Dévaluation massive de la monnaie en Algérie: quels impacts sur l’économie du pays déjà fragilisée?

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«La situation économique actuelle de notre pays est complexe», affirme à El Watan l’économiste algérien Nour Meddahi. Il souligne que des ajustements structurels, dont la dévaluation de la monnaie, sont nécessaires, mais doivent être menés de manière «graduelle».

Frappée de plein fouet par la crise économique et financière depuis la chute des prix du pétrole en 2014, l’Algérie fait face à la même situation que celle des années 1990 et ce après avoir dépensé 1.000 milliards de dollars pendant les 20 ans de pouvoir de l’ex-Président déchu Abdelaziz Bouteflika. Dans le contexte aggravé par l’impact de la pandémie de Covid-19, des ajustements structurels douloureux s’imposent, dont une forte dévaluation de la monnaie nationale jugée inéluctable. Ainsi se pose la question s’il faut dévaluer la monnaie de manière brutale ou graduelle?

Dans un article publié par le quotidien francophone El Watan, le Pr Nour Meddahi, expert en économie et en finances, estime qu’il est préférable de procéder à une dévaluation graduelle afin d’éviter que le pays ne revive la situation de chaos social et sécuritaire des années 1990 suite, selon lui, à l’application des consignes du Fonds monétaire international (FMI).

«La situation économique actuelle de notre pays est complexe», alerte-t-il. «D’une part, la pandémie et la récession mondiales incitent à faire l’ajustement brutal dès maintenant. De l’autre, la crise politique incite à retarder l’ajustement brutal […]. De fait, la situation actuelle favorise plus l’ajustement graduel», juge-t-il.

Quid de la loi de finances 2021?

La loi de finances 2021 entérinée fin décembre par le Président Abdelmadjid Tebboune annonce une dépréciation du dinar en valeurs nominales de 11,45% en 2021, 4,9% en 2022 et 4,8% en 2023.

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Or, «en tenant compte des taux d’inflation postulés dans la loi de finances (4,5% en 2021, 4,05% en 2022 et 4,72% en 2023), et en prenant une inflation de 1,5% pour les partenaires économiques de l’Algérie, nous obtenons une baisse du dinar en valeurs réelles de: 8,25% en 2021, 2,3% en 2022 et 1,5% en 2023», explique l’expert qui pointe la «méthode et le timing» de la dévaluation.

Et d’ajouter qu’«une forte baisse […] programmée sur plusieurs années et dans une loi de finances […] a pour effet de décourager les investisseurs locaux et étrangers». Ceci d’autant plus que «la baisse du dinar est très importante en valeurs nominales et réelles pour 2021, mais elle est faible en valeurs réelles pour 2022 et 2023».

L’avis d’un autre expert

Dans un article publié le 16 avril dans le journal Le Soir d’Algérie intitulé «Crise économique: rompre impérativement avec les méthodes de gestion du passé», l’ancien ministre algérien du Trésor Ali Benouari (1991-1992) propose une forte dévaluation de la monnaie de 50%, mais dans le cadre d’une batterie de neuf mesures financières et économiques à même de juguler la crise.

Pour lui, cette mesure «pourrait annihiler l’effet de la chute de 50% du prix du pétrole, [et] aidera aussi, en les renchérissant de 50%, à réduire les importations, et ce sans intervention administrative».

Il préconise aussi la «taxation des grosses fortunes et exonération d’impôt des petits revenus et des start-up», «la confiscation des biens de tous les oligarques qui ont été condamnés et la récupération par le Trésor public de tous leurs avoirs détenus illégalement à l’étranger», ainsi que le changement de tous les billets de banque et la taxation à 30% des fortunes circulant dans le marché informel.

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Il estime qu’il faut imposer aux citoyens résidents fiscaux en Algérie la déclaration de leurs biens à l’étranger afin de les taxer comme des fortunes non déclarées et qui se trouvent en Algérie. De plus, il prône la révision du système actuel des subventions qui ne profite qu’aux riches.

Une redistribution des budgets

Outre des mesures financières, M.Benouari défend la révision des budgets alloués aux différents ministères dans le cadre de la loi de finances en encourageant les secteurs productifs.

Ainsi, il appelle à revoir à la baisse les budgets des ministères de l’Intérieur et de la Défense «dans les limites imposées par les exigences de la sécurité nationale». Les budgets de la présidence de la République et du ministère des Moudjahidine (Anciens combattants) doivent également être réduits, juge l’ex-ministre qui déplore que ces quatre institutions «consomment près de 40% du total du budget de fonctionnement, laissant aux secteurs productifs une part dérisoire».

Par ailleurs, il appelle à maintenir les réserves de change à 50 milliards de dollars et de n’importer que ce qui est essentiel à hauteur du surplus des réserves en devises engrangées par l’exportation des hydrocarbures.

Enfin, le spécialiste affirme que les accords de libre-échange avec l’Union européenne et les pays arabes, qui ont contribué à détruire l’outil de production national sans apporter aucun avantage, doivent être suspendus.

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