Tensions Chine-USA autour de Taïwan: «plus le temps passe, plus les capacités militaires chinoises sont importantes»

© AP Photo / Pang Xinglei/XinhuaArtillerie et militaires chinois (photo d'archive)
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Entre incursions aériennes chinoises et arrivée d’un groupe aéronaval américain, les tensions militaires entre les États-Unis et la Chine autour de Taïwan culminent en ce mois de janvier. Si Washington soutient Taipei, Pékin a largement modernisé son appareil militaire, constate Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine.

«Endiguer la Chine est mission impossible et revient à se tirer une balle dans le pied», a averti le 28 janvier le ministère chinois de la Défense à l'adresse des États-Unis face à la recrudescence des tensions vis-à-vis de Taïwan. Alors que vingt-huit avions militaires chinois pénétraient dans la zone d’identification de défense aérienne de l’île les 23 et 24 janvier, le porte-avions américain USS Roosevelt atteignait la mer de Chine méridionale. Pour Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique, il faut toutefois différencier «les tests et les provocations militaires» de la stratégie d’«envahir» Taïwan dans les prochaines semaines.

Lignes rouges – Jean-Baptiste Mendes reçoit Antoine Bondaz, chercheur spécialiste de la politique étrangère et de sécurité de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), responsable du programme «Taïwan sur la sécurité et la diplomatie».

«Pas impossible qu’il y ait un conflit»

En 2020, c’était environ «un avion par jour», bombardier ou avion de chasse chinois, qui pénétrait dans la zone d'identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan, à 200-250 km des côtes. Depuis début 2021, ce sont désormais «deux avions par jour», selon les comptes d’Antoine Bondaz. Le 28 janvier, six aéronefs chinois dont deux chasseurs ont pratiqué ces incursions. Des vols assumés par Pékin. Les autorités chinoises évoquent des «exercices militaires» qui «visent à défendre avec fermeté» leur souveraineté. Menaçant de recourir à la force en cas de proclamation d’indépendance formelle, le gouvernement chinois lance ainsi un «avertissement solennel» aux États-Unis, les appelant à cesser «leurs ingérences», et aux «indépendantistes taïwanais» à cesser «leurs provocations». Pour le chercheur, les objectifs des dirigeants chinois sont très clairs:

«Premièrement, ils visent à tester la défense aérienne de Taïwan, à mettre la pression sur l’armée taïwanaise. Deuxièmement, ils comptent démoraliser la population en mettant en scène la supériorité militaire de la Chine. Troisièmement, c’est aussi un message envoyé aux États-Unis, pour éprouver les garanties de sécurité américaines envers Taïwan, et plus largement à la communauté internationale, pour tester sa réaction face à ce changement unilatéral du statu quo par la Chine.»

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Il n’est «pas impossible qu’il y ait un conflit» dans le détroit de Taïwan, selon notre interlocuteur. L’armée chinoise et l’armée taïwanaise «s’y préparent depuis des décennies». Un incident pourrait tout à fait dégénérer en conflit militaire. «Le risque d’un conflit est bel et bien réel», martèle le spécialiste de la région. Visant à dissuader Taipei de déclarer son indépendance, la loi anti-sécession de 2005 menace l’île «d’intervention militaire» en cas de déclaration d’indépendance formelle ou si l’unification entre Taïwan et la Chine était «considérée comme impossible». Il s’agirait d’une «question politique, idéologique et évidemment militaire primordiale» pour tous les dirigeants chinois. Mais la Chine a-t-elle intérêt à frapper et/ou envahir Taïwan dès demain? «Dans la situation actuelle, elle n’y a évidemment pas intérêt», répond Antoine Bondaz. Mais il rappelle néanmoins un fait majeur: «la modernisation de l’armée populaire de libération».

«C’est ce qui explique les investissements considérables, ces dernières années, de la Chine dans les capacités amphibies. Concrètement, il s’agit de capacités militaires qui permettraient d’envahir l’île et pas seulement de la frapper de loin.»

Avec une croissance de 6,6%, le budget militaire chinois était en 2020 de 178 milliards de dollars. Soit le deuxième du monde après les États-Unis. Des dépenses qui ont été «multipliées par six ou sept» ces vingt dernières années alors que celles de Taïwan «stagnaient» à 15 milliards de dollars.

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«Très clairement, plus le temps passe, plus les capacités militaires chinoises sont importantes et plus le soutien américain et une potentielle intervention sont vitaux pour la défense de Taïwan», observe Antoine Bondaz.

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Le mandat de Joe Biden débute comme a terminé celui de son prédécesseur. La guerre commerciale déclarée à la Chine sous l’Administration Trump devrait se poursuivre. Investi depuis près d’une semaine, le gouvernement américain a déjà envoyé plusieurs avertissements à Pékin sur la mer de Chine méridionale. Allié le plus puissant et fournisseur d'armes numéro un de Taïwan, les États-Unis ont également assuré que leur soutien à Taipei restait «solide comme un roc» et pressé Pékin «de cesser ses pressions militaires, diplomatiques et économiques» sur l'île. Au-delà d’un rappel vigoureux de la liberté de navigation dans ces eaux, l’arrivée de l’USS Roosevelt ce 24 janvier serait aussi un message à Taïwan et à la Chine:

«C’est celui que les autorités taïwanaises attendent. C’est celui de la concrétisation de la crédibilisation des garanties de sécurité américaines envers Taïwan. C’est concrètement un message qui vise à dire de la part de Washington que, s’il y a un changement unilatéral et militaire du statu quo de la part de Pékin, alors les États-Unis pourraient intervenir.»

Ce qui pose toutefois un problème majeur. Si la Chine semble décidée à ne rien céder, le soutien américain à Taïwan est réel. Mais la population américaine verrait-elle d’un bon œil une intervention militaire qui impliquerait une guerre à grande échelle contre la Chine? Antoine Bondaz constate qu’il s’agit là d’un axe sur lequel les autorités chinoises «essaient de dissuader les États-Unis» en mettant en scène «leur domination et leur suprématie» dans le détroit de Taïwan.

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