L'Iran compte devenir un grand exportateur du vaccin russe vers les pays de la région

© Sputnik . Valeri Melnikov / Accéder à la base multimédiaDes flacons de GamCovidVac (Spoutnik V) dans un centre de vaccination à Moscou (archive photo)
Des flacons de GamCovidVac (Spoutnik V) dans un centre de vaccination à Moscou (archive photo) - Sputnik Afrique, 1920, 09.02.2021
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Mohammad Reza Shanehsaz, vice-ministre de la Santé de la République islamique d’Iran et chef de l’Organisation pour le contrôle de la production de médicaments et d’aliments dans le pays, a évoqué dans une interview exclusive à Sputnik les projets de l’Iran de négocier et de produire le vaccin Spoutnik V.

Sputnik: Le 4 février, un premier lot de 20.000 doses du vaccin russe Spoutnik V a été livré à l’Iran. Pourquoi avoir acheté une quantité aussi limitée?

M. Shanehsaz: «Tout d’abord, compte tenu des exigences particulières pour le transport de ce vaccin, nous avons dû assurer le maintien d'une température de –18°C du lieu de fabrication à l’aéroport de Moscou, puis à l’aéroport Imam Khomeini et enfin au lieu de stockage. À chaque étape, il était nécessaire de contrôler la logistique. Par conséquent, pour ce premier lot, on n’a pas acheté une grande quantité, car nous avons estimé qu’il serait nécessaire d’identifier d’éventuelles difficultés liées au transport en vue des livraisons ultérieures. Heureusement, il n’y a eu aucun problème et la marchandise a été livrée en toute sécurité.

Ensuite, il ne faut pas oublier que la demande pour ce vaccin est forte dans le pays et qu’il faut tenir compte des capacités de production en Russie. Les livraisons ultérieures seront plus importantes et nous recevrons plus de doses.»

Sputnik: Comment se sont déroulées les négociations sur la fourniture du vaccin Spoutnik V à l’Iran?

M. Shanehsaz: «On peut dire que c’est le RFPI [Fonds russe des investissements directs, ndlr] qui en était l’initiateur. C’est lui qui s’est tourné vers nous avec une offre. Les négociations ont été menées directement avec le RFPI. Sur la base des résultats de la recherche, ainsi que de l’ensemble des informations fournies par le fonds russe à l’Organisation pour le contrôle de la production de médicaments et d’aliments (le principal régulateur en Iran chargé d'approuver la qualité d'un vaccin). La Commission législative a voté pour l’approbation de ce médicament dans notre pays et a autorisé son utilisation d’urgence conformément aux règles existantes de l’EUA [autorisation pour l’utilisation d’un médicament en cas d’urgence, ndlr]. Le Spoutnik V est devenu le premier vaccin contre le Covid-19 enregistré en Iran. Il a reçu toutes les licences nécessaires à son utilisation.»

Sputnik: Spoutnik V est-il fourni à l’Iran dans le cadre du mécanisme COVAX?

M. Shanehsaz: «L’Iran ne négocie pas et n’achète pas ce vaccin par le biais du dispositif COVAX. Il s’agit de négociations indépendantes directes avec le fabricant russe.

Comme l’a précédemment déclaré le ministre iranien de la Santé, nous avons trois options pour fournir des vaccins au pays: notre propre production par plusieurs sociétés pharmaceutiques nationales, l’achat de vaccins importés avec l’aide du mécanisme COVAX et par le biais de négociations directes avec des fabricants étrangers fiables. Nous avons déjà demandé et exécuté un prépaiement pour les livraisons de vaccins via le dispositif COVAX.»

Sputnik: Quelle forme de vaccin Spoutnik V l’Iran envisage-t-il d’acheter: un vaccin à deux composants ou bien le SpoutnikLight? Un équipement de stockage du vaccin sera-t-il également fourni par la Russie?

M. Shanehsaz: «Jusqu’ici, nous ne parlons que d’une forme à deux composants (vaccin à deux doses). Nous n’avons reçu qu’un lot de la première dose. Nous devrions bientôt recevoir le second composant (seconde dose). L’avantage de ce vaccin, ce sont les conditions de stockage. Des températures allant jusqu’à –20°C peuvent être assurées sans problème majeur. D’autres vaccins nécessitent des régimes de température spéciaux: jusqu’à –70°C. Par conséquent, les conditions de température pour transporter le vaccin russe sont tout à fait acceptables pour la plupart des pays. Nous disposons d’un équipement pour le stocker dans nos laboratoires.»

Sputnik: Combien de doses du vaccin russe comprendront les livraisons ultérieures? Combien de doses l'Iran souhaite-t-il acheter?

