Reconfinement sévère au Liban: la goutte d’eau qui va faire déborder le vase?

© AFP 2023 JOSEPH EIDSouk Sabra Beyrouth
Souk Sabra Beyrouth - Sputnik Afrique
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Dans un contexte d’explosion des cas de Covid-19 sur fond de crise économique et sociale, les autorités libanaises ont imposé depuis le 14 janvier un reconfinement total à l’échelle du pays. Et ce, pour au moins onze jours. Les Libanais sont contraints de rester chez eux jusqu’à nouvel ordre. Des mesures qui sont loin de faire consensus.

Relativement épargné lors des premières vagues, le Liban connaît une recrudescence de l’épidémie qui inquiète grandement l’État libanais. Les autorités sanitaires signalent l’arrivée du variant brésilien et sud-africain sur le sol libanais. En raison des fêtes de fin d’année et de l’assouplissement des mesures de déplacement, beaucoup de binationaux sont en effet rentrés au Liban. Afin de ralentir l’épidémie, le gouvernement a décrété un reconfinement des plus stricts au monde sur l’ensemble du territoire. Il est interdit de se rendre au supermarché pour faire les courses ou de faire de l’exercice dehors.  De ce fait, les grandes surfaces ont mis en place un service de livraison à domicile pour répondre aux demandes alimentaires quotidiennes. Seules les boulangeries et les pharmacies restent ouvertes. Dans les faits, les Libanais sont contraints de rester chez eux jusqu’au 25 janvier. La mesure est reconductible.

​Youssef Sfeir, expert de gestion de crise au sein de la Croix-Rouge libanaise, explique au micro de Sputnik que ce confinement semble être appliqué et respecté par la grande majorité des Libanais malgré sa sévérité.

«En pleine conformité avec la décision générale, les rues sont presque vides de voitures et de piétons. Les magasins et les centres commerciaux sont fermés. À l’exception de certaines pharmacies, boulangeries et autres épiceries de quartier.»

Il précise également que les forces de l’ordre et l’armée libanaise patrouillent plusieurs fois par jour dans les différentes villes pour s’assurer du respect du confinement. Il n’est possible de se déplacer que nanti de l’attestation du ministère de l’Intérieur. Celle-ci est délivrée via un message sur le téléphone. Une fois le SMS reçu, les Libanais n’ont qu’une heure pour se déplacer. Les fonctionnaires, le personnel hospitalier et certaines associations peuvent circuler librement. En cas de non-respect des règles gouvernementales, les Libanais peuvent recevoir une amende allant de 300.000 à un million de livres libanaises (entre 160 et 500 euros)

Vers un naufrage économique absolu?

Le Liban endure une crise économique sans précédent depuis plus d’un an. Le reconfinement risque d’aggraver la situation des familles les plus vulnérables. Plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Plusieurs milliers de personnes ont déjà pris le chemin de l’exil. Les jeunes diplômés peinent à trouver un emploi. Tous espèrent acquérir une bourse afin de s’installer à l’étranger pour la rentrée prochaine. Ce reconfinement est donc vécu par certains comme la goutte d’eau qui va faire déborder le vase. Après la crise politique et économique, les tensions sociales, l’explosion du port de Beyrouth, la majorité des Libanais sont contraints d’arrêter leur travail. Michel Fayad, économiste libanais, précise au micro de Sputnik que cette mesure sanitaire affecte toutes les classes sociales. À commencer par les plus pauvres!

«Ce confinement empire la situation des travailleurs journaliers, des jeunes, des restaurateurs, des indépendants et des artisans. Pour beaucoup, la fermeture des magasins est un arrêt de mort. Ajouter à cela, l’aide annoncée par la Banque mondiale n’a toujours pas débuté.»

Cette crise sanitaire met surtout en exergue le manque criant de personnel et de moyens du secteur hospitalier. Notamment la pénurie d’appareils respiratoires. Certains hôpitaux lancent des appels au recrutement pour les infirmières. Nombreuses sont les infirmières et les médecins à quitter le pays pour des raisons économiques. En raison de l’inflation et de la perte de la valeur de la livre libanaise par rapport au dollar, le salaire d’une infirmière avoisine aujourd’hui les 800 euros. De surcroît, nombreux sont les Libanais qui doutent de l’efficacité d’une si stricte assignation à résidence. Certains craignent même une manipulation politique visant à camoufler les errements des élites et la lenteur des réformes politiques. Mais beaucoup s’inquiètent surtout des conséquences catastrophiques pour l’économie du pays.

Malgré tout, un regain de solidarité est observé au sein de la société civile libanaise et surtout parmi les franges populaires. Le système D, ce troc entre voisins, cette entraide de quartier, déjà existant au Liban, prend de l’ampleur pour pallier les déficiences de l’État.

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