Rémunérer les journalistes pour parler plus d’Europe, la «propagande dangereuse» de France Télévisions

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Des rédacteurs en chef payés pour privilégier les sujets européens: l’information livrée par Le Monde a fait l’effet d’une petite bombe. Elle laisse entrevoir une mainmise idéologique européiste sur le groupe audiovisuel français. Pour Olivier Delorme, cet «état de propagande» de type «totalitaire» est «un vrai danger pour la démocratie».

Faut-il aller jusqu’à soudoyer des journalistes pour rendre l’européisme attirant? Lundi 18 janvier, le journal Le Monde publiait un article traitant des missions attribuées aux rédacteurs en chef de France Télévisions «depuis quelques mois». Ces derniers verraient leur rémunération augmenter en fonction du traitement des objectifs fixés par la chaîne, à savoir: «Diversité, visibilité, Outre-Mer, Europe.» C’est ce dernier point qui fait aujourd’hui beaucoup de bruit. En clair, pour un chef de rédaction de la maison France TV, parler davantage d’Europe arrondirait les fins de mois! Et le quotidien d’aller dans le sens du constat de la chaîne, l’Europe serait bien «négligée» dans le traitement «de l’actualité».

​L’annonce a fait bondir les eurosceptiques de tous bords. Les souverainistes voient dans cette décision l’œuvre d’«une propagande» institutionnelle qui ne dirait pas son nom. Par exemple, Charles-Henri Gallois et Florian Philippot ont tous deux dénoncé cette «propagande» pro-UE sur leurs comptes Twitter. Même constat pour l’historien et essayiste Olivier Delorme, auteur de plusieurs ouvrages sur la thématique européenne. Selon lui, il n’y aurait plus besoin en France de ministère de l’Information «chargé, jadis, de régenter l’actualité des journaux télévisés». Les rédactions du service public audiovisuel vont assurer à l’avenir cette «fonction de média officiel national».

Une pluralité de points de vue «inexistante»

Selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès de décembre 2019, l’Europe ne représenterait que 2,7% des sujets traités par «les journaux télévisés traditionnels». L’article du Monde s’appuie sur ce document. Il dresse aussi le bilan des émissions télévisées consacrées à l’Union européenne sur les chaînes de France Télévisions. En diffusion hebdomadaire, on trouve La faute à l’Europe et Drôle d’Europe, cumulant à elles deux près de deux heures et demie de temps d’antenne, et la série humoristique à succès Parlement, plus récente. Pas assez, donc, pour le groupe audiovisuel public.

La promesse d’un élargissement du «contenu européen» à l’antenne n’exclut pas la mise en avant des différents points de vues sur l’Europe. Sur son compte Twitter, le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune, réagissait avec enthousiasme à l’information diffusée par Le Monde. Il en a profité pour rappeler qu’il était nécessaire de «parler d’Europe, avec toute la diversité des opinions». Autant d’annonces qui font sourire Olivier Delorme. Selon lui, les médias officiels traitent les sujets sur l’Europe systématiquement dans «un sens unique d’eurobéatitude».

«Si l’objectif était: donnons plus de place à la diversité des opinions sur l’Union européenne, je dirais tant mieux», précise au micro de Sputnik l’auteur de 30 bonnes raisons pour sortir de l'Europe (éd. H&O). Or quiconque regarde France 2 ou France 3, écoute France Inter ou France Culture se rend évidemment compte que l’euroscepticisme n’est jamais présent. Et lorsqu’il est présent, c’est pour être assimilé à un populisme xénophobe, à l’extrême droite ou que sais-je encore!»

Face au constat d’une diffusion jugée bien trop timide de l’actualité européenne, le gouvernement, à travers la voix de son secrétaire d’État aux Affaires européennes, entend changer la donne. Visiblement, on ne lésinera pas sur les moyens pour y parvenir!

«Moins ça marche, plus on essaie de nous vendre le mythe européen»

L’examen du projet de loi sur l’audiovisuel en 2020 avait déjà été l’occasion pour la majorité LRM de déposer plusieurs amendements dans le sens d’une promotion par France TV de l’actualité européenne. Ce n’est pas non plus la première fois que Clément Beaune monte au créneau sur ce sujet.

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Il a déjà fait part à plusieurs reprises de sa volonté de pousser les «chaînes publiques à parler davantage d’Europe» avec «tous les moyens possibles de contrainte ou de pression pour arriver à cela». Allant même jusqu’à évoquer, au cours de son audition par l’Assemblée nationale de septembre 2020, que cette nécessité relevait d’«une obligation de service public». Rien d’étonnant donc à le voir désormais qualifier d’«excellente initiative du service public» l’annonce de meilleures rémunérations pour la promotion de l’actualité européenne. Pour Olivier Delorme, il y a «un gros problème» avec les médias français: «Tous ont oublié que la majorité des gens dans ce pays a voté contre le traité européen de 2005!»

Le référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe avait effectivement été rejeté en 2005 par près de 55% des votants. Deux ans plus tard, le texte du traité de Lisbonne, reprenant en substance les dispositions du dispositif rejeté, était adopté sans recours au référendum populaire.

«Une fracture démocratique fondamentale» pour notre interlocuteur, «jamais rappelée par les médias», et qui expliquerait en grande partie «l’état de défiance des populations envers l’Union européenne». Selon lui, cette volonté de «matraquage médiatique» élogieuse à l’égard de l’Union européenne, «alors que l’institution prend l’eau de toutes parts», a quelques ressemblances avec l’époque soviétique finissante.

«Nous sommes en 1987 en URSS, sans voir que l’effondrement est devant nous, conclut-il. Ça ne marche pas, pour de multiples raisons déjà maintes fois analysées. Et moins ça marche, plus on essaie de nous vendre le mythe européen. Le seul moyen pour sauver les apparences, c’est de maquiller, de mentir et de réprimer. Cette propagande promet des lendemains très dangereux pour la démocratie…» 
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