La Chine va-t-elle tuer le Bitcoin pour asseoir sa domination mondiale?

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Alors que le prix du Bitcoin bat record sur record, se pose la question de l’influence de Pékin sur la plus célèbre des cryptomonnaies. La Chine pousse pour mettre en avant sa propre monnaie numérique. Pour Julien Béranger, spécialiste des cryptomonnaies, l’Empire du Milieu n’est pourtant pas en mesure de sérieusement menacer le Bitcoin.

Mais où va-t-il s’arrêter? Ce 6 janvier à 14h04 UTC, le cours du Bitcoin (BTC) atteignait 34.459,70 dollars (27.990,41 euros). Du jamais vu. Pour rappel, le prix de la plus célèbre des cryptomonnaies était passé sous les 5.000 dollars en mars dernier.

Et le Bitcoin n’intéresse plus que les particuliers. Ces derniers mois, de nombreux fonds d’investissement ont misé sur la cryptomonnaie. Des analystes de célèbres banques d’affaires comme Citi ou JPMorgan suivent désormais son cours. Le Bitcoin serait une sorte d’or numérique, profitant de l’emballement de la planche à billets des Banques centrales pour voir son prix s’envoler.

​Et la Chine s’y intéresse depuis longtemps. Dès 2015, une étude de la banque d’affaires Goldman Sachs montrait que 80% du volume des transactions en BTC impliquait le yuan. Un taux qui montera à 95% en mai 2016 selon un rapport du spécialiste Coindesk.

«La Chine est l’adversaire potentiel le plus puissant du Bitcoin»

Du côté des infrastructures informatiques sur lesquelles s’appuie le réseau BTC, la Chine joue également un grand rôle. On estime que plus de la moitié des «fermes de minage» de la planète se trouve dans le pays. Le minage est le nom donné à l’opération qui vise à valider une transaction en cryptant les données et en l’enregistrant dans la blockchain, en échange d’une récompense. Un processus qui demande une forte puissance de calcul et donc beaucoup de matériel performant.

«Certaines études localisent les opérateurs de mining en Chine, notamment à cause des coûts faibles de l’électricité, mais il faudrait prendre le temps de vérifier sur quelles données s’appuient ces études», explique au micro de Sputnik Julien Béranger, patron de Strat et spécialiste des cryptomonnaies.

Récemment pourtant, «le gouvernement chinois a décidé de serrer la vis concernant les fermes de minage», ajoute l’expert. Au début de l’année 2020, Pékin a commencé à mener des inspections dans ces établissements.

Une étude universitaire parue en octobre 2018 faisait déjà état de la menace potentielle que représente la Chine pour le BTC: «La Chine est l’adversaire potentiel le plus puissant du Bitcoin et nous avons constaté qu’elle avait une variété de motifs évidents pour s’attaquer au système, ainsi qu’un certain nombre d’opportunités, à la fois réglementaires et techniques, pour mener ces attaques.»

Julien Béranger relativise cependant le pouvoir de nuisance de l’Empire du Milieu:

«Ce n’est pas en interdisant les mineurs chinois de miner que le Bitcoin s’en trouvera menacé. Si ça ne se passe pas en Chine, cela se passera ailleurs. Ce n’est pas parce qu’un Bitcoin est miné en Chine qu’il se retrouve dans les coffres du gouvernement chinois. Donc on ne peut certainement pas dire que la Chine profite d’une quelconque “position dominante” dans ce domaine.»

Début 2020, Larry Silbert, fondateur de Grayscale Investments, rendait compte d’un phénomène de migration des fermes de mining: «Ce que j’ai pu voir récemment, probablement au cours des trois à six derniers mois, c’est une tendance de plus en plus présente à des tentatives de déplacement de cette activité en dehors de Chine, plus spécifiquement aux États-Unis et au Canada.»

E- yuan Vs Bitcoin

Le gouvernement chinois tenterait-il de s’en prendre au BTC afin de mettre en avant sa propre monnaie virtuelle? «Ces nouvelles restrictions visent aussi à contraindre les mineurs à fournir des infrastructures dédiées aux technologies blockchain appuyées par l’État, rapporte le Global Times, un quotidien chinois proche du pouvoir. Pékin a en effet l’ambition de lancer un yuan numérique dans les années à venir. Ce e-yuan serait échangeable contre des yuans chinois via des porte-monnaie électroniques», précisait en septembre dernier une enquête de Florian Bayard pour Cryptoast.

Drapeau de la Chine - Sputnik Afrique
Révolution monétaire en Chine? Pékin va tester à grande échelle une monnaie digitale

Cette monnaie, baptisée DCEP (digital currency electronic payment) ou «yuan numérique», est en conception depuis 2014 et est actuellement testée dans plusieurs grandes villes chinoises. Contrairement au BTC, le yuan virtuel sera émis par la Banque centrale, à l’instar de la monnaie fiduciaire actuelle. Une grande différence.

Julien Béranger, qui était professeur de chinois par le passé, a voyagé à de nombreuses reprises en Chine. Lors de son dernier voyage en 2017, il a été frappé de l’importance qu’avaient prise les monnaies numériques dans la vie quotidienne des habitants.

«J’ai voulu acheter un Coca dans la rue et le marchand m’a présenté un QR Code afin de régler la transaction. La Chine a pris de l’avance dans les usages liés aux monnaies numériques», explique l’expert.

Et Pékin semble bien déterminé à passer à la vitesse supérieure, comme le souligne le journaliste économique Jean-Marc Sylvestre sur Atlantico. Il rappelle que la Banque centrale chinoise a proposé que le yuan numérique devienne la cryptomonnaie officielle du pays: «Il s’agissait, bien sûr, d’empêcher les fortunes chinoises de s’évader via le Bitcoin. Mais pour ce faire, la Chine a choisi d’intégrer le yuan digital à la monnaie officielle de la République populaire de Chine. Ce qui revient à écarter de fait toute autre cryptomonnaie avec, à la clef, des sanctions relativement sévères et des amendes proportionnelles au montant créé et une peine de prison ferme.»

Julien Béranger souhaite s’éloigner de ces considérations «trop financières et spéculatives». D’après lui, il s’agit d’une petite partie de l’intérêt de la cryptomonnaie.

«Les États souhaitent à la fois punir la fraude et encourager l’innovation. Dans le contexte de l’explosion de notre secteur d’activité, cet équilibre est difficile à trouver. Le Web 3, en tant que mouvement, défend une forte décentralisation, la possibilité de vérifier les données et la sécurité des réseaux. Ces nouvelles techniques étant open source, les États pourraient y contribuer plus activement», conclut l’expert.
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