M. Shanehsaz: «Au départ, un accord a été trouvé sur deux millions de doses. Et selon le programme [livraisons des 18 et 28 février, ndlr], annoncé précédemment par l’ambassadeur iranien auprès de la Fédération de Russie, Kazem Jalali, les livraisons ultérieures comprendront 500.000 doses. Nous prévoyons que, d’ici à fin mars, nous serons en mesure de recevoir le vaccin à raison de un ou deux millions de doses.

Le groupe prioritaire pour la vaccination comprendra les médecins travaillant dans des services de soins intensifs avec des patients ayant le Covid-19. L'administration de Spoutnik V à ce groupe commence cette semaine. Progressivement, d’autres groupes de population s’ajouteront à la liste: les patients à risques, souffrant de maladies chroniques.»

Sputnik: Autrement dit, les 20.000 doses reçues seront utilisées uniquement pour la vaccination des médecins iraniens et des personnes du groupe à risques?

M. Shanehsaz: «Oui. Le ministère de la Santé a défini la vaccination de nos collègues, les médecins, comme une priorité. C’est le groupe le plus vulnérable. En particulier les médecins qui travaillent dans les “zones rouges”. Nous allons donc les vacciner, à condition que ces médecins n’aient jamais eu le Covid-19. Ensuite seront vaccinés d’autres membres du personnel soignant et des patients âgés.»

Sputnik: Pour quand la vaccination de masse de tous les groupes de population, notamment avec Spoutnik V, est-elle prévue?

M. Shanehsaz: «La population de l’Iran s’élève à environ 85 millions de personnes. Pour la vaccination, on a besoin d’environ 170 millions de doses. Nous espérons faire en sorte que tous les habitants de notre pays aient la possibilité de se faire vacciner. Il n’est évidemment pas possible de fournir autant de doses à partir d’une seule source. Pour le moment, notre priorité est de vacciner les personnes à risques. Et ensuite, lorsque nous déploierons et augmenterons les volumes de production, à la fois de notre propre vaccin iranien émanant de sociétés pharmaceutiques indépendantes, mais aussi grâce au transfert de technologies et à la production conjointe de vaccins avec certains États avec lesquels nous sommes en train de négocier, nous pourrons satisfaire les besoins de la population. Dans le même temps, la production conjointe visera non seulement à répondre à nos besoins nationaux pour lutter contre le coronavirus, mais également à exporter des vaccins vers d’autres pays. Pour nous, la prochaine étape sera donc d’aider d’autres pays de la région à satisfaire leurs besoins en vaccins contre le coronavirus.

Comme l’ont auparavant promis notre président et le ministre de la Santé, la première étape de la vaccination débutera à l’anniversaire de la victoire de la révolution islamique en Iran, le 9 février. Par la suite, les approvisionnements et le rythme de la vaccination seront renforcés.»

Sputnik: L’une des questions importantes qui inquiètent les Iraniens est que le Conseil médical de la République islamique d’Iran n’a toujours pas approuvé Spoutnik V. Pourquoi y a-t-il eu des différends et des désaccords entre certains médecins et le ministère de la Santé du pays concernant l’achat de ce vaccin?

M. Shanehsaz: «Premièrement, l’organisme officiel habilité à autoriser l’utilisation de tout médicament ou vaccin dans le pays est l’Organisation pour le contrôle de la production de médicaments et d’aliments relevant du ministère iranien de la Santé. De toute façon, cette organisation connaît bien ses responsabilités. Dans notre région [au Moyen-Orient, ndlr], l’Organisation pour le contrôle de la production de médicaments et d’aliments relevant du ministère iranien de la Santé a montré qu’elle disposait d’un solide système de surveillance des vaccins et a été reconnue comme l’une des meilleures de ces dix dernières années. Par conséquent, cette organisation constitue la principale autorité de contrôle. Deuxièmement, le Conseil médical de la République islamique d’Iran (IRIMC) n’est qu’une ONG servant d’organe consultatif. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas eu de déclarations officielles de la part de l’IRIMC refusant le vaccin russe Spoutnik V. Bien sûr, nos confrères ont le droit d’exprimer leurs opinions et de formuler des commentaires personnels. Mais je n’ai jamais vu ni entendu que le chef de l’IRIMC, le docteur Zafarghandi, ait parlé de la mauvaise qualité de ce vaccin. C’était peut-être le premier commentaire de la part de certains de nos collègues, qui, je l’espère, se sont assurés du contraire au vu des nouvelles informations fournies par le fabricant russe. Quoi qu’il en soit, le débat sur les vaccins est le même dans le monde entier. Certains professionnels de la santé sont d’accord et d’autres non. C’est un sujet très délicat. En revanche, les craintes des collègues se sont dissipées après la publication des articles scientifiques sur la sécurité du vaccin Spoutnik V dans de prestigieuses revues scientifiques.»

Sputnik: Une importante délégation est arrivée à Moscou pour des négociations avec la partie russe. Qui participera à la production conjointe du vaccin russe en Iran?

