Covid-19: le professeur Perronne, soutien de Didier Raoult, licencié pour ses propos sur la crise

© REUTERS / BioNTech SE 2020, all rights reserved/Handout via REUTERSVaccin de Pfizer/BioNTech contre le Covid-19 (archive photo)
Vaccin de Pfizer/BioNTech contre le Covid-19 (archive photo) - Sputnik Afrique
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Christian Perronne a été démis de ses fonctions de chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré dans les Hauts-de-Seine. Soutien de Didier Raoult, il a payé cher ses prises de position sur la crise du Covid-19. Le célèbre professeur a notamment déclaré que les malades représentaient «une aubaine financière».

Alors qu’il était déjà dans le viseur de l’Ordre des médecins et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis des mois, le couperet vient de tomber pour le Pr Christian Perronne. À la suite d’un entretien avec Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, il a été démis le 17 décembre de ses fonctions de chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, dans les Hauts-de-Seine.

«Depuis plusieurs mois, dans un contexte de crise sanitaire, le Pr Christian Perronne a tenu des propos considérés comme indignes de la fonction qu’il exerce. Le collège de déontologie avait été saisi et l’avait souligné dans un avis qui avait été remis à l’intéressé qui n’en a pas tenu compte», a expliqué l’AP-HP dans un communiqué.

Avant de nous intéresser à ce qui a déclenché le courroux des autorités, attardons-nous sur ce personnage, un habitué de la controverse. Ce spécialiste de la maladie de Lyme explique notamment que l’explosion «cachée» de cette infection trouverait son origine dans la prolifération non contrôlée de tiques modifiées lors d’expériences de guerre bactériologique.

«L’armée américaine et les scientifiques sous sa coupe ont tout intérêt à cacher l’épidémie, puisqu’ils l’ont causée ou cautionnée», expliquait le professeur, cité par le JDD, en 2016.

Ces prises de position lui avaient valu de nombreuses critiques de ses confrères, dont un certain… Didier Raoult. En novembre 2016, ce dernier se fend d’une tribune dans Le Point dans laquelle il attaque Christian Perronne, qui «a même convaincu un grand hebdomadaire qu’il existait un complot tendant à dissimuler (pour quelle raison?) l’ampleur du désastre.»

Un livre-choc et une tournée médiatique remarquée

Quatre ans plus tard, les deux hommes se retrouvent pourtant sur la même longueur d’onde, notamment en ce qui concerne le traitement du Covid-19 par l’hydroxychloroquine, cheval de bataille du professeur Raoult. Depuis le début de la crise, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection répète que son traitement fonctionne bien contre le Covid-19, malgré certaines études qui sont venues le contredire. Il a trouvé un défenseur en la personne du Pr Perronne, qui y est même allé de sa propre étude controversée pour démontrer l’efficacité de la thérapie prônée par le professeur marseillais, le projetant au cœur de la tempête.

​En juin dernier, Christian Perronne assurait la promotion de son livre Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise (Éd. Albin Michel), un brûlot contre la gestion de la crise du Covid-19 par les autorités. Il a alors fait plusieurs déclarations fracassantes, dont une très remarqué en juin dernier sur BFMTV. Le professeur affirmait que si l’hydroxychloroquine avait été utilisée sur tous les patients atteints de Covid-19, «on aurait pu éviter 25.000 morts».

«On peut comparer les chiffres de la mortalité à Marseille et dans le reste de la France. Si l’on prend les malades hospitalisés, on a 20% de mortalité. À l’IHU de Marseille [où officie le Pr Raoult NDLR], ce chiffre tombe à 3%», expliquait alors le chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré.

Le spécialiste était même allé jusqu’à s’en prendre aux médecins du CHU de Nantes, accusés d’avoir «laissé crever [son] beau-frère» en refusant de lui administrer un traitement à base d’hydroxychloroquine. Pour le Conseil national de l’Ordre des médecins, c’en était trop.

