En Algérie, le rapport français sur la question mémorielle accueilli avec scepticisme

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Pour lancer le travail mémoriel sur des bases solides, la France doit aborder les questions qui fâchent posées par l’Algérie, estiment des intellectuels et historiens algériens en réaction au rapport remis mercredi à Emmanuel Macron. Ils pointent notamment la question des excuses.

Un premier pas vers le règlement de la question mémorielle entre la France et l’Algérie a été franchi mercredi 20 janvier par l’historien Benjamin Stora qui a remis à Emmanuel Macron son rapport «sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie».

En attendant la réponse officielle des autorités algériennes à ce document et ses recommandations, des historiens et des analystes politiques ont pris les devants en exprimant de vives critiques à son égard.

«Crime contre l’humanité»

En effet, dans un entretien accordé au journal Liberté, le chercheur en histoire Mohamed El-Korso estime que le rapport Stora ne prend pas en considération les principales revendications algériennes.

«Je pense que pour parvenir à un véritable dialogue sain et serein, capable de faire avancer les choses, il faudrait que la France reconnaisse de manière claire et franche qu’il y a eu crime contre l’humanité», considère M.El-Korso.

«Il s’agit pour elle de faire le même pas que l’Allemagne a fait envers la France, en reconnaissant ses crimes durant la Seconde Guerre mondiale», ajoute-t-il, déplorant le fait que «la France qui s’est excusée envers les juifs ne s’excuse pas auprès des Algériens».

Les pierres d’achoppement

De son côté, le journaliste et analyste politique Fayçal Métaoui énumère sur Facebook les questions  considérées comme majeures du point de vue algérien, sans lesquelles il ne pourra y avoir réconciliation entre les deux pays sur la question mémorielle.

Outre les excuses et la reconnaissance des crimes coloniaux, il cite: «la restitution totale des archives et des biens culturels, la réparation et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires dans le Sud algérien, la reconnaissance des disparitions forcées d’Algériens ayant combattu le colonialisme, et en fin la restitution intégrale de restes mortuaires de résistants».

N’ayant pas mis l’accent sur ces enjeux, le rapport Stora est considéré par l’historien Kamel Khelil comme ayant proposé des «mesures symboliques qui restent éloignées des revendications du peuple algérien», selon le quotidien El Khabar qui a recueilli ses propos.

Même son de cloche de la part de l’historien Mebarek Djaafri qui affirme également à El Khabar qu’«il s’agit d’un rapport sélectif, peu détaillé, comme si l’Élysée voulait vite se débarrasser de la question mémorielle de n’importe quelle façon».

Quid de la question des harkis?

Concernant les harkis, M.El-Korso avance un problème «franco-français qui constitue, à ce jour, une plaie béante dans le corps de la Ve République».

«La France veut faire de la question des harkis un problème fondamental», explique-t-il, ponctuant que «présenter les choses comme cela est, de mon point de vue, biaisé».

En effet, le chercheur juge qu’«en mettant l’accent sur les harkis, on essaie, en fait, de nous mettre, nous Algériens, en position d’“accusés”, en ce sens que si demain le dialogue des mémoires traîne et n’avance pas, l’alibi sera vite trouvé du côté français, en pointant du doigt la responsabilité de l’Algérie qui aura refusé de “faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie”, comme le préconise le rapport Stora».

Les propositions phares du rapport

L’une des plus propositions formulées par Benjamin Stora est la constitution d’une commission «Alliance et vérité» chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires.

Pour ce qui est des questions bilatérales, comme celle concernant les essais nucléaires à titre d’exemple, elles seront confiées à des commissions mixtes.

L’historien propose également la construction à Amboise d’une stèle de l’Émir Abdelkader et la restitution de son épée à l’Algérie.

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