Reconfinements et vaccination inefficace: un scénario qui ne présagerait rien de bon pour les Français

© AFP 2023 GONZALO FUENTESEmmanuel Macron
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Alors que le groupe Michelin vient d’annoncer la suppression de 2.300 postes en France, de tels événements pourraient se multiplier dans les mois à venir. Le tout, alors que l’ombre d’un troisième confinement plane sur l’Hexagone et que l’efficacité de la campagne de vaccination paraît très hypothétique. Analyse.

Pas un plan social, mais un «plan de simplification et de compétitivité». Michelin a annoncé la suppression de 2.300 postes en France. Si le président du groupe, Florent Menegaux, a précisé à l'AFP qu'il n'y aurait «pas de fermeture d'usine» et «aucun départ contraint», l’annonce n’a pas manqué de déclencher la colère des salariés.

«Nous anticipons environ 60% de mesures de préretraite et 40% de départs volontaires, dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives», a précisé Florent Menegaux. La saignée est d’envergure. La coupe annoncée par le fleuron du pneumatique concerne plus de 10% des effectifs français qui s’élèvent à 21.000 personnes.

​Le groupe Michelin prévoit pourtant des résultats positifs en 2020. Le dividende distribué par action a été multiplié par trois depuis 2009. Un constat qui n’a pas empêché le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, de souligner que «le marché automobile français c'était –25%». «On est revenu au niveau de 1975 en nombre de ventes de voitures», a-t-il souligné. Avant d’ajouter: «Ça ne peut pas se passer sans des conséquences sur les fournisseurs du secteur.» Et c’est loin d’être le seul secteur concerné par la crise économique historique qui frappe le pays.

Le gouvernement a-t-il «retardé l’échéance»?

D’après des données publiées ce 7 janvier par le ministère du Travail, les ruptures de contrats de travail envisagées, liées à une procédure de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), ont passé le cap des 80.000 depuis le début de la crise du Covid-19. Entre le 1er mars 2020 et le 3 janvier 2021, pas moins de 80.379 ruptures de contrats de travail ont été envisagées dans le cadre de PSE. Un chiffre énorme qui est «près de trois fois» supérieur à celui de 2019 sur la même période (29.647) d’après la direction des statistiques (Dares).

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Plus de 5.800 procédures de licenciement collectif pour motif économique (hors PSE) ont été notifiées depuis début mars 2020. Dans plus de neuf cas sur dix, ces procédures concernent des licenciements de moins de dix salariés.

Et l’hécatombe ne pourrait faire que commencer. Si 2020 a vu «une récession très sévère, du jamais-vu depuis la dernière guerre», comme l’expliquait le 14 décembre, sur France Inter, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, 2021 devrait apporter son lot de casse sociale. Après une récession attendue autour de 9% pour 2020, la France espérait en septembre dernier un rebond de 7,4% du PIB. Mais le second confinement et les perspectives au niveau de l’épidémie pour les prochains mois ont rebattu les cartes.

La Commission européenne prévoit désormais une croissance de 5,6% dans l’Hexagone en 2021. La Banque de France est plus prudente. Elle s’attend à une hausse du PIB de 5%. Dans un rapport publié le 14 décembre, elle prévient: «Le niveau d’activité de fin 2019 [ne] sera retrouvé qu'à la mi-2022.»

2021, année des faillites avant… 2022

Un tel contexte pousse au pessimisme concernant de nombreuses entreprises. Surtout celles des secteurs les plus touchés par la crise: l’hôtellerie-restauration, la culture, les loisirs, le divertissement… Dans l’incapacité d’exercer une activité rentable, une bonne partie d’entre elles subsistent grâce aux aides du gouvernement. Comme le note le JDD, «c'est avant tout grâce aux 470 milliards d'euros débloqués pour les mesures d'urgence type chômage partiel et aux 100 milliards du plan de relance annoncé en septembre par le gouvernement» que beaucoup n’ont pas fait faillite.

«Le gouvernement a simplement retardé l’échéance. Il va y avoir une crise économique majeure qui va forcément entraîner une vague de banqueroutes. Les sociétés bénéficient actuellement de faveurs de trésorerie. Mais cette situation a pour conséquence de faire grossir les passifs. Et, à terme, il faudra payer», avertissait récemment auprès de France info Serge Pelletier, avocat spécialiste du droit des entreprises en difficultés.

Même son de cloche du côté de Mathieu Plane, économiste de l’OFCE qui a fait part au JDD de ses réserves quant à la pérennité d’une telle situation: «Pour le moment, on est dans l'urgence. Mais jusqu'à quand cela va-t-il durer? À un moment, le gouvernement va devoir arrêter de porter à bout de bras toute l'économie.» Et d’ajouter: «Si on additionne les prêts garantis par l'État (PGE) et les reports de dettes fiscales et sociales, on en est à 155 milliards d'euros. Cela représente, pour les PME-TPE, à peu près 25% de leur valeur ajoutée. Donc, si une PME doit rembourser son PGE, elle va devoir avoir une rentabilité de plus de 5% par rapport à son niveau d'avant crise!»