Le conseil de l’Ordre, «alerté par les propos tenus dans de nombreux médias par le Pr Christian Perronne, a saisi le conseil départemental de l’Ordre des médecins des Hauts-de-Seine». «Il lui a été demandé de se saisir et d’instruire le dossier du Pr Perronne et d’informer le CNOM des suites qui seront données», poursuivait l’organisme.

Une première attaque qui n’a pas fait changer de cap Christian Perronne. En octobre, il a déclenché une nouvelle polémique en affirmant que les services de réanimation toucheraient le «jackpot» en gardant «longtemps» des patients atteints du Covid-19. Faisait-il référence à la tarification à l’acte mise en place en 2007, qui conduit mécaniquement un service gardant plus longtemps des patients à facturer plus d’actes médicaux? Difficile de se prononcer. Le professeur dénonçait aussi le fait qu’«un médecin généraliste qui déclare un test Covid positif pour l’un de ses patients, […] touche de l’argent» en plus de la consultation.

Très critique sur les vaccins

Ces propos avaient été jugés «regrettables» par le ministère de la Santé. Ce dernier avait alors expliqué que ce système venait rémunérer une consultation plus longue, avec «annonce de la positivité du test Covid, prescription des tests pour les cas contacts proches (personnes résidant au domicile du patient), rappel des gestes barrières au patient, enregistrement du patient et de ses cas contacts.»

Un hôpital (image d'illustration) - Sputnik Afrique
L’AP-HP met fin aux fonctions d’un chef de service «pour des propos indignes», dont sur la chloroquine

Quant à l’intérêt de garder les patients en réanimation, le ministère de la Santé a mis en avant une «contrainte pesant sur les services de réanimation» qui est telle «que les réanimateurs doivent conserver une gestion très fluide de leurs lits.»

Bref, bien que le ministère ait au moins en partie justifié les surtarifications accordées aux généralistes et les séjours longs en réanimation dénoncés par le Pr Perronne, il a regretté que les affirmations de ce dernier «ne reposent sur aucun élément tangible» et «traduisent la remise en cause, par un médecin, de la déontologie et de l’éthique des équipes médicales et soignantes.»

Le Pr Perronne s’est défendu de toute attaque contre les médecins et a assuré viser «les autorités». Trop tard pour la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT), pour qui ces propos ont contribué à son éviction de ses fonctions de vice-président et de président du conseil scientifique.

À l’instar de son confrère Didier Raoult, lui aussi poursuivi par l’ordre des médecins, notamment pour «charlatanisme», Christian Perronne est critique vis-à-vis de la prochaine arrivée de vaccins contre le Covid-19. Initialement prévue le 29 décembre, la réunion de l’Agence européenne du médicament (EMA) qui doit étudier la demande d’autorisation du vaccin développé par l’alliance biotechnologique américano-allemande Pfizer/BioNTech a été avancée d’une semaine. Signe que l’Europe veut pouvoir démarrer les campagnes de vaccination le plus rapidement possible, peut-être même avant la fin de l’année.

​Un contexte qui n’est pas pour rassurer le Pr Perronne qui, à de multiples reprises, a exprimé sa défiance face à l’arrivée de ces vaccins, notamment ceux utilisant la technique de l’ARN messager. Dans une lettre ouverte publiée le 30 novembre, le praticien s’interroge sur «l’intérêt d’un vaccin généralisé pour une maladie dont la mortalité est proche de 0,05%.»

«Le plus inquiétant est que de nombreux pays, dont la France, se disent prêts à vacciner dans les semaines qui viennent, alors que la mise au point et l’évaluation de ces produits se sont faites à la va-vite et qu’aucun résultat de l’efficacité ou de la dangerosité de ces vaccins n’a été publié à ce jour. Nous n’avons eu le droit qu’à des communiqués de presse des industriels fabricants, permettant de faire flamber leurs actions en bourse», dénonce-t-il.

