Total de retour en force en Irak: vecteur d’instabilité régionale ou «réelle opportunité»?

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Le géant pétrolier français Total et Bagdad ont signé un protocole d’accord afin de mettre en œuvre d’importants projets énergétiques en Irak. Une très bonne nouvelle pour les deux parties, voire la région, estime Pierre Fabiani, ancien représentant du groupe Total en Iran.

Total de retour en force en Irak?

Le 27 janvier, Ihsan Abdul-Jabbar Ismail, ministre irakien du Pétrole, et Patrick Pouyanné, président-directeur général du groupe Total, ont apposé leurs signatures sur un protocole d’accord visant à mettre en œuvre des «projets grands et prometteurs» en matière de gaz naturel et d’énergies moins polluantes.

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Un accord qui est tout sauf surprenant d’un point de vue historique, estime Pierre Fabiani, responsable «Iran» au sein d’Evolen, association française des sociétés et des professionnels du pétrole et du gaz, et représentant du groupe Total en Iran de 2004 à 2008, qui a longtemps suivi les activités du groupe en Irak.

«Ce type d’accord n’est pas étonnant, Total a toujours eu une relation privilégiée avec l’Irak. Nous avons presque toujours eu des représentants Total en Irak depuis qu’on y a mis les pieds en 1924», rappelle l’ancien de la firme pétrolière.

Selon lui, la signature de cet accord profite tant au groupe qu’au pays, au regard de l’historique entre les deux entités, et ce même si la situation sécuritaire en Irak est toujours loin d’être stabilisée.

«Pour nous, c’est le métier de prendre des risques»

Le double attentat revendiqué par Daech* en plein Bagdad le 21 janvier est là pour le rappeler. Mais d’après Pierre Fabiani, ce risque est tout sauf un frein pour le géant français:

«Pour nous, c’est le métier de prendre des risques. L’un des derniers expatriés à avoir quitté l’Irak du temps de la première guerre du Golfe était un des représentants Total du pays.»

Le responsable «Iran» au sein d’Evolen invite à regarder l’exemple de Total au Mozambique: malgré l’important conflit civil qui se déroule actuellement dans le pays du sud-est africain, Total n’a pas cessé ses activités. L’Américain Exxon non plus. D’après l’ancien numéro un de Total en Iran, les bénéfices qui peuvent ressortir de cet accord valent largement le risque encouru.

«Je ne connais pas les détails de ce qui est demandé et de ce qui est proposé, mais pour moi, le retour en force de Total en Irak, c’est une réelle opportunité. On parle de gaz, on parle d’autres secteurs qui peuvent présenter de bonnes opportunités pour les deux parties», explique-t-il.

Pierre Fabiani rappelle d’ailleurs que dans le passé, Total a toujours concentré ses investissements en Irak sur le pétrole. Bagdad, extrêmement dépendant de ses revenus pétroliers, cherche à se diversifier depuis longtemps, ce que vient cette fois soutenir Total. C’est ce facteur qui rendra gagnantes les deux parties, selon Pierre Fabiani, car l’Irak n’a pas les moyens d’exploiter seul la majeure partie de ses hydrocarbures et autres sources énergétiques.

Un pied de nez à l’Iran?

Cet accord soulève tout de même des interrogations au niveau géopolitique. Ces dernières années, l’Irak importait la majorité de son gaz et de son électricité d’Iran, et Téhéran pourrait voir d’un mauvais œil la diminution de la demande irakienne, car celle-ci constitue une rente importante pour un Iran qui subit de plein fouet les sanctions américaines.

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Pierre Fabiani estime pourtant que ce protocole d’accord ne s’inscrit pas dans une logique de confrontation de Bagdad ou de Total avec l’Iran.

«C’était l’idée de Donald Trump de pousser Bagdad à limiter ses importations en hydrocarbures d’Iran. Sans le gaz et l’électricité iraniens, l’Irak aurait été plongé dans le noir bien plus souvent qu’il ne l’a été ces dernières années. Trump a tenté durant son mandat de rompre cette relation, mais il ne peut non plus déclencher une guerre civile en Irak, qui est déjà au bord de la rupture économique, en coupant l’approvisionnement énergétique irakien», explique-t-il.

Avec précaution, l’ancien numéro un de Total Iran prédit que la nouvelle Administration américaine desserrera l’étau autour de Téhéran, et ce, même si Washington ne revient pas dans l’accord sur le nucléaire iranien. Le pays des mollahs sera donc moins dépendant de cette rente et il n’y a donc pas de crainte à avoir sur ce dossier-là du point de vue de Bagdad ou de Total.

Un accord vecteur de stabilité?

Au contraire, Pierre Fabiani juge positive et nécessaire aux deux pays moyen-orientaux une relation saine de bon voisinage.

«La réussite de l’Irak passe par une relation saine avec l’Iran, et vice-versa. Et pour le moment, l’Irak est en bons termes avec l’Iran. Malgré toutes ses fragilités, Bagdad est sur le chemin de la reconstruction et ils ne peuvent se reconstruire qu’avec le soutien de l’Iran, qu’ils soutiennent eux-mêmes en achetant leur gaz et leur électricité.»

Selon Pierre Fabiani, la signature de ces accords ne peut que rendre l’Irak plus prospère, et donc contribuer à lui apporter la stabilité dont elle a besoin pour se reconstruire. C’est donc pour lui un vecteur de stabilité pour le pays et la région.

«Pour moi, la signature de ce protocole d’accord est une colombe dans le ciel», conclut-il.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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