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Sans surprise, la Banque de France a constaté une forte dégradation de la situation financière des entreprises en 2020. Beaucoup attaquent 2021 en situation de fragilité. L’assureur Euler Hermes prévoit un nombre de faillites qui passera de 33.000 en 2020 à 50.000 en 2021. L’année 2022 devrait être encore pire avec 60.500 faillites en perspective. Ce sombre tableau  n’incite guère à l’optimisme sur le front de l’emploi. La Banque de France anticipe un pic du taux de chômage aux alentours des 11% au premier trimestre 2021 avant une décrue progressive qui baisserait jusqu’à 9% fin 2022. D’après l’OFCE, les défaillances d’entreprises de 2021 pourraient coûter jusqu’à 180.000 emplois. Un score qui serait bien supérieur en cas de nouveau(x) confinement(s).

Récemment invité de Sputnik France, Philippe Béchade, président des Éconoclastes, soulignait le désarroi de bien des chefs d’entreprise:

«Parmi mes amis, j’ai des experts comptables. Ils me disent que de nombreux patrons sont financièrement à l’agonie, malgré les aides –par exemple, pour les restaurateurs ou les exploitants de salles de sport.»

D’autant que certains secteurs se disent oubliés du gouvernement. C’est le cas des grossistes en boissons des Hauts-de-France. Ils ont mené ce 7 janvier une opération escargot autour de Lille afin d’obtenir les mêmes aides que les cafetiers et restaurateurs. Ils menacent de mener des actions nationales le 19 janvier s’ils ne sont pas entendus.

​Ce type de manifestation de colère tend à se multiplier. Et ces entreprises ne voient malheureusement pas, pour le moment, le bout du tunnel. Ce 7 janvier, la France fait toujours l’objet d’un couvre-feu, à 18 ou 20 heures selon les départements. Aucune date de réouverture des cafés, bars, restaurants, discothèques et salles de sport n’a été communiquée. De plus, la menace d’un troisième confinement, mortel pour l’économie, plane au-dessus du pays. L’objectif des 5.000 cas par jour fixé par le gouvernement semble pour le moment hors d’atteinte. Le 6 janvier, 25.000 nouvelles contaminations au Covid-19 ont été enregistrées.

Invité du 20 heures de France 2, le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, a prévenu les Français après avoir été interrogé sur un possible reconfinement:

«Au milieu de la semaine prochaine, ça sera le moment peut-être de discuter de mesures plus lourdes pour éviter une expansion de l’épidémie.»

La nouvelle variante britannique du Covid-19, plus contagieuse, cristallise les craintes. C’est elle qui a poussé le Premier ministre britannique Boris Johnson à décréter un reconfinement général de plusieurs semaines en Angleterre et en Écosse. Dorénavant, cette nouvelle souche a été identifiée dans 22 pays européens, dont la France.

«La risée du monde entier»

Ce 7 janvier, le directeur Europe de l'OMS, Hans Kluge, a parlé lors d’un point presse d’une «situation alarmante». Il n’a pas mâché ses mots: «Durant une courte période, nous allons devoir faire plus que nous n'avons fait et intensifier les mesures de santé publique et les mesures sociales pour être certains d'aplanir les courbes en très forte hausse dans certains pays.»

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Tous les espoirs sont désormais tournés vers les campagnes de vaccination. La France a commencé à administrer aux populations les plus fragiles le vaccin de l’alliance biotechnologique américano-allemande Pfizer/BioNTech. Le vaccin de l’américain Moderna, qui vient d’être autorisé par l’Agence européenne du médicament (EMA), devrait bientôt suivre.

Problème: la France a pris beaucoup de retard par rapport à ses voisins. Selon les données statistiques publiées par le site web Our World In Data, au 5 janvier, la France avait vacciné environ 5.000 personnes contre plus de 307.000 en Italie et plus de 944.000 au Royaume-Uni. De quoi faire dire sur France info à Frédéric Adnet, directeur médical du Samu de Seine-Saint-Denis et chef des urgences de l’hôpital Avicenne à Bobigny, que «nous sommes la risée du monde entier».

Même si la France rattrape son retard, l’efficacité de la campagne de vaccination ne pourra se juger que dans plusieurs semaines. D’autant plus que, comme le soulignait la Banque de France le 14 décembre, «le déploiement généralisé de vaccins ne sera pleinement effectif que fin 2021». Pour ajouter à l’incertitude, «on ne sait pas encore si [les] vaccins vont marcher sur ce variant anglais. C’est probable, [mais] on ne le sait pas encore de manière absolue», a expliqué Jean-François Delfraissy.

​Invité de BFM TV en décembre dernier, le professeur Philippe Juvin, chef des urgences à l'hôpital Pompidou et maire Les Républicains de La Garenne-Colombes, lançait un avertissement: «S’il n’y a pas de vaccin, [...] si personne ne se fait vacciner, il faudra imaginer que, entre maintenant et, tenez-vous bien, mars 2022, on ait [...] un à dix épisodes de confinement/reconfinement.»

Inutile de préciser qu’un tel scénario ferait office de cauchemar économique. En attendant, pour de très nombreuses entreprises, il y a urgence comme le rappelait récemment Philippe Béchade au micro de Sputnik:

«Il faut absolument que l’économie redémarre d’ici au mois de mars. Pour le moment, certaines entreprises sont en apnée. Mais, d’ici à mars, elles seront malheureusement noyées.»

 

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