Ce dernier martèle que «les premiers “vaccins” qu’on nous propose ne sont pas des vaccins, mais des produits de thérapie génique».

«On va injecter des acides nucléiques qui provoqueront la fabrication d’éléments du virus par nos propres cellules. On ne connaît absolument pas les conséquences de cette injection, car c’est une première chez l’homme», ajoute le professeur.

Mathias Wargon, chef du service des urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a vivement critiqué ces propos sur RMC:

«Je n’écoute pas Perronne, il ne dit que des conneries depuis le début! Il disait des conneries sur la maladie de Lyme avant, puis il a dit des conneries sur l’hydroxychloroquine. Il passe dans Hold-Up, il est dans tous les coins pourris. C’est un guignol, c’est notre Bigard à nous, en plus poli!»

Mathias Wargon fait ici référence au fait que le Pr Perronne apparaît dans le très controversé documentaire Hold-Up, sorti le 11 novembre 2020. Ce dernier entend dénoncer ce que ses auteurs considèrent comme des mensonges et des manipulations des autorités dans cette crise.

Reste que Christian Perronne n’est pas le seul à exprimer ses inquiétudes concernant les premiers vaccins contre le Covid-19. Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à la Pitié Salpêtrière, exprimait récemment ses préoccupations sur France Inter: «Je ne sais pas ce que ça vaut, je n’ai pas le recul nécessaire sur les vaccins avec ARN qui vont arriver. Je n’ai toujours pas vu une publication scientifique qui corresponde à ces vaccins. Me vacciner avec un produit que je ne connais pas et dont je ne sais que ce que disent les communiqués de presse des laboratoires pharmaceutiques, c’est leur faire une confiance absolue.»

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Selon une enquête d’opinion IFOP pour le JDD publiée le 29 novembre dernier, 59% des Français n’auraient pas l’intention de se faire vacciner. Même son de cloche du côté d’un sondage IFOP-Fiducial pour CNews et Sud Radio, qui montre que 61% des personnes interrogées refuseront la piqûre.

Un syndicat de médecins en soutien

En attendant, la «grande gueule» de Christian Perronne lui aura coûté son poste. Avant l’annonce de son licenciement, la commission médicale d’établissement de l’AP-HP s’était prononcée le 1er décembre sur «une motion […] qui a condamné des attaques ad hominem proférées publiquement à l’encontre d’un confrère» et l’établissement qui regroupe de nombreux hôpitaux en Île-de-France «a décidé de déposer une plainte auprès du conseil départemental de l’ordre des médecins.»

Le 11 décembre, le Syndicat national des médecins hospitaliers –Force ouvrière (SNMH FO) a apporté son soutien à Christian Perronne:

«La campagne dirigée contre notre collègue le Professeur Perronne constitue de ce point de vue une menace pour tous les médecins. La motion de la CME de l’AP-HP condamnant le Pr Perronne s’inscrit malheureusement dans cette campagne. Nous le déplorons.»

Le SNMH FO a rappelé qu’il n’avait pas vocation «à se prononcer sur les débats scientifiques légitimes concernant les stratégies thérapeutiques». «C’est pourquoi il ne peut pas accepter qu’un collègue PU-PH ou PH soit attaqué parce que, publiquement, il n’adhère pas à la ligne officielle, au consensus», poursuit le syndicat dans un communiqué.

​De son côté, le Pr Perronne compte bien se battre avec l’assistance de son avocat. Contacté par la rédaction de France Soir, le médecin s’est dit surpris «d’être attaqué sur des propos publics qui n’enfreignent pas le code de la déontologie médicale.»

«Je ne comprends pas cette atteinte à la liberté d’expression d’un professeur d’université. Que les malades soient rassurés, je compte continuer d’exercer afin de soigner les malades, ma préoccupation première», a-t-il prévenu.
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