Au Cameroun, le vaccin contre le Covid-19 alimente les théories complotistes

© Sputnik . Anicet SimoDes chauffeurs de mototaxi et des passagers non masqués dans un carrefour de Douala.
Des chauffeurs de mototaxi et des passagers non masqués dans un carrefour de Douala. - Sputnik Afrique, 1920, 02.02.2021
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Alors que le Cameroun s’apprête à introduire le vaccin contre le Covid-19, la polémique enfle. Si, pour les autorités, la riposte sanitaire passe par là, beaucoup de citoyens demeurent sceptiques, jugeant la vaccination sinon néfaste, du moins inutile. Dans la rue ou sur la Toile, chacun y va de ses explications, y compris les plus controversées.

Au bord d’une des routes en chantier au lieu-dit Rhône-Poulenc, à la périphérie de Douala –la capitale économique du Cameroun–, un nuage de poussière recouvre commerces et visiteurs au passage des véhicules. Une situation qui ne décourage pas les nombreux mototaxis garés sur la chaussée dans l’attente de clients.

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Si, pour ces chauffeurs, le coronavirus est loin de présenter une menace, au vu de leur non-respect total des mesures barrières, il est encore moins question d’évoquer un quelconque vaccin contre la maladie. Leurs convictions, qu’ils distillent sur un ton péremptoire, sont assez représentatives des théories du complot qui alimentent les discussions dans les bars ou sur la Toile.

«Vous parlez du vaccin contre une maladie qu’on ne voit pas? C’est toujours comme ça que les pays occidentaux font pour introduire les maladies en Afrique», fulmine Pierre Ndjeng, l’un des conducteurs de moto au micro de Sputnik.

«Chez les Blancs, qui fabriquent le vaccin, les gens refusent de le prendre. Pourquoi alors devrais-je me faire vacciner?», s’interroge une passagère avant le départ du conducteur.

Un climat de méfiance généralisé

En effet, le thème du vaccin contre le Covid-19 a ressurgi dans l’actualité depuis la conférence en ligne des ministres de la Santé de la sous-région Cemac (Communauté économique des États de l’Afrique centrale), tenue du 19 au 22 janvier derniers.

Il y était question de mener des réflexions et d’adopter une position commune sur la vaccination contre le Covid-19, le choix des produits et le calendrier. Au terme de cette visioconférence, un consensus a été trouvé autour de la nécessité de traiter les populations de la Cemac.

Le ministre de la Santé camerounais Manaouda Malachie, qui a présidé la réunion, soulignait que le vaccin «apparaît comme une solution durable dans la lutte contre cette pandémie qui menace la résilience de nos économies fragiles». Si la campagne de vaccination est déjà annoncée pour la fin de ce semestre, cette nouvelle est loin d’enchanter tous les Camerounais, qui baignent dans un climat de méfiance envers cette thérapie.

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la réticence autour des vaccins est actuellement un problème international. En 2019, l’organisation avait inscrit le phénomène parmi les dix menaces pour la santé mondiale. Le Cameroun, comme bien d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, fait vraisemblablement partie des mauvais élèves. Sa population est, en effet, très coutumière de ce scepticisme et oppose de nombreux obstacles culturels ou religieux. Ce fut le cas, courant 2020, avec la contre-campagne des religieux contre le vaccin du cancer du col de l’utérus, ou encore, quelques semaines auparavant, de la réticence exprimée par de nombreux Camerounais envers celui contre la poliomyélite.

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Au sujet du vaccin contre le Covid-19, beaucoup soupçonnent des complots des laboratoires pharmaceutiques visant à faire d’eux des cobayes. Une crainte qui trouve sans doute son origine en avril 2020, au plus fort de la pandémie de coronavirus, dans la polémique soulevée par les propos de deux médecins français qui avaient suggéré d’expérimenter un vaccin contre le Covid-19 en Afrique lors d’une émission diffusée sur LCI.

Des vaccins «manipulés loin de nos yeux»

Le Cameroun connaît par ailleurs une hausse des infections. Dans un message sur son compte Twitter samedi 23 janvier, le ministre de la Santé annonçait plus de 1.600 nouvelles contaminations et sept décès en une semaine, un chiffre record pour le pays. Avec plus de 29.000 cas pour plus de 460 morts au total à fin janvier, le territoire fait partie des États les plus touchés par la pandémie en Afrique subsaharienne.

Cependant, à la suite de la publication de ces chiffres, de nombreux internautes sceptiques ont estimé que ces déclarations étaient une manœuvre du gouvernement pour convaincre la population de l’opportunité de la campagne de vaccination.

D’autre part, d’aucuns, comme Didier Ndengue, blogueur engagé dans une campagne digitale contre ce vaccin, pensent que la solution ne saurait venir d’un traitement déjà rejeté par les populations des pays les plus touchés par le coronavirus.

«Au Cameroun, où on compte quelques victimes et où des solutions locales ont fait leurs preuves, on ne peut pas nous laisser croire que ce sont ces vaccins "antiCovid", fabriqués et manipulés loin de nos yeux, qui vont nous sauver contre quelque chose qu’on ne connaît pas», a-t-il écrit.

Dans ce climat de scepticisme généralisé, des spécialistes comme Parfait Mbvoum, médecin épidémiologiste, précisent que le plus urgent demeure le respect des mesures barrières, tout en rappelant l’importance du vaccin.

«Vous constatez que même ceux qui sont vaccinés aujourd’hui continuent à porter le masque. Parce que ce sont des vaccins presque d’expérimentation, qui ne sont pas encore efficaces à 100%», confie-t-il à Sputnik.

Dans un premier temps, le Cameroun devrait acquérir les doses disponibles via la plateforme Covax. À travers cette initiative, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses partenaires espèrent vacciner «3 % des Africains d’ici à mars 2021 et 20 % d’ici à la fin de l’année».

Au Cameroun, aucune communication n’a été faite sur le type de produit dont les autorités feront l’acquisition, de même que l’on ignore encore la stratégie de vaccination que pourrait adopter le pays à la suite de l’étape Covax.

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