Affaire Navalny et menaces de sanctions: «on est dans un jeu de rôle théâtral», selon Mariani

© Sputnik . Maksim Blinov / Accéder à la base multimédiaAlexeï Navalny
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L’Union européenne envisage de prendre de nouvelles sanctions contre la Russie après l’arrestation d’Alexeï Navalny et les interpellations survenues lors de manifestations interdites dans plusieurs villes russes, le 23 janvier. Retour avec l’eurodéputé Thierry Mariani sur une «indignation» sélective de l’exécutif européen et des médias tricolores.

Énièmes sanctions à l’horizon pour la Russie?

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Lundi 25 janvier, avant la tenue d’un Conseil des ministres des Affaires étrangères des vingt-sept États membres de l’UE, «plusieurs responsables» européens ont annoncé l’intention de Bruxelles d’adopter de nouvelles mesures restrictives contre Moscou. Des sanctions afin de «contraindre Vladimir Poutine à relâcher l’opposant Alexeï Navalny et ses partisans, arrêtés samedi [23 janvier, ndlr] au cours de manifestations», ont précisé plusieurs médias français.

Pour mémoire, Alexeï Navalny, qui avait été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis dans le cadre de l’affaire d’escroquerie aux dépens de la société française Yves Rocher, devait se faire enregistrer par le FSIN (Service fédéral russe d’exécution des peines) tous les deux mois, jusqu’à fin 2020. Pour avoir violé six fois cette injonction, il a été mis sur la liste fédérale des personnes recherchées le 29 décembre et arrêté pour ce motif à son retour en Russie.

Pays baltes et médias mainstream à la barre

«La question [des sanctions, ndlr] a été posée par certains, mais aucune proposition concrète n’a été formulée», a tempéré Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE, à l’issue de la rencontre du Conseil de l’UE. Parmi les partisans d’envoyer «un message très clair» à la Russie, Gabrielus Landsbergis, ministre lituanien des Affaires étrangères.

Du côté des médias, on semble pourtant prendre les choses en main. Dimanche Libération revenait sur un «long week-end de répression pour les pro-Navalny». Invité de Questions politiques (Le Monde –France Info– France inter), Jean Yves Le Drian a parlé de «dérive autoritaire très inquiétante» en Russie, ainsi que d’une «insupportable» «remise en cause de l’état de droit par des arrestations collectives et préventives». Des propos que l’on n’avait pas entendus de la part d’un membre du gouvernement après les arrestations préventives opérées lors du mouvement des Gilets jaunes ou aux plus de 10.000 gardes à vue et aux 1.000 condamnations à de la prison ferme prononcées en moins d’un an.

Au lendemain de cette interview ministérielle, Le Monde publiait un édito dans lequel sa rédaction appelait l’Union européenne à un «sérieux réexamen de sa politique à l’égard de la Russie». Il évoquait cette fameuse rencontre des diplomates en chef de l’UE afin de discuter de leurs relations avec cet «imposant et menaçant voisin», avec lequel toutes les «tentatives de dialogue, comme celle qu’a essayée le Président Emmanuel Macron en 2019» seraient restées «vaines».

«On est dans le jeu de rôle théâtral habituel, où la moindre manifestation donne un prétexte pour immédiatement s’élever contre la Russie», réagit auprès de Sputnik Thierry Mariani, député européen du groupe Identité et Démocratie.

Que s’est-il donc passé durant ces manifestations, qui expliquerait une telle attaque en règle? Des mains arrachées et des yeux éborgnés, comme en France? Des manifestants abattus à bout portant, comme aux États-Unis? Mis à part le cas d’une femme propulsée au sol par un policier, et à laquelle la police de Saint-Pétersbourgeoise présentera ses excuses le lendemain, les vidéos de dérapages de la police russe manquent quelque peu aux détracteurs du «pouvoir» russe… mais qu’à cela ne tienne.

Navalny, prétexte à l’arrêt du Nord Stream 2?

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Quant au «succès» qu’aurait eu la mobilisation du 23 selon le mot de Jean Yves Le Drian, «il y a eu des manifestations, mais qui ne sont pas du tout de l’ampleur que certains auraient souhaitée. On est loin des manifestations au Bélarus», tempère pour sa part l’eurodéputé. Selon les chiffres officiels, 4.000 participants ont manifesté dans la capitale russe.

Thierry Mariani regrette la place importante qu’ont pris dans la politique de l’Union européenne ses homologues des pays de l’ex-bloc soviétique, Pologne et Pays baltes en tête, et leur «esprit de revanche». Il déplore une «politique de tensions» entretenue à l’égard de la Russie, promue par ces derniers adhérents à l’UE.

L’eurodéputé se dit «convaincu» que de nouvelles sanctions seront adoptées par Bruxelles, rappelant le vote d’une large majorité par le Parlement européen (PE), d’une résolution le 21 janvier, soit avant les évènements de ce week-end, pour de nouvelles sanctions.

​Votée à 581 voix pour, 50 contre et 44 abstentions, ce texte appelle à «sanctionner les responsables russes impliqués dans la décision d’emprisonner Alexeï Navalny ainsi que le cercle rapproché du Président russe» et d’arrêter «immédiatement» les travaux d’achèvement du Nord Stream 2.

«La seule sanction qui serait marquante serait l’arrêt du projet Nord Stream 2, concède Thierry Mariani, mais ce projet-là, Angela Merkel l’a soigneusement préservé, parce qu’elle sait que c’est indispensable pour son pays», rappelle-t-il.

Reste à savoir si Angela Merkel tiendra cette ligne jusqu’aux élections fédérales du mois de septembre.

Indignation occidentale à géométrie variable

Mariani rappelle ainsi que Moscou reste tout de même un partenaire stratégique des pays occidentaux. C’est notamment le cas dans le domaine spatial. Depuis le dernier vol de la navette Atlantis en 2011, la Russie demeure le seul pays capable d’envoyer des hommes dans la station spatiale internationale (ISS). Mais l’acharnement des médias mainstream n’en est pas moins fort.

«La scène internationale a changé. Nos médias avaient deux bêtes noires favorites, qui étaient Trump et Poutine. Trump ayant disparu, l’unique bête noire va redevenir Poutine, donc forcément, on va avoir un acharnement des médias et des institutions européennes», estime l’homme politique.

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Pointant du doigt la politique de deux poids, deux mesures de l’UE, Mariani rappelle notamment le cas turc. Les relations que Bruxelles entretient avec la Turquie révèlent toutes les contradictions des Européens. «On continue formellement à avoir des négociations en espérant qu’un jour ils rentreront dans l’Union européenne», rappelle l’eurodéputé, en dépit du «soutien à l’islamisme» ainsi que du «chantage à l’immigration» que pratique Ankara. Il fustige aussi les «actes agressifs» commis par l’armée turque à l’encontre de la Grèce et de Chypre, État membre de l’UE dont la partie orientale est occupée par la Turquie depuis 1974.

Ankara ne subit pour l’heure que des sanctions infligées par Washington pour avoir acheté des systèmes de défense antiaériens russes S-400. Un membre de l’Otan, deuxième geôlier de journalistes au monde, pourtant loin d’être autant ciblé que la Russie par les grands médias.

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