M. Shanehsaz: «L’Iran et la Russie ont un grand potentiel pour élargir leur coopération dans divers domaines, y compris la santé et la production de vaccins. La proximité géographique de nos pays permet d’établir une excellente coopération pour répondre aux besoins de chacun. Par exemple, en République islamique, notre capacité de production pharmaceutique est plus de quatre fois supérieure aux besoins de nos 85 millions d’habitants. Nous produisons environ 98% des médicaments nécessaires au niveau national, et ce chiffre était le même au moment de l’imposition des sanctions américaines, qui étaient vraiment inhumaines et ont affecté le secteur des médicaments, du matériel médical et d’autres produits de santé importants. La période de sanctions a en effet empêché l’importation de matières premières pour la production de médicaments et de matériel médical, qui n’étaient utilisées qu’à des fins médicales et dont le destinataire final était connu.

La Russie a un énorme potentiel dans le domaine de la médecine, de la production de matériel médical et de vaccins sur lesquels nous pouvons travailler ensemble. Ce que nous voyons maintenant –un partenariat pour la production conjointe de vaccins et le transfert de technologies– est un point de départ et un tournant dans la coopération entre deux pays dans le domaine médical. J’attends avec optimisme le résultat des pourparlers avec des responsables du ministère russe de la Santé et d’autres responsables russes.»

Sputnik: Comment comptez-vous effectuer le transfert de technologies pour la production de vaccins? Quelles institutions seront impliquées dans ce travail? Des scientifiques iraniens seront-ils envoyés en Russie pour suivre une formation?

M. Shanehsaz: «Aujourd’hui, nous avons divers fabricants de vaccins dans notre pays, mais cela ne veut pas dire que nous avons renoncé à acquérir des compétences venant de pays ayant des connaissances avancées dans ce domaine. Surtout d’un pays comme la Russie, où le potentiel est énorme quant au travail en commun.

L’Organisation pour le contrôle de la production de médicaments et d’aliments est un organisme d’enregistrement et de certification des médicaments. Elle ne produit rien. Comme l’Institut Pasteur de recherche sur les maladies infectieuses, dont les activités sont axées sur la recherche et le développement. Par conséquent, nous espérons associer le secteur privé à la coopération et que, avec les sociétés pharmaceutiques russes, nous serons bientôt en mesure de lancer une production conjointe de vaccins en Iran, d’autant plus qu’un certain nombre de nos spécialistes ont déjà été adoubés par la partie russe.

Le premier objectif de cette coopération avec la Fédération de Russie est la satisfaction rapide des besoins de l’Iran en vaccins. L'objectif suivant est l’exportation de ces vaccins. Plusieurs entreprises iraniennes, après avoir vu les installations et l’infrastructure du fabricant russe, ont confirmé qu’elles pouvaient garantir la qualité et le niveau de production de vaccins. Étant donné la forte demande et la nécessité de grands volumes de Spoutnik V dans le monde, les capacités des entreprises iraniennes contribueront à augmenter et à étendre les capacités de production.»

Sputnik: L’Iran peut donc devenir un exportateur régional de vaccin russe vers d’autres pays?

M. Shanehsaz: «Exactement. Compte tenu de sa situation géographique stratégique, l’Iran peut répondre, en collaboration avec des entreprises russes, aux besoins à la fois des pays du Golfe, avec lesquels nous entretenons des relations amicales, et d’autres pays de la région orientale. Ce sera un partenariat gagnant-gagnant pour tous ceux qui seront impliqués dans ce processus.»

Sputnik: Quel sera le prix d’une dose de vaccin pour les Iraniens dans le cadre de la vaccination de masse?

M. Shanehsaz: «Le vaccin sera absolument gratuit pour les citoyens iraniens. Le prix à l’exportation, dont nous sommes convenus avec nos collègues en Russie, est connu [selon le RFPI, le prix à l’exportation d’une dose ne dépassera pas 10 dollars, ndlr] et sera précisé dans un accord que nous signerons prochainement. Mais la vaccination avec le vaccin russe sera gratuite pour le consommateur iranien. Aucun de nos compatriotes n’aura à payer.»

Sputnik: Est-ce qu’il sera possible d’acheter ce vaccin en privé et se faire vacciner?

M. Shanehsaz: «Pour le moment, le calendrier de vaccination est déjà planifié et se trouve dans un système appelé TTAC, qui est une plate-forme électronique de haute technologie qui stocke les informations sur les citoyens, y compris une carte médicale et des dossiers de vaccination. Actuellement, les personnes qui reçoivent le vaccin sont des groupes prioritaires pour lesquels la vaccination est gratuite. Jusqu’à présent, aucun nouveau plan n’a été annoncé quant à la façon dont la vaccination de masse se poursuivra après la vaccination de ces groupes prioritaires. Pour le moment, le vaccin sera fourni aux citoyens gratuitement.»

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