloigner les gens de l’écologie». Au point d’imaginer une collusion entre «l’écologie punitive» et le grand capital?

«La rapidité avec laquelle les prétendus “Verts” adhèrent à l’idée du référendum d’Emmanuel Macron sur le changement de la Constitution est sidérante. Il s’agit en réalité d’une écologie pilotée d’en haut, de préférence avec la complicité des grands monopoles et des grandes multinationales qui se fichent totalement du territoire. On va faire tomber sur la tête des gens des normes et des lois sans rapport avec la réalité du territoire en étant persuadés de faire le “Bien”», s’emporte Hervé Juvin.

Reste un point à éclaircir: s’il refuse clairement d’être affilié aux Verts ou à l’écologie à la sauce Greta Thunberg, où faut-il classer politiquement le Parti localiste?

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Réputé proche de Marine Le Pen, Hervé Juvin est à l’origine de l’inflexion du discours de la présidente du Rassemblement national en faveur de l’écologie et du localisme. D’ailleurs, la présidente du RN a cité l’intellectuel lors de son discours de clôture de l’université d’été du parti à Fréjus, en septembre 2019, évoquant «la logique du “localisme”, cette révolution de la proximité qui est la pierre angulaire de notre projet, cette révolution qui nous conduit à initier ce que Hervé Juvin appelle la civilisation écologique».

S’il admet que, aujourd’hui, «aucun parti n’est réellement décentralisateur», Hervé Juvin préfère parler de «différence de sensibilité» plutôt que d’«opposition» avec le parti de Marine Le Pen, réputé nationaliste et donc centralisateur. Pourtant, son initiative s’inscrit dans la rhétorique d’une troisième voie qui n’est pas neuve à la droite de la droite:

«Nous ne sommes certainement pas un mouvement de droite: sur le plan de l’écologie et de la vraie décentralisation, nous rejoignons des sensibilités originellement de gauche. Mais désormais, la différence se fait entre les globalistes et les enracinés, entre les technocrates parisiens et ceux qui restent ancrés dans un territoire local, entre ceux qui sont hors sol et ceux qui sont “quelque part”. Or on constate que la plupart des états-majors des partis sont constitués de personnes hors sol», accuse encore Hervé Juvin.

À l’en croire, le Parti localiste n’entend pas faire de la figuration dans le paysage politique, et encore moins servir de caution intellectuelle au Rassemblement national. Dans Le Parisien du mardi 15 décembre, les deux hommes n’excluent pas de présenter des candidats aux élections départementales ou régionales de juin. Sur des listes RN ou en leur nom propre? «Toutes les options sont possibles», glissent-ils.

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