Suppressions d’emplois dans l’hôtellerie, nuits blanches pour les employeurs et pour les salariés

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L’écroulement du secteur du tourisme d’affaires et l’absence de tourisme menacent le secteur hôtelier haut de gamme. En pleine incertitude sur l’année à venir, les syndicats et les professionnels travaillent chacun à leur manière pour éviter des licenciements et un plan social d’envergure.

La perspective de voir supprimer des milliers d'emplois dans l’hôtellerie, dévoilée par la presse française, inquiète le secteur. À Paris, personne n’est épargné. Même pas l’hôtellerie de luxe. Des deux côtés de la barricade, syndicats et groupements professionnels luttent pourtant pour un objectif commun: sauver l’emploi.

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La crise sanitaire a endigué le tourisme haut de gamme et mis fin aux voyages d’affaires dans la capitale française. Le Groupement national des indépendants (GNI) de l’hôtellerie-restauration surveille étroitement le marché depuis le mois de mars 2020, «même avant» les premiers signes de crise dans l’hôtellerie. Au micro de Sputnik, Franck Trouet, délégué général Paris-Île-de-France du GNI, appelle à «ne pas se méprendre» sur l’objectif des professionnels, puisque «tout comme les syndicats des salariés, ils veulent sauver les emplois».

«Aujourd’hui, 56% des hôtels sont fermés, non pour des raisons d’obligation administrative, mais à cause de l’absence de touristes: étrangers, seniors ou voyageurs d’affaires. Les 44% d’établissements restant ouverts atteignent un taux d’occupation de 20%», précise Franck Trouet.

Et l’administrateur du GNI souligne qu’«on ne compte pas» le nombre des licenciements économiques collectifs dans l’hôtellerie, «parce qu’ils ne sont pas encore venus».

«Il y a des plans sociaux qui sont en discussion et en négociation avec des syndicats de salariés. Mais ils sont suspendus aux annonces que nous attendons du gouvernement», précise Franck Trouet.

Ces explications ne convainquent pas Sébastien, le permanent de la CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques) qui profite de l’occasion pour rappeler que «ça fait des années» que dans «tous les grands groupes de luxe, les salaires sont extrêmement bas, avec, par exemple, un salaire moyen d’entrée de 1.500 euros dans Park Hyatt Paris-Vendôme 5*». «Il est révoltant, de la part d’un grand groupe, de réaliser des milliards d’euros de profit sur le dos de salariés mal payés qu’on laisse tomber le jour où il y a un souci», dénonce le syndicaliste.

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Et Sébastien, salarié de l’hôtellerie et ancien extra, connaît son sujet. Il a perdu son emploi depuis janvier 2020 au moment où le secteur a commencé à éprouver des difficultés à la suite de la désertion de la clientèle asiatique. Pour lui, on n’est même pas obligé d’attendre les aides gouvernementales dans le secteur hôtellerie-restauration où 100% du chômage partiel est pris en charge par l’État, puisque «ces groupes ont les reins solides».

«Ajoutez à cela le report des cotisations sociales, le report des factures de gaz et d’électricité… Ces groupes sont massivement subventionnés. L’État subventionne, mais sans contrepartie en termes d’emploi », clame Sébastien.

Face à cette accusation, Franck Trouet, du GNI, souligne: «L’État aide davantage les entreprises qui sont fermées administrativement: cafés, restaurants et salles de sport.» Les aides ne sont pas les mêmes pour l’hôtellerie, «restée ouverte». Les perspectives de reprise restent «très incertains» dans l’hôtellerie de luxe. Les touristes «ne vont pas revenir du jour au lendemain».

«La situation est grave. Au 1er février prochain, les indemnisations au titre du chômage partiel devraient baisser de 10%. Ajoutez les 10% qui restent à charge sur le chômage partiel au titre des congés payés: les hôteliers vont devoir supporter 20% de la masse salariale sans activité», détaille Franck Trouet.

Le Groupement attend également la reprise des échéances bancaires au 1er février prochain, ce qui entraînera des besoins de trésorerie importants sur fond d’activité restreinte. Voilà pourquoi certains hôtels et même de grandes chaînes réfléchissent à des plans sociaux.

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Sébastien cite «des groupes qui ont fait un choix inverse, malgré le même taux de pertes». Le Groupe Louvre Hôtels, le deuxième groupe hôtelier de France  –qui possède les Campanile, les Kyriad et autres Première Classe– a signé avec la CGT-HPE un accord qui conclut à zéro suppression d’emploi et maintient les salaires à 100% tant que le dispositif d’aide de l’État est maintenu. Mais comment?

«Dans le Groupe Louvre Hôtels, la CGT-HPE est majoritaire et puissante. De nombreuses grèves ont été organisées depuis des années. Le rapport de forces a évité des licenciements», rappelle le syndicaliste.

L’activiste du CGT-HPE appelle «à ne pas baisser les bras». Il rappelle que, «en ce moment», le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est dans la plupart des cas «soutenu par l’inspection du travail, puisque les hôtels enregistrent entre 80 et 90% de pertes de leur chiffre d’affaires».

«Il y a une stratégie derrière tout ça. Certains groupes comptent profiter de la crise pour accomplir ce qu’ils voulaient réaliser depuis des années: se débarrasser de certains services et les confier à la sous-traitance. On fait des économies de cette manière», dénonce Sébastien.

Mais Franck Trouet balaye cette accusation d’un revers de main: «On n’a pas envie de se séparer de nos salariés.» Et ce, malgré «des prévisions pour 2021 très moroses» avec «un taux d’occupation qui pourrait revenir à 50%» à la fin de l’année.

«L’année dernière, l’hôtellerie a détruit 31.000 emplois. Aujourd’hui, le nombre d’emplois menacés, c’est 30.000. Ce chiffre est issu d’un questionnaire soumis à l’ensemble de nos membres. On a réussi à sauver ces emplois. Pour continuer à les sauver, on attend les annonces du gouvernement», Franck Trouet tient à rester sur une note d’espoir.
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